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Le psi existe-t-il et pouvons-nous le prouver ? Croyance et incroyance dans la recherche sur la psychokinèse

Le psi existe-t-il et pouvons-nous le prouver ? Croyance et incroyance dans la recherche sur la psychokinèse

Dans cet article, publié en 2004 dans les PA proceedings, Echkard Etzold réfléchit aux éventuelles conséquences du Modèle de l’Information Pragmatique (MPI) et leur lien avec les difficultés rencontrées dans les recherches sur la psychokinèse.

RESUME

Les recherches sur la psychokinèse rencontrent des difficultés dans la réplication de leurs découvertes. Quelques siècles auparavant, les phénomènes de psychokinèse comme la lévitation ou le déplacement d’objets étaient bien connus. Aujourd’hui, les phénomènes anomaux semblent réduits à de rares et faibles effets dans des processus stochastiques. Alors que les méthodes expérimentales et analytiques deviennent de plus en plus professionnelles dans les dernières décades, les chercheurs se plaignent d’une diminution des preuves et de la taille des effets. Le « Modèle de l’Information Pragmatique » (MPI) de Walter Von Lucadou prédit un changement ou un déclin de la taille des effets. Selon le MPI, cela s’avère nécessaire parce qu’autrement une expérimentation dans le paranormal pourrait être utilisée pour un transfert d’information qui pourrait constituer une intervention paradoxale. En élaborant davantage les implications théoriques et les conséquences du MPI, nous voyons que nous atteignons finalement un point où les résultats d’une expérience de PK donnée ne peuvent plus être distingués des résultats aléatoires. C’est pourquoi nous devrions abandonner les recherches orientées vers la production de preuves. Nous ne pouvons y trouver que des degrés différents d’évidence.

Une autre interprétation est que la montée du scepticisme pourrait être, à elle seule, la raison de l’érosion des preuves. La précédente analyse de l’auteur des résultats d’une expérimentation de Rétro-PK au Fourmilab en rapport avec les phases lunaires mène à une valeur de z de 3,24 pour tout l’intervalle de la pleine lune. Une réplication obtint une valeur de z de -2,49 pour le même intervalle. Plusieurs preuves sont données que le retournement d’effet (changement de signe) dépend non seulement des prédictions du MPI mais aussi de la croyance et de l’incroyance dans les phénomènes paranormaux. D’autres parapsychologues ont remarqués que leurs résultats expérimentaux correspondaient souvent à leur propre croyance ou incroyance dans les phénomènes paranormaux. Cela semble être plus qu’une coïncidence ou le résultat d’expériences isolées, mais pourrait bien faire partie intégrante du phénomène de psychokinèse lui-même. De telles expériences résultent des interactions entre l’esprit d’une personne avec le monde physique, le tout analysé par un expérimentateur. Dans la vision classique de la science, l’expérimentateur est un observateur neutre de l’expérience, et n’a aucune influence sur le résultat. Cette vision doit être corrigée. L’expérimentateur a également des attentes, des peurs et des espoirs dans son esprit qui peuvent influencer les résultats d’une expérience de PK. Il fait également parti, selon le MPI, des agents psi de l’expérience de PK. Encore plus que dans les autres disciplines scientifiques, les résultats de l’expérience dépendent de la croyance ou de l’incroyance dans les phénomènes paranormaux des expérimentateurs. Croyance et incroyance sont auto-référentielles, elles agissent comme des prophéties auto-réalisantes et ont tendance à créer leurs propres preuves qui confirment les attentes de l’expérimentateur pro-psi comme de l’expérimentateur sceptique. En raison du paramétrage du nouveau paradigme expérimental de Lucadou, il est nécessaire de documenter la croyance de l’expérimentateur et d’évaluer son effet et son résultat. Les meilleures conditions favorisant la réussite d’une expérience seraient d’employer des sujets et des expérimentateurs qui ne doutent pas de l’existence du psi. La demande des sceptiques de bannir la parapsychologie du domaine de la science doit être rejetée. C’est une science avec ses conditions spécifiques de recherche.


INTRODUCTION

Le statut et la position scientifique de la parapsychologie dans la sphère de la science a été un sujet de débats depuis son tout début (Bauer, 1985; Palmer, 1990; Alcock, 2003; Parker, 2003; Parker & Brusewitz, 2003; Irwin, 1989; Hoebens, 1982). Les représentants de l’organisation sceptique GWUP (le CSICOP allemand) conteste la « nature scientifique » de la parapsychologie, et cherche à la bannir entièrement de la sphère de la science si elle n’arrive pas à présenter des preuves de l’existence du psi. Dans ce contexte, on insiste beaucoup sur le fait que la parapsychologie n’a pas encore réussi à répliquer un seul effet anomal identique dans des conditions de laboratoire (Hüsgen & Kamphuis, 2000). En plus du manque de réplication, nous trouvons (comme découlant de celui-ci) un déclin dans la preuve et la taille d’effet des phénomènes paranormaux. Est-ce que c’est une conséquence de la montée du scepticisme dans les derniers siècles ?

