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Entretien entre le Dr Hubert Larcher et Evelyn Elsaesser-Valarino sur les NDE

Entretien entre le Dr Hubert Larcher et Evelyn Elsaesser-Valarino sur les NDE

Les expériences vécues aux approches de la mort et autres expériences dites paranormales

Entretien entre le Dr Hubert Larcher et Evelyn Elsaesser-Valarino

Hubert Larcher

Note introductive

Suite à une visite dans les archives du Dr Hubert Larcher en avril 2023, j’ai découvert ce texte inédit de l’ancien directeur de l’Institut métapsychique international. C’est l’une des rares tentatives pour discuter des expériences de mort imminente dans le cadre plus général des expériences vécues comme paranormales et de la parapsychologie. Cette réflexion bénéficie de l’érudition extraordinaire de Larcher, au sortir d’une vie de recherche sur la mort, la mystique et le paranormal (cf. l’anthologie L’Odyssée de la conscience, parue en 2013). Il nous a semblé important que ce texte ne tombe pas dans l’oubli.

Evelyn Elsaesser-Valarino est une chercheuse suisse qui s’est spécialisée dans l’étude des expériences de mort imminente et des vécus subjectifs de contact avec les défunts. Elle contacte une première fois le Dr Larcher par un courrier du 13 janvier 1992 pour lui demander de participer à un ouvrage réalisé à partir d’interviews de scientifiques sur les phénomènes étranges autour de la mort. L’entretien – prévu dans un premier temps de visu – se fera finalement par écrit : le Dr Larcher répondra à sa propre sélection de questions préparées par la chercheuse. Cet écrit est achevé le 6 août 1992 sous la forme d’un manuscrit de 38 pages doté d’un lexique. Il est transcrit et partiellement corrigé, mais certaines finitions sont encore manquantes (notamment parmi les références bibliographiques).

Une carte envoyée par Elsaesser-Valarino datée du 2 février 1993 explique néanmoins que le manuscrit est jugé trop long et trop compliqué pour le public visé, si bien qu’il ne sera pas intégré dans l’ouvrage final, paru chez Dervy en 1999 sous le titre D’une vie à l’autre : des scientifiques explorent le phénomène des expériences de mort imminente, contenant des entretiens avec Kenneth Ring, Louis-Marie Vincent, Régis et Brigitte Dutheil, Paul Chauchard, Mgr Jean Vernette et Michel Lefeuvre.

Nous le publions ici avec la double et aimable autorisation du Dr Olivier Larcher, fils du Dr Hubert Larcher, et d’Evelyn Elsaesser-Valarino, après un travail éditorial sur le texte, impliquant d’en corriger les imperfections, d’identifier et de compléter les références, de compléter le lexique et d’ajouter quelques notes et intertitres pour accompagner la lecture.

Renaud Évrard

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Questions et réponses : Saint-Paul de Vence, 6 août 1992

 

Les termes suivis du signe * sont expliqués en fin d’entretien.

Expériences de mort imminente et champ du paranormal

— Evelyn Elsaesser-Valarino : Cher docteur, pour progresser dans notre enquête sur les NDE*, il sera sans doute judicieux de mieux comprendre les phénomènes parapsychologiques tels que les fantômes, les channels*, la décorporation*, bref tout ce qui est inexpliqué et peut-être inexplicable. J’avoue que ces sujets me mettent mal à l’aise. Il me semble que ce domaine d’investigation est différent des autres, investi de passion ou l’objet d’un rejet inconsidéré. La réaction des gens est extrême dans les deux sens ; soit on trouve des adeptes inconditionnels, souvent arrogants et sectaires, sûrs de détenir la vérité, soit les gens rejettent violemment ces sujets ou les traitent avec une indifférence méprisante. Pourquoi tant de passion dans les deux camps ?

— Hubert Larcher : Ce que vous appelez NDE, de l’anglais near death experience, pourrait être traduit en français par « expérience vécue aux approches de la mort » (EVAM*[1]). On peut en distinguer plusieurs formes, notamment :

– celle des agonisants, engagés dans le processus du trépas et qui peuvent témoigner de sa phase réversible tant qu’ils peuvent s’exprimer ;

– celle des condamnés à mort, ou qui considèrent à tort leur décès comme inéluctable avant d’y échapper par miracle, l’exemple le plus classique étant celui des rescapés de chute en montagne ;

– celle des sujets qui sont revenus de l’état de mort apparente ou de vie suspendue (biostase*) à l’état de vie fonctionnelle normale pour pouvoir témoigner, au contraire de ceux qui ont franchi le seuil de l’irréversibilité, même s’ils demeurent un certain temps en état de vie apparente ou de mort suspendue (thanatose*), c’est-à-dire à proximité de la mort, mais sur le versant sans retour.

Le trépas[2], passage de la biostase à la thanatose, est la plus profonde de toutes les transes, celle au cours de laquelle le sujet atteint à la fois son nivellement thermodynamique final, c’est-à-dire son maximum d’entropie*, et son maximum d’information, c’est-à-dire de puissance d’organisation. Vous avez raison de considérer cette transe comme particulièrement favorable à l’émergence et à la manifestation de phénomènes dits paranormaux – du fait qu’ils échappent ou paraissent échapper aux normes des lois de la nature actuellement connues.

Nombre de ces phénomènes, étudiés par la parapsychologie*, la métapsychique* et la psychotronique*, demeurent en grande partie inexpliqués, ce qui ne veut pas dire qu’ils demeurent à jamais inexplicables.

