Home
Psi et cultures traditionnelles

Psi et cultures traditionnelles

par Mario Varvoglis

Les ethnologues ont rapporté – malgré certains de leurs prédicats – un matériel abondant de l’utilisation qui peut être faite du psi dans d’autres cultures. Ce matériel est généralement négligé – sauf dans de rares exceptions comme avec l’italien Ernesto de Martino – alors qu’il contient le départ d’une nouvelle réflexion sur les cultures traditionnelles. En voici plusieurs exemples :


Le père Trilles, ethnologue renommé, résidait chez les pygmées de la forêt équatoriale. Il avait envoyé des hommes lui chercher des provisions à quelques jours de pirogue et s’inquiétait de leur retour. Il pose alors la question à un féticheur : « Sont-ils encore bien loin, m’apportent-ils ce que j’ai demandé ? » « Rien de plus facile que de te le dire ! » répond le féticheur. « Il prend son miroir magique, s’absorbe, prononce quelques incantations, puis : ‘En ce moment, les hommes doublent telle pointe de la rivière (c’était à plus d’un jour de pirogue), le plus grand vient de tirer un coup de fusil sur un gros oiseau. Il l’a abattu. Les hommes pagayent fort pour l’attraper. Il est tombé dans l’eau. Ils l’ont pris. Ils t’apportent ce que tu as demandé.  » De fait, tout était vrai, provisions, tir, oiseau abattu, et c’était, répétons-le, à un jour de là. »

Les cultures traditionnelles, et surtout le chamanisme, présentent une grande variété de dons psi. Les initiés ont cependant chacun leur don particulier, et selon l’objectif, l’un ou l’autre sera consulté. C’est souvent par la transe que se passe le contact avec les « mondes invisibles », sources des capacités psi.

La transe est un rituel de contact, d’harmonisation avec les « forces invisibles » ; mais les dons psi sont toujours au service des autres et de la communauté en général. Le psi est vécu de façon beaucoup plus naturelle et pratique que dans les grandes religions : il fait partie de la vie de tous les jours, il est de fait un psi appliqué.

Selon l’ethnologue Arseniev, la télépathie entre chamans toungouses semble être un moyen de communication courant :

« En une circonstance particulière (maladie soudaine d’un jeune homme), un chaman invita deux autres chamans qui se trouvaient au loin, et ils arrivèrent en un laps de temps qui excluait matériellement l’hypothèse qu’ils eussent été avertis par un messager. »

Les grandes religions foisonnent de récits de miracles opérés par les saints, les ascètes, et attribués à la puissance de la prière ou de la méditation, ou à l’aide de Dieu. Les mystiques, de toutes les religions, ont présenté dans leurs extases une gamme de phénomènes psi qui se retrouvent malgré la diversité culturelle.

Dans les religions orientales, il est tenu pour assuré que la méditation et l’ascèse éveillent chez le yogi des capacités mentales et psi exceptionnelles ; les siddhis (terme sanscrit) comportent les capacités de télépathie, de clairvoyance, de précognition, de psychométrie (ou lecture du passé d’un lieu ou d’un objet), de voyage astral (expériences hors du corps), de clairaudience (entendre à une distance rendant impossible l’audition physique), etc. (On trouve jusqu’à 😯 siddhis décrits dans la Yogatattva Upanishad et dans le Shiva-Samhitâ).

Un siddhi très remarquable est la bilocation : il s’agit, selon les hindous, de la capacité d’avoir parfois deux formes corporelles se trouvant en deux lieux simultanément. L’une est le corps physique, l’autre est vraisemblablement celle du « corps astral », censé être la réplique subtile du corps physique ; mais avec la puissance de leur esprit, ces ascètes arrivent à lui donner une consistance pouvant induire en erreur.

Yogananda, jeune, vit un jour apparaître son maître Sri Yukteshvar, alors retenu dans une autre ville, et qui n’arriva par le train que plus tard dans la journée. En voici le récit :

« Le petit jour avare se changea en une clarté aveuglante dans laquelle la fenêtre aux barreaux de fer disparut complètement. Sur le fond brillant se tenait Sri Yukteshvar lui-même, en chair et en os ! Vacillant, frappé d’une stupeur intense, je me jetai à ses pieds et, d’un geste de respect coutumier, je touchai ses souliers ; c’étaient ceux de tous les jours, en toile orange ; (…) sa robe ocre frôlait mon visage ; Je sentais non seulement l’étoffe, mais aussi la surface rugueuse des souliers et le renflement des orteils qu’elle couvrait. » Après quelques phrases échangées entre eux, « Comme il concluait, j’entendis un ronflement particulier. Son corps fondit graduellement dans la lumière aveuglante. ses pieds, ses jambes s’évanouirent d’abord, ensuite le torse et la tête, comme un rouleau de papier qu’on enroule. (…) je ne distinguais plus que la fenêtre aux barreaux de fer et les pâles rayons du soleil. »


A lire :
E. De Martino, Le Monde Magique, Paris: Les Empêcheurs de penser en rond, 1999 (Postface de S. Mancini).