Au début du XVIIe siècle, il n’y avait pas de recherche académique en parapsychologie. Les miracles et les événements paranormaux étaient généralement acceptés et largement avérés dans les sociétés. Le scepticisme commençait seulement à faire partie du travail scientifique. A l’époque, le moine italien Saint Joseph de Cupertino provoqua la disgrâce de la Sainte Inquisition par ses nombreuses lévitations durant l’élévation de l’hostie qui ne pouvaient pas être expliquées scientifiquement:

Il y a plusieurs témoins sceptiques des nombreuses lévitations de Joseph de Cupertino qui n’acceptaient pas ces phénomènes et avaient assez de connaissances scientifiques pour justifier leurs doutes. Néanmoins, ce fut précisément devant ces témoins sceptiques que Joseph de Cupertino lévita à de si fascinantes hauteurs, pratiquement à chaque fois que la messe était célébrée. La lévitation se produisait si fréquemment chez lui et menait à une telle désordre du service, qu’il a du être attaché au sol avec des bottes de plomb ; mais ce fut en vain, et il s’éleva même avec les bottes de plomb. Parfois, il lévitait jusqu’au plafond de l’église, et c’était seulement au prix du plus intense effort qu’il pouvait revenir sur terre à partir du plus haut rebord, donc seulement après le réveil de son extase. A plusieurs reprises, un acolyte essaya de le maintenir en bas mais fut lui-même porté en l’air accroché à lui (Benz, 1969, p. 218).

Les phénomènes de macro-PK comme la lévitation étaient évidents au XVIIe siècle. On doutait très peu d’eux, et même certains témoins sceptiques en furent convaincus en observant les phénomènes.

Au début du XXe siècle, les effets paranormaux devinrent lentement un terrain de recherche. Les rapports sur les phénomènes de poltergeist et sur les événements de macro-PK furent largement discutés mais n’accédèrent jamais à un statut académique ou à une reconnaissance scientifique. Néanmoins, les phénomènes médiumniques étaient fascinants pour le monde académique et attirèrent des scientifiques respectés comme le pionnier de la radio Oliver Lodge. Le fameux auteur allemand et prix Nobel Thomas Mann espérait seulement revoir « une fois encore, de mes propres yeux, le mouchoir s’élevant sous la lumière rouge » (Mann, 1983, p. 255), et en 1922, les personnes ayant des talents médiumniques qui furent testées pouvaient bouger des objets macroscopiques de plusieurs longueurs par une influence psychokinétique (Bender, 1966, p. 496). Aussi, J. B. Rhine introduisit des méthodes scientifiques en parapsychologie pour évaluer les effets de macro-PK avec des personnes ayant développé leur talent pour la psychokinèse, et qui tentaient d’influencer le lancer de dé. Plus tard, Helmut Schmidt introduisit des dispositifs électroniques et des générateurs d’événements aléatoires comme cibles pour des influences micro-psychokinétiques.

Aujourd’hui, les scientifiques sceptiques supervisent toutes les méthodologies expérimentales du paranormal pour se protéger de la fraude ou des mauvaises interprétations d’événements ayant des explications naturelles. En même temps, les recherches en parapsychologie concernant le phénomène de PK deviennent rares et faibles, et sont réduites à des valeurs statistiques de déviations signifiantes mineures ou à des effets de micro-PK noyés dans des larges bases de données contenant d’abstraites colonnes de nombres. Il est nécessaire de mener dix mille, parfois cent mille expériences avant que les déviations significatives deviennent apparentes. Les jours des moines volants et des objets bougés par PK sont finis. Pourquoi les effets ont perdu leur force impressionnante ? Furent-ils tous le résultat de fraudes ?

Les scientifiques sceptiques argumentent en disant qu’avec des méthodes d’analyse et d’évaluation plus poussées, plusieurs erreurs et autres artefacts seraient exclus, car ils semblent être la vraie source des prétentions du paranormal. Quant l’analyse aurait atteint son plus haut niveau, il ne restera plus aucun phénomène paranormal. Mais ceci est seulement une interprétation. C’est le but de cette présentation que d’en introduire une autre : l’augmentation du scepticisme en soi pourrait être la raison de l’érosion des preuves. Cela dépend de la nature même des phénomènes paranormaux.

LE MANQUE DE SUCCES DES REPLICATIONS

En 1997, le groupe de Recherche sur les Anomalies de l’Ingénierie de Princeton (PEAR) publia son évaluation de douze ans de séries de tests de micro-psychokinèse avec des générateurs de nombres aléatoires (GNAs) qui arrivent à des conclusions (statistiques) impressionnantes :

L’échelle moyenne des signifiances anormales varient de l’ordre de 10-4 bits par bit traité, ce qui, à partir de toute la base de données, correspond à une déviation statistique [en unités standards] de plus de 7sσ (p = 3.5 x 10-13) (Jahn et al. 1997, p. 363).

La taille d’effet apparaît fiable : un bit sur 10000 est changé dans la direction voulu par le sujet testé. Elle mène à l’espérance que la psychokinèse existe réellement comme un phénomène anomal et réplicable. Une conclusion similaire fut exposée par Dean Radin:

Après six ans d’expériences en utilisant les lancers de dé et de leurs descendants modernes, les GNAs électroniques, les chercheurs ont produits des preuves persuasives, consistantes, reproductibles, selon laquelle l’interaction mentale est associée avec le comportement de ces systèmes physiques (Radin, 1997, p. 144).

Après cela, on s’attend à ce que les effets PK soient aisément reproduits avec un grand nombre d’essais et de sujets. En 1996, le projet de Rétro-PK du Fourmilab fut fondé, mettant on-line une expérience de psychokinèse de base qui donne la possibilité de participer à des expériences de PK à toutes les personnes intéressées tout autour du monde. Mais ce projet, toujours en cours, n’a pas réussi à générer des déviations significatives sur l’ensemble des essais. 162 687 expériences enregistrées depuis le 11 janvier 1997 furent comptées jusqu’au 10 juin 2004, chacune avec 1 024 bits et une somme totale de 166 591 488 « essais » accomplis par 15 686 sujets testés. Selon l’attente du PEAR, un bit sur 10^4 changé dans la bonne direction correspondrait à une valeur de z approchant 2,58 déviations standards, alors que la moyenne actuelle de z atteint un niveau non significatif de -0,4377 déviations standards.

