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Les évolutions de la parapsychologie expérimentale

Les évolutions de la parapsychologie expérimentale

Cet article propose un rapide survol de l’évolution historique de la démarche des principaux chercheurs ayant développé l’approche expérimentale en parapsychologie.


Déjà au début du 20ème siècle, la plupart
des scientifiques et érudits développent une
explication psychologique des phénomènes
médiumniques, et leur méthode d’observation
s’oriente de plus en plus vers des tests expérimentaux.

Richet, par exemple, fut le premier à
développer une méthode statistique permettant
d’évaluer les résultats de séries de tests de
clairvoyance ou de télépathie.

L’étude des médiums et de leurs transes posait
cependant certains problèmes : certains
scientifiques refusaient d’avoir un lien
quelconque avec le spiritisme, toujours très en
vogue. Or la plupart des médiums utilisaient des
rituels et des mises en condition dérivées des
pratiques spirites. Ceci obligeait parfois les
chercheurs à conduire leurs études chez la
médium, dans des conditions plus ou moins
informelles, alors que la recherche scientifique
en général commençait à être synonyme de
laboratoire, c’est-à-dire d’un environnement
dédié, d’un équipement approprié, et de
méthodes quantitatives strictes.

Au début des années trente, [le biologiste J.B.
Rhine->http://www.parapsych.org/members/jb_rhine.html] et sa femme Louisa introduisent
une approche radicalement nouvelle dans l’étude
du psi. Le scandale occasionné par
la médium Margery, prise en flagrant délit
de fraude, renforce la conviction de Rhine que la
recherche parapsychologique doit prendre
radicalement ses distances de la scène
médiumnique et spirite : si la recherche psi doit
progresser, et être universellement reconnue, elle
doit devenir une science
expérimentale, basée sur des évaluations
quantitatives.

rhine_et_sa_femme.gif

Sous l’égide de William
McDougall, doyen du département de psychologie
à l’Université Duke, Rhine et sa femme
établissent le premier laboratoire de
« parapsychologie » et définissent les deux grands
domaines de cette nouvelle science, l’ ESP et la
PK.

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Ils envisagent le psi comme une capacité
mentale naturelle, bien que généralement non développée:
on pourrait donc l’observer chez la
plupart des gens à condition d’utiliser des
méthodes expérimentales assez fines. Rhine
élabora alors des procédures de test et mit au
point une méthode quantitative appropriée: pour
mettre en évidence de faibles effets psi, il fallait
se baser sur un grand nombre d’essais et en faire
l’analyse statistique.

Utilisant les cartes d’ ESP qui avaient été
développées pour lui par le psychologue
Karl Zener, Rhine commença à tester trois talents
: la télépathie, la clairvoyance et finalement la
précognition. Il était assisté
par une équipe enthousiaste d’étudiants
d’université, qui incluait J.G.Pratt et Charles
Stuart. Il eut aussi la chance de rencontrer
un certain nombre de sujets très doués. En
ce temps là, cela paraissait normal, étant donné
la croyance de Rhine en l’universalité de l’ ESP.
Ce n’est qu’après des années d’expérimentation
que l’on en vint à réaliser que de tels sujets ne
courent pas les rues.

Les recherches de Rhine sur l’ ESP, présentées
dès 1934 par une série de monographies et de
livres, créèrent un intérêt immédiat dans le
grand public et attirèrent aussi l’attention des
psychologues rationalistes. Des débats
tumultueux et interminables s’ensuivirent lorsque
les critiques attaquèrent chaque aspect possible
de ces recherches, de la méthodologie aux
statistiques. Les chercheurs durent répondre en
démontrant la validité de leurs méthodes, ou en
élaborant de nouveaux protocoles
d’expérimentations qui prenaient en compte les
critiques qui leur avaient été adressées. Les
méthodes de contrôle évoluèrent de ce fait, et
cependant les résultats positifs ne subissaient
aucune diminution, que ce soit dans le
laboratoire de Rhine ou dans d’autres centres.

Bien que de nombreux scientifiques aient été
encore sceptiques quant à la réalité des
phénomènes, déjà vers la fin des années
quarante la plupart considéraient comme
légitime de mener des recherches scientifiques
en ce domaine.

Rhine garda une influence énorme sur ce champ,
jusqu’à sa mort en 1980, et la plupart des
recherches indépendantes suivirent les objectifs
et les méthodes qu’il avait développées.
Dans les décennies qui suivirent, les laboratoires
de recherche universitaires ou privés se
multiplièrent aux USA et en Europe. L’introduction,
par Helmut Schmidt, des RNG ou
générateurs de hasard électroniques, vers
la fin des années soixante, démarra la recherche
informatisée moderne, en permettant d’imaginer
des protocoles de plus en plus ‘transparents’,
parce qu’ils sont gérés automatiquement par
l’ordinateur couplé au RNG, et que le test peut
alors être présenté au sujet comme un jeu.

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Bien que venant de diverses disciplines
scientifiques (psychologie, biologie, physique,
ingénierie, etc.) les chercheurs ont réussi à faire
de la parapsychologie un domaine scientifique à
part entière, ayant sa propre spécificité.

