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Olivier Costa de Beauregard

Olivier Costa de Beauregard

Voici un hommage à ce grand physicien théoricien qui a accompagné la recherche parapsychologique. Après une présentation de ses idées, nous reproduisons une interview qu’il a donnée en 1981 à Solange Collery. En fin d’article, nous retrouvons quelques références d’articles ou de livres où Olivier Costa de Beauregard élabore sa position par rapport aux phénomènes parapsychologiques.

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Olivier Costa de Beauregard (6 novembre 1911 – 5 Février 2007) a d’abord été ingénieur de recherche à la Société nationale de constructions aéronautiques du Sud-Est (SNCASE). A sa démobilisation, en 1940, il entre au CNRS, dans la section de physique théorique. Sa thèse de doctorat, soutenue en 1943, porte sur la théorie de l’électron de Dirac. Il devient par la suite Directeur de Recherche. Il a fait partie de l’équipe de Louis de Broglie et a consacré ses recherches à différents aspects des théories de la relativité et de la mécanique quantique. Il fut un des membres de la Fondation Odier de Psycho-Physique et insistait sur l’intérêt pour la physique théorique des expériences de rétro-psycho-kinèse.

A propos des phénomènes de corrélation entre particules ayant été soumises à une interaction (Cf. inégalités de Bell, paradoxe d’Albert Einstein, Boris Podolsky, et Nathan Rosen (1935), expérience d’Alain Aspect, intrication, etc.), il propose une interprétation alternative à celle de non localité énoncée par Bernard d’Espagnat. Ses travaux l’ont conduit à s’intéresser aux relations entre l’esprit et la matière et à espérer que les recherches de la parapsychologie (notamment concernant la psychokinèse) pourraient contribuer à éclairer les théories physiques expérimentales tout en élargissant les vues « purement mécanistes » de nombreux théoriciens.

Avant même que les expériences d’Aspect ne soient parachevées, il avait donné à Solange Collery pour la revue médicale Tonus (N°611 du Lundi 2 Novembre 1981) une interview, reproduite plus loin, où il prend une position révolutionnaire du point de vue de l’appréhension populaire de la causalité.

En effet il fait appel à un zigzag dans l’espace-temps.
S’il prend le risque de créer ce nouveau concept, c’est pour éviter de considérer qu’un objet unique peut être à la fois présent en deux endroits, d’éloignement arbitrairement grand ; de telle sorte qu’il n y ait pas nécessité de transmission d’information d’un de ces endroits à l’autre (position défendue par Bernard d’Espagnat). Cette position de Bernard d’Espagnat, le plus souvent retenue sous le terme de non-localité, est une sorte de passe-passe verbal qui revient à admettre une forme de bilocation naturelle, physique (non miraculeuse comme lorsqu’on utilise ce terme à propos du Padre Pio).

Ce zig-zag dans l’espace temps implique d’admettre l’existence d’une forme de causalité s’exerçant à contre courant de l’écoulement du temps. Elle a été reprise par les auteurs anglophones sous le vocable de « backward causation ». Ce terme a l’inconvénient de comporter une certaine ambiguité qui pourrait le confondre avec la boucle de rétro-action décrite en cybernétique : cette dernière n’utilise que la causalité triviale du point de vue du déroulement chonologique.

Le concept de causalité rétrograde pourrait aussi se nommer anti-chronique, en ce sens que le flux causal y est conçu comme s’exerçant en direction du passé, à la différence de la causalité standard, normo-chronique (qui postule une identité entre antériorité épistémique de la cause et antériorité chronologique).

Pour en savoir plus, visitez le site de la Société Olivier Costa de Beauregard.

OCB au congrès de la Society for Scientific Exploration, 2003


D’Einstein à la télépathie

Interview d’Olivier Costa de Beauregard
par Solange Collery
Une carrière modèle au sein du CNRS, couronnée par une intégration dans la communauté internationale des savants et une notoriété mondiale enviable : c’est dire si Olivier Costa de Beauregard, ex-directeur de recherches en physique théorique, tient sa place dans le monde de la science française. N’est-il pas en train d’élaborer une interprétation théorique d’une énigme non résolue par Einstein qui, si elle était prise en compte, donnerait un label de reconnaissance aux phénomènes parapsychologiques ?

Solange Collery. – On parle beaucoup de vous en ce moment. On vous a même décerné le titre injurieux de « roi des mages ». Pourquoi ?

Olivier Costa de Beauregard. – Parce que je propose une interprétation théorique du paradoxe EPR qui n’est pas du goût de certains physiciens français. Ce débat, réactualisé par la présente expérience d’Orsay, est âprement discuté dans la physique mondiale. II n’y a pas deux théoriciens pour proposer la même interprétation de ce redoutable paradoxe.