Encore en 1996, on établit un programme de collaboration sur les Interactions anomales entre Esprit et Machines (MMI) sous la direction du groupe du PEAR. Les laboratoires de Freiburg sur les Interactions Anormales entre Esprit et Machine (FAMMI) et le Projet Giessen de Recherche sur les Anomalies (GARP) prirent part à cette collaboration. Leur but commun était de répliquer les résultats positifs de PK obtenus par les expériences sur la PK du PEAR. Quoi de plus décevant que de découvrir, dans les années qui suivirent, que les la réplication à grande échelle entreprise par le test du consortium du MMI ne fut jamais capable de confirmer la taille d’effet qui fut préalablement établie, ni d’atteindre le niveau de siginfiance que l’on pouvait attendre sur la base des pré-tests (Jahn et al.2000).

Cette déception nourrit certainement le soupçon (sceptique) de l’inexistence des effets anormaux de psychokinèse (Alcook, 2003). Néanmoins, selon Walter von Lucadou, il n’y aurait en fait pas eu de réelles raisons d’être déçu, si le consortium du MMI avait appliqué son Modèle de l’Information Pragmatique à la réplication et à la formulation de la taille d’effet attendue. Son modèle prédit que des effets de déclins doivent se présenter dans les réplications futures (Lucadou, 2001). Est-ce que le modèle de l’information pragmatique convainc assez pour rejeter toute objection sceptique ?

LE MODELE DE L’INFORMATION PRAGMATIQUE

Le modèle de l’information pragmatique (MPI) est une approche théorique prédisant de tels effets de déclin dans les expériences de psychokinèse. Ce n’est pas encore une théorie complète et finalisée, mais plutôt un modèle qui cherche à décrire, avec des analogies, les conditions dans lesquelles les effets anomaux peuvent être attendus.

Dans le MPI, les anomalies, ou effets psi, sont des corrélations non pas supernaturelles mais signifiantes entre la personne testée (l’agent psi) et le système cible (GNA). Lorsqu’ils interagissent, l’agent psi (ou le sujet testé) et le GNA deviennent un système fermé avec des dépendances auto-référentielles, une « fermeture organisationnelle » (Varela, 1985). Et ceci indépendamment de toute distance spatiale ou temporelle : on parle de non-localité, par analogie aux effets non-locaux en mécanique quantique (Lucadou, 1992). Ses limites sont définies par le ratio d’information pragmatique interne et externe dans l’interaction de ses parts constitutives (Lucadou, 2001). Les corrélations non-locales du MPI sont « au pire des cas » seulement une faible violation des lois de la nature comme nous les connaissons aujourd’hui, parce que le mécanisme sous-jacent aux corrélations est inconnu. Toutefois, la situation devient plus critique quand de telles corrélations non-locales sont supposées être utilisables pour des transferts à longue distance d’informations ou de signaux. La possibilité d’intervention paradoxale interdit de tel transfert d’information : ce serait une violation sérieuse des lois de la nature. (Si je connais ce qu’il pourrait arriver dans le futur, je peux agir dans le présent de telle manière à prévenir les évènements déplaisant se produisant dans l’avenir.) Par conséquent, Lucadou insiste sur une recommendation : « Ne traiter pas le psi comme un signal ! » (Lucadou, 2001, p. 10).

L’information pragmatique est « une mesure du sens de l’information ». Elle se manifeste elle-même dans « ses effets sur le système », mais n’a pas de contenu informationnel (contrairement à un journal ou une nouvelle à la radio).

L’information pragmatique (I) qu’un système produit est en soi le produit de nouveaux facteurs qui excluent la possibilité d’utiliser l’information pragmatique comme un transfert de signal : Un événement avec le caractère de nouveauté apparaît de manière inattendu et soudaine, qui ne peut être la base d’un transfert de signal. Un événement qui agit avec de l’autonomie ne peut également pas être utilisé pour transférer des signaux. Ces facteurs de l’information pragmatique existent en couples d’opposés : Nouveauté (N) contre Confirmation (C) (Weizsäcker, 1974). Lucadou ajouta plus tard Autonomie (A) contre Fiabilité (F) (Lucadou, 1997).

La portion de l’information pragmatique croît en parallèle de l’augmentation des portions d’autonomie ou/et de nouveauté. Le système contient en lui-même quelque chose qui ressemble à « une mémoire » dans laquelle les anciens états du système sont « rangées ». Quand les facteurs C (Confirmation) et F (Fiabilité) augmentent, le produit I (l’information pragmatique produite) chute. Ces facteurs sont responsables des effets de déclin observés dans les réplications des expériences, parce que la nouveauté décline avec les tests répétés pour reproduire des mêmes effets. Simultanément, l’autonomie est limitée, à partir du moment où un résultat possible à un test est déjà employé comme le résultat de l’expérience pilote. Afin de permettre une répétition d’un haut degré de nouveauté, l’effet doit émerger soit ailleurs que dans la réplication où il est attendu, soit en changeant sa taille d’effet ou sa direction. Le MPI offre la possibilité de concevoir des réplications avec des hauts degrés de nouveauté et d’autonomie. Des réplications identiques doivent échouer : si elles réussissent, elle pourraient être utilisées comme transfert de signal qui pourrait violer l’exclusion de l’intervention paradoxale.

