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Un roman sur Alexis Didier

Un roman sur Alexis Didier

Alexis_la_vie_magnetique.jpgL’enseignante en lettres Christine Brusson vient de publier son premier roman, autour de la vie d’Alexis Didier, le célèbre « somnambule lucide » du XIXe siècle considéré comme le voyant le plus prodigieux de son époque. Elle a dit vouloir romancer la description historique qu’en avait fait le philosophe Bertrand Méheust, membre de l’IMI, dans son livre : Un voyant prodigieux (Paris: Les Empêcheurs de Penser en Rond, 2003), tout en comblant par ses inventions les blancs dans la documentation.
Elle viendra nous en parler lors d’une conférence en compagnie de Bertrand Méheust en décembre 2008 (la date sera précisée ultérieurement).

Description du livre :

Christine Brusson. Alexis, la vie magnétique. Monaco: Editions du Rocher, 2008.

Paris 1837. Quel curieux destin que celui du petit Alexis qui, mordu par un chien, devient somnambule extralucide, comme on dit à l’époque ! Ce don prodigieux, c’est son magnétiseur et mentor Marcillet qui va le porter au plus haut. Il exhibe le garçon en province, en Angleterre, à Paris. Alexis, roi des espaces, des déambulations merveilleuses, voit tout, devine tout, retrouve tout, résout tout, dans le temps et l’espace. C’est bientôt la gloire et la fortune, même si certains doutent et ricanent. Des femmes passent dans la vie du voyant : Mina, la petite bonne, Eugénie, la cartomancienne, Rose, l’actrice. Il y a aussi Delaage, avec son étrange baignoire. Alexandre Dumas veut rencontrer le prodige. Cela tombe bien : Alexis, las de tant de séances de magnétisme et de voyages entre deux mondes, veut faire du théâtre. Mais c’est la maladie qui le guette et les temps changent. La vogue des tables tournantes détrône le magnétisme, Méliès invente le cinématographe…

Dans ce premier roman étonnamment maîtrisé, Christine Brusson nous parle des turbulences de l’âme et des intermittences de l’esprit à travers un destin singulier : qui de nous ne serait pas touché ?

Christine Brusson, née en 1963 vit dans le Languedoc-Roussillon. Après des études de Lettres et d’Architecture à Paris, elle partage son temps entre l’enseignement des Lettres, l’écriture théâtrale et la rénovation de bâtiments anciens. Alexis, la vie magnétique est son premier roman.

Les premières lignes

Extrait du prologue :

Un soir de 1875, deux hommes habillés comme des hommes du monde, cravatés et gantés, assistaient à un concert à Paris. On y donnait des oeuvres de Berlioz composées pour un choeur.
Le plus petit avait fiché une grosse perle montée sur une épingle d’or dans la soie noire de sa cravate. Sa redingote trop grande pour son corps fluet lui donnait l’allure de ces enfants qui, habillés en homme, paraissent gauches et empruntés. Il portait une moustache qui avait l’air d’un postiche et que des doigts experts avaient rendue aussi fine qu’une virgule. Ses cheveux grisonnants, bien plaqués sur son crâne malgré une légère ondulation, étaient séparés par une raie sur le côté. Ses lèvres étaient épaisses et bien dessinées, et leur rougeur laissait supposer un caractère nerveux et exalté que ne démentait pas le regard, clair, brillant, où se lisait une tristesse diffuse, une mélancolie dont on n’aurait pu dire si elle était réelle ou simplement affectée. Le col de sa chemise était relevé contre son menton séparé en deux lobes par une fossette. Ses mains qu’il avait simplement posées sur ses cuisses ne bougeaient pas. Il fixait les chanteurs avec une attention hypnotique.
L’ami qui était assis à sa droite, plus vieux d’une quinzaine d’années, offrait un saisissant contraste avec son compagnon. Son habit tombait naturellement, avec élégance. Il était grand et avait dû être athlétique dans sa jeunesse. Il appuyait mollement les bras sur les accoudoirs, son dos enfoncé dans le dossier capitonné ; il bâillait, traînant son regard d’un chanteur à l’autre avec indifférence, et son esprit, maintes fois échappé du lieu, de l’instant, courait d’une rive à l’autre de ses pensées sans rapport avec la musique. C’est pourtant lui, Antoine Merlin, qui avait insisté pour qu’Alexis Didier l’accompagne ce soir-là.
Berlioz. Ce nom n’aurait rien dit à Alexis s’il n’avait habité rue Notre-Dame-de-Lorette et n’était allé tous les jours se promener du côté de Montmartre. Tous les après-midi, il passait devant le cimetière du même nom et avait assisté, un jour, à une scène improbable qui lui donna le sentiment que la mort, comme la vie, accorde parfois aux êtres de mystérieux privilèges.
Six ans plus tôt, en effet, un après-midi du mois de mars, alors qu’il marchait sur le trottoir, il vit déboucher à l’angle de la rue un imposant convoi funèbre. À la foule immense qui suivait le cortège, à la qualité des personnes que révélaient les habits et les visages, à la magnificence de la voiture, des chevaux, dont on avait tressé la crinière et la queue, coiffés de pompons noirs, de grelots et de carillons qui rythmaient leur marche sautillante, à la somptuosité du drap recouvrant le cercueil, brodé d’une lyre en fils d’or, Alexis sut qu’on enterrait un homme illustre. C’était Hector Berlioz.