S. Collery. – Qu’est-ce que le paradoxe EPR et l’expérience d’Orsay ?

O. Costa de Beauregard. – Le paradoxe EPR est le paradoxe d’Einstein, Podolsky et Rosen. Je vais essayer de l’expliquer en utilisant des images et en vous rappelant toutefois que « comparaison n’est pas raison »…

Supposez que vous agitiez deux dés dans un cornet et que vous les lanciez sur la table. La surprise avec le phénomène EPR est qu’à chaque expérience, vous obtenez la même face sur chacun des dés. Si l’un montre le 6, l’autre montre le 6. Et si l’un montre le 5, l’autre montre le 5.

On dit que les dés sont corrélés. Or le formalisme mathématique montre nécessairement que le coup de hasard intervient lorsque les deux dés finissent de rouler sur la table et pas lorsqu’ils sont agités dans le cornet. C’est cela le mystère, le « paradoxe ».

Évidemment mon image est une métaphore grossière. La forme de ce jeu de dés en mécanique quantique, est la cascade atomique telle que l’expérimente, depuis trois ans, Alain Aspect dans le laboratoire d’optique dirigé par Christian Imbert à Orsay.

Des atomes chutent d’un niveau d’énergie supérieur sur un niveau d’énergie inférieur, en passant par un niveau « virtuel ». Dans cette opération, deux photons sont émis. Et là, on ne dit pas, quand un dé montre le six, l’autre montre le six, mais la même surprise attend l’observateur. On s’aperçoit que toutes les paires de photons sans exception, sont trouvées avoir des polarisations linéaires parallèles entre elles… Jusque là pas de scandale… Mais il y a plus encore : elles sont parallèles soit à l’un soit à l’autre des deux polariseurs linéaires croisés, dont les « orientations » sont à part cela arbitraires !

Il y a là un véritable casse-tête théorique et on en discute depuis 1927…

S. Collery. – Depuis le début de la nouvelle mécanique quantique ?

O. Costa de Beauregard. – Précisément. C’est-à-dire depuis l’époque où se sont illustrés Louis de Broglie, Dirac, Heisenberg, Schrödinger.

En 1927, Einstein disait trouver cela extrêmement paradoxal : Comment l’information peut-elle se transmettre de l’un des dés à l’autre ? Plus vite que la lumière, semble-t-il. Ce qui alors serait contraire à la théorie de la relativité.

C’est en 1935 qu’Einstein, Podolsky, et Rosen exposeront, dans un article fameux, le paradoxe auquel ils ont laissé leurs initiales.

Avec Einstein, un certain nombre de physiciens importants pensent que le paradoxe EPR entraîne un conflit entre les théories, de la relativité et des quantas. Ce sont d’Espagnat et Schimony, par exemple. Personnellement, je n’en crois rien. Mais il y a là un problème de fond…

S. Collery. – Maintenant que le paradoxe EPR est expérimenté, quelles sont les interprétations proposées ?

O. Costa de Beauregard. – La majorité des physiciens pensent que le résultat imminent de l’expérience d’Aspect va s’avérer conforme à la mécanique quantique. Mais sur l’explication, il n’y a pas deux physiciens qui soient d’accord.

Pour ma part, dès 1947 j’ai proposé une explication qui n’était pas du goût de Louis de Broglie. Je lui disais, on sait bien que tous les phénomènes de la physique fondamentale sont symétriques entre avenir et passé, au niveau élémentaire : ceci est certainement un phénomène élémentaire.

De plus entre deux événements distants L et N il n’y a pas de liaison directe, mais il y a une liaison directe avec le passé C. Par conséquent, je suis parfaitement habilité à penser que l’influence de L à N se propage par un zigzag d’abord vers le passé et puis vers le futur. Je n’ai jamais cessé de soutenir cette thèse et l’ai développée de plus en plus. En 1953, j’ai réussi à faire passer une note remarquée par Max Yammers, historien des sciences. Mais c’est en 1974 que j’ai complètement exprimé mes idées. Ceci au Boston Collegium for the Philosophy of Science. A l’issue d’un échange constructif, un physicien américain m’a dit « si vous aviez dit cela, il y a seulement cinq ans, on vous aurait jeté dehors. Aujourd’hui vu la gravité du paradoxe, on vous a écouté attentivement ».