Après tout, avec un tel modèle, les résultats des expériences aléatoires peuvent être décrits. Alors, comment pouvons-nous savoir si un seul effet psi remarqué est (toujours) une anomalie inexpliquée ou une simple variété de coïncidence ? Est-ce que les recherches de preuves statistiques peuvent encore être conduites sous de telles conditions ?

En 2000, l’auteur fit une réplication conceptuelle des avancées de Radin et Rebman’s sur l’effet de la pleine lune dans les taux de gains dans les casinos (Radin & Rebman, 1998) avec les données expérimentales de Rétro-PK provenant du Fourmilab (Watkins, Moore & Walker, 1996), en s’attendant à ce que les données de Rétro-PK du Fourmilab puissent démontrer le même effet de la pleine lune que celui revendiqué par Radin et Rebman. L’analyse temporelle des séries appliquée aux données expérimentales en respect des phases lunaires fut publiée en l’an 2000 (Etzold, 2002). Pour l’intervalle de la pleine lune (+/- 1 jour) une valeur significative de z de 3,24 pour les 53 082 premières données expérimentales de Rétro-PK du Fourmilab, semble confirmer les conclusions de Radin et Rebman concernant un pic d’effet dans la période d’un jour avant et d’un jour après la pleine lune. Est-ce une anomalie ou juste une coïncidence ? Après la publication en l’an 2000, j’ai effectué une réplication de mes premières analyses avec les 47 192 données expérimentales suivantes, accumulées dans la base de donnée en Rétro-PK du Fourmilab jusqu’en août 2001. Cette fois, j’étais incertain quand au résultat de l’analyse. Je ne pouvais pas croire que l’effet lunaire observé serait assez persistant pour la réplication (Le MPI, par exemple, prévoit un effet de déclin pour la nouvelle évaluation). Alors, j’obtins une valeur de z (négative) de -2,49 pour la période de pleine lune spécifiée, et j’ai reporté l’échec de cette réplication (Etzold, 2002).

En référence à mes résultats (Etzold, 2002), von Lucadou a écrit (2002, p. 83) :

Le MPI… n’affirme pas que, si l’expérience devait être répétée, l’effet qu’elle a établi auparavant va simplement disparaître, comme si ce n’était purement qu’une fluctuation aléatoire. Selon le MPI, il va plutôt disparaître lentement, ce à quoi on ne s’attendrait pas normalement avec une fluctuation aléatoire, ou il va s’inverser (comme dans le cas de l’étude de Etzold), ou il apparaît par d’autres voies, comme il se produisit durant la réplication de grande envergure de l’expérience du MMI (Jahn et al. 2000).

En schématisant, selon le MPI, nous avons trois possibilités émergeant durant la réplication d’un effet :

a) Réduction lente (Déclin)

b) Inversement, changement de signe

c) Emergence par « d’autres canaux » (Déplacement)

Ceci représente-t-il toutes les possibilités, ou en existent-ils plus ? Lucadou a certainement exclu la possibilité selon laquelle seul un résultat purement aléatoire se présente durant la réplication. Aussi loin que les trois possibilités sont concernées, a) et b) devraient apparaître comme raisonnables dans la mesure où ils sont trouvés dans la direction de l’observation ou à l’extrême opposé de la gamme. Mais la possibilité c) apparaît comme très problématique. Comme savoir par quel « canal » l’effet va réapparaître ? Qu’est-ce qui arrive si je suis incapable de trouver le canal parce que je ne possède pas les méthodes et les techniques de mesure pour ce canal ?

Par conséquent, ces trois possibilités ne sont pas d’un vrai secours si je suis incapable de conclure immédiatement après avoir compléter l’expérience de réplication, et avant de l’évaluer, si, dans ces circonstances, je peux m’attendre à ce que le résultat tombe dans les catégories a), b) ou c). Sans une définition approfondie, ces trois possibilités avancées par Lucadou peuvent s’appliquer dans l’effet d’attente de n’importe quelle réplication d’expérience sur GNA. Un manque de preuve persiste. Lucadou lui-même admet qu’en général (2001) :

Selon ma conviction, la parapsychologie n’a pas réussi à établir des preuves scientifiques indiscutables que le psi existe. (p. 7)

Dans une discussion avec Volker Guiard (Lucadou, 2003), Lucadou désigne les deux théorèmes fondamentaux de la parapsychologie, que je voudrais reproduire ici (Lucadou, 1997, p. 162) :

1) Les phénomènes psi sont des corrélations non-locales dans des systèmes psychophysiques induites par de l’information pragmatique générée par le système (organisationnellement fermé).

2) Chaque essai pour utiliser les corrélations non-locales comme des transmissions de signaux provoque leurs disparitions, ou leurs conversions de manière imprévisible.

En lien avec le second théorème fondamental et son évitement implicite de l’intervention de paradoxes, Lucadou (2003) écrit également :

que le psi doit être conditionné d’une telle manière qu’aucune transmission de signal ne peut en résulter. Cela suggère que, durant une expérience psi, chaque déviation statistique qui est mesurée et qui peut être interprétée comme du psi ou une anomalie, ne peut pas excéder un certain paramètre (p. 139).

Une transmission de signal signifierait : un signal clair, identifiable et sans marge d’incertitude qui est plus que de l’information pragmatique.

POURQUOI L’ EXISTENCE D’UNE ANOMALIE PSI NE PEUT PAS ETRE PROUVEE ?