La « Parapsychological Association » ou PA,
organisme officiel qui représente ce champ, a fait
beaucoup pour l’homogénéiser et le
professionnaliser, notamment en exigeant un
haut niveau de qualifications chez les chercheurs
(la grande majorité de ses deux cent cinquante
membres ont des doctorats), en érigeant des
règles strictes de rigueur expérimentale,
ainsi qu’en développant une déontologie propre à
ce domaine de recherche. Grâce
à ses activités, depuis 1969, la parapsychologie
a été reconnue officiellement comme un champ
de recherche légitime,
et ceci en devenant membre de l’American
Association for the Advancement of Science, ou
AAAS, organisme qui coiffe toutes les
disciplines de l’establishment scientifique aux
Etats-Unis.

Pendant une vingtaine d’années, la plupart des
expérimentations restèrent axées sur des
mesures strictement quantitatives, afin d’établir
fermement la réalité des phénomènes psi. Il
apparût cependant tout de suite que les
performances des sujets n’étaient pas stables, et
l’on voyait par exemple un déclin systématique
au cours des essais ou d’une série d’essais.

Vers les années soixante, les chercheurs se dégagèrent de la pure quête de
preuves, et leur intérêt se tourna vers la
compréhension des processus: on passa à la
« recherche orientée vers les processus ». Déjà le
professeur Gertrude Schmeidler avait mit
clairement en lumière les composantes
psychologiques de « l’effet mouton-chèvre » : que
les sujets croient ou
non au psi influençaient leurs résultats aux tests.

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Il y avait donc des patterns particuliers dans les
scores des sujets, qui paraissaient liés à leur état
psychologique, à leur motivation ou au contraire
à leur manque d’intérêt.

Encouragés par les résultats de Schmeidler, les
chercheurs commençèrent à explorer des
facteurs psychologiques (tels que traits de
personnalité, état d’esprit, etc.) afin de découvrir
s’ils influençaient de façon systématique les
résultats.

Ainsi, une des directions principales de la
recherche, qui domine encore le champ
actuellement, est d’essayer de comprendre les
dynamiques et les processus qui peuvent
favoriser ou au contraire inhiber le psi. Ceci
permet aux chercheurs non seulement de mieux
comprendre comment fonctionne le psi et de
prédire ses fluctuations, mais aussi de pouvoir
élaborer des protocoles de tests qui tiennent
compte de ces facteurs et ont donc plus de
chances de produire des résultats positifs.

Pour l’instant, une reproductibilité parfaite
des résultats est hors d’atteinte : il n’y a aucune
recette qui puisse garantir l’obtention de psi.
Cependant, la découverte récente de la
métanalyse – qui permet d’évaluer statistiquement
les résultats de nombreuses expérimentations
similaires – a permis d’identifier
certains facteurs déterminant le succès dans un
test psi. De nombreuses métanalyses ont déjà été
calculées, et elles montrent un haut degré de
cohérence: les patterns psychologiques qui font
la différence entre le succès et l’échec, entre le
psi positif et le psi négatif, commencent à nous
apparaître précisément. Dans les années à venir,
il est probable que la recherche se focalisera de
plus en plus
explicitement sur les directions révélées par ces
analyses, en essayant de stimuler l’émergence
du psi par une sélection attentive des conditions
les plus favorables.

Certaines lignes de la recherche contemporaine
divergent vraiment de l’approche définie par
Rhine, et semblent au contraire apparemment
revenir aux thèmes qui passionnaient les acteurs
de la recherche psychique. Il y a par exemple une
reconnaissance croissante de la nécessité d’une
recherche « écologiquement fondée » impliquant
des thèmes plus proches du psi vécu dans des
situations naturelles.

C’est d’ailleurs le travail entrepris par Montague
Ullman et Stanley Krippner au Dream Lab de
Maimonides qui a permis de se distancier de
l’approche quantitative et d’ouvrir la voie de la
recherche qualitative, dans laquelle l’accent est
mis sur les conditions psychologiques optimales
des sujets,
et entre autres sur les états modifiés.

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De même,
il y a un intérêt grandissant pour la guérison
psychique, et, plus généralement, pour
l’influence de l’esprit sur des organismes
vivants. On reconnaît de plus en plus que nous
pouvons avoir des capacités étonnantes nous
permettant de nous guérir nous-mêmes, et les
autres, qui vont bien au-delà des facteurs
psychologiques reconnus par la médecine
orthodoxe.

Le progrès scientifique, surtout dans un domaine
aussi complexe que le psi, est difficile à évaluer,
et il est malaisé de
prédire où nous en serons dans un siècle,
ou même d’ici une vingtaine d’années.
Mais deux choses paraissent certaines: la
première, que la réalité des phénomènes d’ ESP
sera totalement intégrée dans la science officielle
et les cursus universitaires,
ce qui conduira à un foisonnement de
recherches nouvelles. Et la seconde, que nous
allons commencer à voir l’émergence d’outils de
développement psi, validés scientifiquement, qui
seront orientés vers le public. L’utilisation
générale de ces outils, particulièrement par des
enfants à l’âge pré-scolaire, pourrait ouvrir la voie
vers une façon radicalement nouvelle, plus
sensible
et responsable, de se relier aux autres et
à notre environnement.

***

Article extrait du cd-rom de Mario Varvoglis : psi explorer