Il y a tout de même des tentatives d’explication plus rationalistes que celle d’un déplacement de l’information vers le passé, puis vers le futur ? Oui et non, le phénomène étant paradoxal, l’explication est forcément paradoxale. Nous sommes deux seulement à proposer des équations respectant les lois de la relativité : Vigier et moi. Vigier propose un schéma rigoureusement déterministe.

S. Collery. – Ne propose-t-il pas une interaction directe sur l’espace, l’information se transmettant entre les deux dés à une vitesse supérieure à celle de la lumière ?

O. Costa de Beauregard. – Ce schéma ne me paraît pas être le bon. Mais la place me manque ici pour entrer dans les détails.

Quant aux positions de l’ensemble des physiciens par rapport à ce problème, je pourrais vous la résumer à la manière du physicien suisse Eberhard. Là où nous en sommes maintenant, avec les expériences qui ont été faites, et les théories proposées.

Il y a quatre portes de sortie

La première, est que l’on calcule parce que cela marche, mais on ne réfléchit pas. C’est la position de la grande majorité des physiciens quantiques opérationnels.

La deuxième est que la mécanique quantique se trompe, et que la corrélation EPR disparaîtrait aux grandes distances : C’était la position de Schrödinger en 1935.

La troisième est que la relativité se trompe, telle est l’idée caressée par d’Espagnat et Schimony.

La quatrième porte de sortie est celle que je propose. Il faut changer notre conception de la causalité et accepter le principe d’une causalité rétrograde.

S. Collery. – Et par suite donner un label de reconnaissance aux phénomènes de parapsychologie (psychokinèse, télépathie, précognition) ?

O. Costa de Beauregard. – A mon avis, nécessairement.

Mais cela je l’ai gardé par devers moi pendant très longtemps. Je m’en suis ouvert en privé, pour la première fois, à Princeton, en 1951. Le climat des temps s’y prêtait. Depuis lors j’ai poursuivi mes enquêtes.

S. Collery. – Mais vous êtes très isolé !

O. Costa de Beauregard. – C’est faux sur le plan internâational. Plusieurs grands noms de la physique pensent dans ce sens: un Josephson, un Wigner, un Sudarshan, et d’autres encore… Aux Indes, 90 % des physiciens sont spiritualistes. Ils croient à « mind over matter » ce qui ne les empêche pas d’être de très bons physiciens. Aux USA un chercheur connu, physicien d’origine, Helmut Schmidt, expérimente et théorise sur les phénomènes de psychokinèse. En URSS des recherches sont poursuivies en psychotronique. Et puis si vous lisez les actes du colloque de Cordoue, organisé par France-Culture en 1979, vous constaterez que je ne suis pas si isolé.

S. Collery. – Pourquoi parler de phénomènes de rétro-psychokinèse ?

O. Costa de Beauregard. – Parce que toute expérience de psychokinèse est nécessairement une expérience de rétropsychokinèse.

J’ai proposé pour tester ce point, un schéma expérimental apparenté aux corrélations EPR. Peut-être cette expérience sera-t-elle tentée un jour. Pourquoi pas à Toulouse avec Lignon, ou aux USA avec Schmidt.

S. Collery. – En vous écoutant évoquer la possibilité du développement des aptitudes parapsychologiques, j’ai envie de vous demander pourquoi vous intéressez vous tant à ces phénomènes ?

O. Costa de Beauregard. – Je vous ai dit en commençant que c’est à partir de symétries internes à la physique que je me suis intéressé à la parapsychologie. Maintenant, il est vrai que je suis un spiritualiste, un catholique romain et que je crois à « mind over matter ».

De plus le fait que tous les grands mystiques tels Jean Bosco, saint Jean de la Croix, Thérèse d’Avila pour l’Occident, mais aussi les très grands spiritualistes du monde entier, aient eu des pouvoirs paranormaux, me surprend : je voudrais comprendre comment cela s’égrène…

OCB (au centre) au congrès de la Society for Scientific Exploration, 2003


Références

O. Costa de Beauregard, The paranormal is not excluded from physics, Journal of Scientific Exploration, Vol. 12, No. 2, pp. 315-320, 1998.

Rétropsychocinèse et acte de mesure quantique, Revue de Parapsychologie, n°11, 1980.

Proposition d’une expérience de rétropsychocinèse et de télégraphie supralumineuse, Revue de parapsychologie, n°12-13, 1981.

Science et Conscience (« Les deux lectures de l’Univers »), Actes du Colloque de Cordoue (1979), Paris: Stock, 1980.

La physique moderne et les pouvoirs de l’esprit, Paris: Le Hameau, 1980.

Le temps déployé, Paris : Editions du Rocher, 1988.

Notice nécrologique du Journal « Le Monde »