Dans les sciences empiriques, les preuves inductives sont utilisées pour confirmer les hypothèses qui dérivent de l’expérience, des observations et des expérimentations. Dans ce contexte, le terme « inductif » est pris simplement pour un probable lien causal entre une hypothèse et les découvertes d’une expérimentation ou d’une observation. La valeur de vérité d’une hypothèse est rendue de plus en plus probable si elle est plus fréquemment répétée. La preuve se fonde sur l’information pouvant être obtenue en évaluant les données de l’expérimentation. Pour la parapsychologie, ce procès pour obtenir des preuves dépend fondamentalement du MPI :
Parce que le MPI est une description généralisée de la théorie des systèmes interagissant (auto-référentiels), il peut également s’appliquer au système qui créé les preuves scientifiques (Lucadou, 2001, p. 10).

L’information contenue dans l’affirmation de la preuve peut, par exemple, être résumée dans une phrase : les phénomènes anomaux psi existent. C’est plus qu’une information pragmatique externe. C’est une pièce concrète contenue dans l’information. Cela signifie que la corrélation doit être si convaincante qu’elle « transporte » immanquablement une telle information, et qu’elle suppose en conséquence le caractère du signal. Toutefois, cette approche viole le second théorème fondamental parce que, après tout, l’intention de cette « transmission horizontale du signal » est de transporter l’information « les phénomènes anomaux psi existent ». La conséquence de cela est qu’une corrélation non-locale disparaît ou est modifiée d’une manière imprévisible. En termes concrets, cela signifie que dès que l’expérimentation est répétée dans le but de prouver l’anomalie, les résultats de l’expérience vont varier vers le cadre de l’hypothèse nulle.

Pour les sceptiques, la condition sine qua non de la mise en évidence est la réplication, et les recherches psi ne peuvent jamais obtenir le statut de science parce ces phénomènes ne peuvent pas être répliqués. Hergovich (2001) résume la position sceptique :

Jusqu’à maintenant, aucune expérimentation convaincante n’a présenté la preuve de l’existence des phénomènes psi. Pas parce que les méthodes requises par la psychologie ne peuvent pas être rencontrées, ou parce que les tailles d’effet sont parfois trop faibles…, mais parce que les effets ne sont pas assez fiables (p. 122).

Pourtant, selon le MPI, les effets ne peuvent pas être « assez fiables ». La situation devient beaucoup plus compliquée. Dans une telle expérience, dans chaque fragment de preuve, on trouve de quoi questionner entièrement notre vision du monde conventionnelle. Avec une telle charge d’information, les réplications ne produiront probablement rien d’autre que des fluctuations aléatoires, dans la logique du second théorème fondamental en parapsychologie.

Dans les conditions de la recherche scientifique, le psi arrive donc à travers ses faits comme un troll, un fantôme qui se manifeste seulement quand il n’est pas possible de conclure scientifiquement (*no scientific conclusiveness). « Plus l’on « s’approprie » avec confiance l’effet psi, plus les chances pour qu’il soit répliqué dans une future expérience diminue. » (Lucadou, 1997, p. 187). Pourtant, sur cette base, il n’est dès lors plus possible de prouver les anomalies-psi en passant par de prochaines réplications avec l’aide des laboratoires de recherche scientifique, et chaque essai mènera à une prochaine déception. Quelles possibilités subsistent ?

CROYANCE ET INCREDULITE DANS LES RECHERCHES PARAPSYCHOLOGIQUES

Les anomalies, dans le sens des effets psi, sont des phénomènes évidents avec la propriété qu’ils ne peuvent pas être prouvés en usant des méthodes scientifiques conventionnelles. Avec respect pour les anomalies psi, nous devons rechercher des évidences mais pas des preuves, car les méthodes testant les preuves vont détruire toutes les possibilités de trouver des évidences. Lucadou (2001, p. 13) a donc proposé un nouveau paradigme expérimental dérivant du MPI et qui modifie les procédures extérieures au test, ainsi que leur évaluation, en vue d’atteindre de meilleurs résultats. Ceci inclut entre autres : pas d’accumulation de preuves ; des tests à essais courts ; triple aveugle ; réplications conceptuelles et non pas à l’identique. Cependant, sa seule condition fondamentalement requise – ne pas traiter le psi comme un signal – entraîne des doutes sur la capacité de ce nouveau paradigme à produire de meilleurs résultats. Aussi longtemps que ce nouveau paradigme est également accompagné d’un haut niveau d’intérêt pour la production de preuves scientifiques, tous les effets anomaux potentiels sont obligés de s’effondrer, et cela sans tenir compte de la quantité d’autonomie et de nouveauté de l’expérience.

Si les principes au coeur du MPI et les conclusions que j’ai esquissées ici sont correctes, nous sommes face à une classe de phénomènes qui, per se, ne peuvent pas être prouvés par des moyens conventionnels. Tout ce que nous pouvons obtenir, ce sont des degrés différents d’évidence.

Traiter scientifiquement les anomalies psi requiert donc au préalable ma croyance en leur existence, si je veux obtenir des résultats positifs et significatifs. Cette croyance n’est pas à interpréter comme une sorte de raccourci mental (Hergovich, 2001, p. 171), mais plutôt comme une opportunité. En faisant cela, l’expérimentateur retire la pression sur ses activités de recherche consistant à tenter de prouver quelque chose qui ne peut pas l’être. Cela devrait faciliter le progrès scientifique en parapsychologie. La tradition cartésienne doute de ce que l’on trouve également dans les sciences de la nature un principe subjectif fondamental seulement capable de produire des « tâches aveugles cognitives », comme la « croyance » le fait. Or, dans le cas de la parapsychologie, le doute cartésien est contre-productif, comme on l’a montré avec l’échec de la réplication des tests effectués par le consortium du MMI (Jahn et al. 2000). Ce n’est que de cette manière l’on pourra vérifier si la prétendue interaction humain-machine existe vraiment, si les pensées de l’expérimentateur peuvent générer un effet correspondant dans le monde physique. Ces chercheurs qui croient en l’existence des phénomènes anomaux devront avoir plus de résultats positifs dans les expériences de PK avec d’autres personnes testées (Smith, 2003). Ceux qui doutent de son existence devraient obtenir le « résultat psychokinétique » approprié, qui semble nier l’existence des phénomènes paranormaux. Le manque grandissant de résultats positifs en PK, l’ « érosion de la preuve » (Lucadou, 2001, p. 7) peuvent être un résultat de l’incroyance croissante dans les possibilités de PK, qui peut être en elle-même un résultat généré psychokinétiquement.

La première vraie indication de cet effet émergea dans les études effectuées par Gertrude Schmeidler (1943) sur l’effet de la croyance et de l’incroyance dans les expériences d’ESP. Elle observa que les sujets qui croyaient dans les effets anomaux (les « Moutons ») réussissaient mieux que ceux qui regardaient les effets anomaux avec scepticisme (les « Chèvres »). L’interrogation de Schmeidler lorsqu’elle sépara les « moutons » des « chèvres » était : « Pensez-vous qu’il soit possible que l’ESP puisse être observée dans les conditions de cette expérience ? » Une méta-analyse effectuée par Lawrence (1993) des « études moutons-chèvres en ESP » pour les années 1947 à 1993, produisit une valeur de z astronomique de 8,17 (p=1.33 x 10-16) qui constitue une grande preuve de l’existence d’un effet mouton-chèvre. Edgar Wunder, en réaction à mes propres réflexions (Etzold, 2004), complète :

La méta-analyse de Lawrence est déjà une réplication réussie, à savoir de l’étude comparable de Palmer (1971), mentionnée ci-dessus. Palmer (1971) trouva dans les études publiées jusqu’alors un effet mouton-chèvre d’une taille d’effet moyenne, le même que trouva Lawrence avec les études publiées postérieurement, et dans le même ordre de magnitude.

A première vue, le fait que des réplications réussies soient possibles semble contrarier les prédictions du MPI. Mais nous avons à situer les méta-analyses de l’effet mouton-chèvre de façon différente à la lumière du MPI. La croyance est une catégorie qui amplifie le caractère du système clos, la fermeture organisationnelle, qui est la condition de base pour le MPI. L’incroyance des agents psi empêche le développement d’une fermeture organisationnelle. Dans ce sens, l’importante preuve de l’effet mouton-chèvre peut également être une preuve du MPI. Croyance et incroyance sont les catégories de base qui permettent ou empêchent l’effectivité du MPI. Mais les succès dans les résultats sont limités par le caractère seyant de la preuve. En d’autres mots : avec la croyance comme condition de base, le MPI peut fonctionner aussi longtemps que personne ne « traite le psi comme un signal ». Nous allons trouver des évidences (plus ou moins) croissantes mais pas de preuve irréfutable du paranormal.

La même affirmation semble être applicable aux scientifiques qui effectuent des recherches dans ce champ. Dans la perspective scientifique classique (et dans le MPI de Lucadou), l’expérimentateur est neutre en soi et regarde objectivement n’importe quel résultat expérimental. Seule l’information pragmatique externe qui est générée par des systèmes fermés est d’importance. Mais, avec l’intérêt grandissant pour les résultats de l’expérience, l’expérimentateur peut lui-même devenir une partie de la fermeture organisationnelle et interagir avec le système cible. Au regard de mes propres études (Etzold, 2000, 2002), je me demandais qui étaient les agents psi dans le cas de l’effet lunaire observé dans les données de la Rétro-PK au Fourmilab, les plus ou moins 8000 sujets qui ne savaient et ne savent toujours pas qu’ils furent testés pour des effets lunaires, ou moi, un expérimentateur, qui croit / ne croit pas dans les effets lunaires ? Croire au psi semble faire augmenter les résultats des expériences de PK. Parker remarqua :

Récemment, Matthew Smith et Michael Gordon enquêtèrent sur la psychologie des 50 expérimentateurs proclamés « psi-conducteurs » et « psi-inhibiteurs », et trouvèrent par plusieurs retours de questionnaires auto-administrés que les scores les plus psi-conducteur étaient associés avec la croyance dans sa propre capacité PK [psychokinétique]. (Parker, 2003, p. 128)
[et ajoute :] On trouve un certain appui empirique dans un rapport de Brian Millar… qui concluait qu’une capacité psi assumée est rare, les expérimentateurs psi-conducteurs se trouvant être eux-mêmes aussi peu représentés que les sujets psi-conductifs !

Smith, discutant des différentes sortes d’effets expérimentateurs basés sur les explications interactionnelles et sociales (Smith, 2003), a collecté quelques études réussies d’expériences de parapsychologie qui peuvent confirmer cette idée, et supposait :

Si le psi est réel, alors il est plausible et même préférable que les participants aux expériences ne soient pas la seule source du psi dans les expériences de parapsychologie réussies. L’expérimentateur peut aussi exercer une influence psi sur les résultats. Puisque ces expérimentateurs apparemment psi-conducteurs tendent typiquement à croire que le psi existe, et sont extrêmement motivés pour obtenir des preuves en faveur du psi (souvent plus que les participants à leurs recherches), alors on peut avancer que les expérimentateurs sont potentiellement une source plus importante de psi que les participants. (Smith, 2003, p. 79).

D’autres avant lui avaient suggéré la même influence de l’expérimentateur et avaient porté à notre connaissance ce matériel anecdotique :

Par exemple, quand Blackmore, une parapsychologue dévouée pendant plusieurs années, se retrouva extrêmement sceptique par rapport au Psi en conséquence de son incapacité à produire des preuves expérimentales de celui-ci, elle remarqua que « plusieurs parapsychologues suggérèrent que la raison pour laquelle je n’avais pas de résultats était assez simple : « moi ». Peut-être n’ai-je pas suffisamment cru dans la possibilité du Psi. » (Alcock, 1987, p. 561).

C’est possible. Lucadou écrivait dans la perspective du MPI : «…le modèle inclut également l’action inverse de l’information pragmatique de l’extérieur vers l’intérieur » (Lucadou, 2001, p.11), et Smith (2003) commente dans la perspective de l’effet expérimentateur :

Dans une perspective méthodologique, quelque soit le(s) mécanisme(s) porteur(s) de l’effet de l’expérimentateur sur les résultats, il(s) va(vont) amener des problèmes potentiels pour les recherches sceptiques qui souhaitent atteindre la réplication d’expérimentations psi. C’est parce que l’on pense que de tels chercheurs, spécialement s’ils agissent comme l’expérimentateur qui vient au contact des participants aux recherches, sont moins à même d’obtenir des résultats positifs même si l’effet psi est réel (p.82).

Ce matériel apporte quelques preuves pour l’affirmation qu’un lien causal existe entre le déclin de la taille d’effet et l’érosion de l’évidence avec l’élévation de la critique scientifique et du scepticisme. Si cela est vrai, alors un expérimentateur sceptique ou d’autres personnes comme des contrôleurs (checkers) ou des observateurs (White, 1976a) pourraient dominer la taille d’effet de toute l’expérience.

Alcock (2003) raconta un exemple de ce cas, dans lequel participait son ami Jeffers, mais sans avoir remarqué qu’il pouvait lui-même être la raison de l’obtention de résultats négatifs. « Jeffers resta distant comme l’un des rares scientifiques neutres qui ont enquêté empiriquement sur l’existence des phénomènes psi » (Alcook, 2003, p. 36) Jeffers tenta une réplication conceptuelle des expériences de PK sur GNA du PEAR, en remplaçant les GNA par l’interférence d’une lumière comme cible d’une influence anomale. Alcock lui-même, dont la position est radicalement sceptique, fut impliqué dans cette expérience :

Jeffers vient à moi de façon, pour le moins, un brin provocante, désirant que je revoie son cadre expérimental et que j’offre des suggestions et des critiques avant qu’il commence sa recherche. Il s’inquiétait que je puisse ne pas prendre son expérience au sérieux après-coup – lorsqu’il aurait obtenu des données supportant l’interprétation parapsychologique – sous prétexte qu’il aurait échoué de quelque façon dans sa préparation méthodologique. Ainsi commença notre relation qui se porte toujours merveilleusement aujourd’hui. (Alcock, 2003, p.36-37).

Dans les termes du MPI, Alcock était lui-même devenu une partie de la fermeture organisationnelle, dans ce cas en tant qu’expérimentateur dubitatif qui souhaiterait trouver la confirmation de son incrédulité dans les résultats expérimentaux de Jeffers. « Comme l’a écrit Jeffers dans son article, ses résultats ne soutenaient pas l’hypothèse Psi » (Alcock, 2003, p. 37). Alcock ne discuta pas la possibilité qu’il produise lui-même le résultat négatif des recherches de Jeffers via ses facultés psi d’expérimentateur. Or, on ne peut pas l’écarter si nous appliquons le MPI pour tout le système comprenant Jeffers, sa cible expérimentale et également Alcock en tant qu’intervenant critique et examinateur de l’expérience. Alcock, qui croit dans l’hypothèse nulle et demande à laisser une chance à l’hypothèse nulle, ne trouvera pas autre chose que l’hypothèse nulle. Si le psi existe, et je le crois, le psi devrait également agir dans les tentatives sceptiques pour obtenir des preuves pour la non-existence du psi.

CONSEQUENCES

En science, nous avons “deux écoles de recherches sur la croyance au paranormal” (Lawrence, 1993, p. 83), représentées par des scientifiques et des investigateurs qui diffèrent fondamentalement dans leur approche : « Les parapsychologues » qui croit en l’existence possible d’anomalies aussi bien que les « sceptiques » qui rejètent l’idée que les anomalies ou les phénomènes paranormaux puissent exister (Hergovich, 2001, p.119). Chaque école a ses propres listes d’étude qui fournissent des preuves pour la validation de leur propre croyance ou incroyance. Ces deux écoles sont présentes depuis le début de la parapsychologie scientifique, et elles sont responsables du fait que le statut scientifique de la parapsychologie était indéfini au commencement.

La conclusion esquissée par les parapsychologues qui prédisent que les anomalies (ou effets psi) ne peuvent pas être prouvées dans le sens d’une preuve sceptique, vont soulager la tension dans cette relation. Pour les « sceptiques », cela voudrait dire faire une concession de ne pas demander aux parapsychologues ce qu’eux-mêmes (et les autres disciplines scientifiques) ne peuvent produire. Pour les parapsychologues, cela signifierait un soulagement en ce qu’ils n’ont plus besoin de « prouver » quoi que ce soit à « d’autres ». Au lieu d’avoir à invalider leurs propres découvertes dans un monde de la recherche orientée vers la preuve, ils ont maintenant de l’espace pour mener des recherches orientées vers le procédé. Cela signifie qu’ils ne cherchent plus à prouver si oui ou non un effet anomal existe actuellement, mais à s’impliquer eux-mêmes dans un phénomène anomal et décrire initialement quelle expérience sur cet effet est en train de gagner le champ de la recherche scientifique.

Lawrence (1993) déclare :

Ce dont on a besoin c’est d’une bonne mesure, fiable, et validée avec précision de la croyance générale dans le paranormal (…). Les questions devraient certainement inclure la question de Schmeidler afin de joindre plus de succès dans la mesure de la croyance en termes de résultats donnés (p.83).

En plus des conditions requises par Lucadou : pas d’accumulation, des essais courts, des réplications conceptuelles (Lucadou, 2001, p. 13), il est nécessaire d’ajouter la condition de la croyance dans les réussites expérimentales de PK au MPI : « Il est manifeste que le rôle de l’expérimentateur (en prenant ce terme dans son sens le plus général) doit être pris en compte dans l’élaboration des résultats des expériences de parapsychologie. (White, 1976b). Et Parker (2003) ajouta : « Des sujets ayant des scores élevés et des expérimentateurs en réussite doivent être trouvés et une technologie sera disponible. » (p.132) Les sujets comme les expérimentateurs doivent être testés avant le commencement de l’expérience, en utilisant une variante de la question de Schmeilder : « Croyez-vous qu’il soit possible que la PK se produise dans des conditions expérimentales ? » Pour réussir le travail dans les laboratoires de parapsychologie, il semble par conséquent nécessaire de documenter la croyance ou l’incroyance des expérimentateurs pour les prochaines évaluations.

Plus que dans toute autre discipline scientifique, le chercheur et l’expérimentateur sont eux-mêmes des parties de l’expérience qu’ils observent et analysent. Leurs attentes, leurs espoirs, leurs peurs, leurs croyances et leurs incroyances sont auto-référentiels, ils agissent comme des prophéties auto-réalisantes (Watzlawick, 1985). Ils peuvent influencer le résultat d’une expérience avec un GNA de la même manière que les personnes testées essaient d’influencer les processus aléatoires du GNA. L’expérimentateur, eut égard de ses croyances, a probablement l’intérêt le plus important de tous pour les résultats de l’expérience. C’est pourquoi, il est peut-être le plus puissant des agents psi actifs, possiblement contre sa propre volonté.

L’existence des anomalies ou effets psi ne peut pas être prouvée comme nous l’avons vu. Tout le monde est en train de trouver des preuves de sa propre croyance. On peut trouver des preuves appuyées en faveur de l’existence du psi ou de l’hypothèse nulle à probabilités égales. L’une est vraie, et l’autre est également vraie. La preuve, dans ce cas, montre seulement que le croyance et l’incroyance créent leurs propres résultats respectifs dans le monde réel (Etzold, 1992). La réponse à la question « Est-ce que le Psi existe ? » (Parker, 2003) est indécidable et doit le rester aussi longtemps que nous ne trouvons pas de preuves qui pourrait satisfaire même les doutes des sceptiques. Eberhard Bauer (1991, p. 138) déclare qu’en dépit de tous les doutes des sceptiques, la parapsychologie appartient toujours au domaine de la science. Maintenant, pour l’acceptation scientifique, il est plus important de dire sous quelles conditions l’existence ou l’inexistence du psi est falsifiable. Très généralement, la thèse « le psi n’existe pas » est falsifiable si toutes les expériences humaines peuvent être expliquées dans des termes scientifiques conventionnels.

La thèse “le psi existe” est falsifiable, si les expériences humaines anomales se trouvent inexplicables avec des termes scientifiques conventionnels. Bauer appuie cela en écrivant que la parapsychologie « ne cherche pas à prouver le psi mais plutôt cherche des explications pour un certain type d’expériences humaines, qui va temporairement utilisé le terme théorique neutre de psi. » (Bauer, 1991, p. 142). La parapsychologie doit être considérée comme une discipline scientifique aussi longtemps que les êtres humains ont des expériences qu’ils ne peuvent expliquer avec l’aide de la connaissance scientifique conventionnelle. Toutefois, cette discipline a une approche de recherche différente de toute autre branche scientifique. Contre les sceptiques arguant qu’il n’y a pas d’effets paranormaux répliqués, nous devons considérer que les réplications sont possibles. Parker et Brusewitz ont donné une liste des rapports des recherches ayant obtenues des succès. Les résultats résumés des expérimentations parapsychologiques indiquent la présence d’un procédé anomal de transfert d’information (Parker & Brusewitz 2003). Evaluant l’état de croyance/incroyance des expérimentateurs en rapport avec leurs résultats expérimentaux peut être un autre moyen pour trouver de plus en plus de preuve. Cependant, il serait improbable que cela vienne convaincre les sceptiques. Nous ne savons pas actuellement ce qu’est le psi. Peut-être que tous nos modèles et nos réflexions tombent à l’eau. Est-ce que le temps des moines volants et des ascendances de mouchoir vont retourner dans le futur, lorsque la bataille entre les sceptiques et les parapsychologues sera finie, et vont nous apprendre encore plus sur l’objet de notre recherche que l’on fait les dernières décades ?


REMERCIEMENTS

L’auteur souhaiterait remercier les membres du comité de programmation aussi bien que Hugh Deasy et Udo Unrau pour avoir lu et commenté le texte. Le support de la Gesellschaft für Anomalistik est également remercié avec gratitude.


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Adresse pour la correspondance : Pfr. Eckhard Etzold, Kirchengemeinde St. Jakobi, Goslarsche Str. 31, D-38118 Braunschweig. E-mail : eckhard.etzold@gmx.de