Vous n’êtes pas la seule à vous sentir mal à l’aise en abordant ces sujets cruciaux. En effet, ils suscitent des réactions passionnelles diamétralement opposées. D’une part, je reçois à l’Institut métapsychique international[3] quantité de lettres qui commencent par la phrase stéréotypée : « Je suis passionné par la parapsychologie… », pour la plupart écrites par des signataires qui paraissent tout ignorer de la psychologie normale comme de la psychopathologie. D’autre part, des scientistes* qui se croient rationalistes ou qui invoquent Descartes nient en bloc la phénoménologie dite paranormale ou réduisent tout ce qui n’est pas normal au pathologique. Ils ignorent ou veulent ignorer que le Pr Charles Richet, fondateur de la métapsychique et prix Nobel de physiologie, était membre de l’Union rationaliste, que Descartes s’est intéressé à la clairvoyance et a émis une hypothèse physique concernant la télépathie[4], et que Max Dessoir (1889) a défini la parapsychologie comme « une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques ».

—E. E.-V. : Pourquoi tant de passion dans les deux camps ?

— H. L. : Parce que plus un phénomène est inhabituel, plus il dérange les habitudes ; plus il sort de la norme et s’écarte de la probabilité, moins il est crédible ; plus il est mystérieux, plus il risque de soulever de confusions, de malentendus ou d’oppositions.

Par exemple, la confusion entre les principes et les lois. Les principes sont absolus, invariables, intangibles, tandis que les lois scientifiques, qui ne sont que statistiques, obéissent à des règles que confirment les exceptions. C’est donc une erreur, malheureusement commune et généralisée, de considérer que les exceptions sont contraires aux principes, alors qu’elles n’échappent qu’aux lois des grands nombres. Elles ne sont pas non plus « illégales », puisqu’elles obéissent aux lois des « petits nombres ».

D’autre part, la science telle que définie par Jacques Monod est limitée au « postulat de l’objectivité de la nature » (Monod, 1970, p. 32-33). Or tous les phénomènes que vous évoquez impliquent le rôle du sujet. Donc ils sortent du champ de cette science ainsi limitée. Il faudrait, pour les y intégrer, élargir le paradigme de la science en y intégrant aussi les sujets et leurs interactions, ce qu’a d’ailleurs commencé à réaliser la physique en affirmant que l’observateur fait partie de l’observation et l’expérimentateur de l’expérience. On peut ajouter qu’entre l’observation et l’expérience se situe la réflexion, qui est éminemment le fait du sujet.

Enfin, l’on oppose la science et la raison à la croyance et à la foi, sans parler du scientisme, qui déifie la raison. Plus un fait improbable, « extra-ordinaire », exceptionnel, est anormal, insolite, étrange, plus les gens le disent insensé, impensable, inimaginable, inconcevable, incroyable. « On croit rêver ! Vous y croyez ? », demandent-ils, comme s’il n’était pas raisonnable d’y croire, comme s’il fallait soit le nier, soit y « ajouter foi », la science étant censée être incapable de le comprendre dans son champ de recherche.

Le corps, l’esprit et l’âme

— E. E.-V. : Malraux disait que le xxie siècle serait spirituel ou ne serait pas[5]. Sans doute, il a vu juste. Nous commençons à comprendre que c’est le mental qui prime sur la matière. Il y aurait une conscience au niveau de la cellule, peut-être même au niveau de la particule. L’Homme n’est pas le seul être doté de conscience. La matière inerte même est probablement pourvue de quelque chose que l’on pourrait qualifier de mental. L’astronome britannique Sir James Jeans l’a dit très simplement : « L’univers commence à apparaître beaucoup plus comme une grande pensée que comme une grande machine » (Jeans, 1930). Son compatriote Sir Arthur Eddington (1928) l’a exprimé en ces termes : « Le matériau de l’univers est le matériau mental[6] ». Si la matière n’est pas le seul critère, la seule réalité, tout devient alors possible. Est-ce que cela pourrait nous aider à comprendre ces phénomènes parapsychologiques ?

— H. L. : Je pense aussi que Malraux a vu juste avec sa prophétie apocalyptique, c’est-à-dire révélatrice de ce que sans spiritualité, point de salut, et du risque pour l’Histoire d’arriver à son terme prématurément ; de telle sorte que si nous voulons conjurer cette menace d’annihilation, de « fin de tout », il est impérieux, nécessaire, indispensable d’avoir recours à la vie spirituelle.

On en voit les prémices d’une part dans l’écroulement du matérialisme des républiques socialistes de l’Est et de ses effets, et dans la résurrection des manifestations de la ferveur religieuse au sein de leurs populations, et d’autre part dans une recherche et une demande de spiritualité dans les pays de l’Ouest, qui se manifestent par le succès des sectes ou par des mouvements tels que le new age ou le charismatisme. Malheureusement, si les peuples de l’Est retrouvent leurs pratiques religieuses telles qu’elles furent « gelées » mais conservées intactes pendant près de trois générations, les peuples de l’Ouest se trompent ou sont trompés dans leur quête lorsqu’ils se fourvoient dans la confusion la plus grave qui soit : celle qui consiste à confondre l’animique* avec le spirituel ou, pour parler grec, le psychique avec le pneumatique*, ou encore l’illuminisme* avec l’illumination, ou bien la psychologie religieuse avec la mystique.

« Mental : nom masculin, est l’élément intellectuel ». Telle est la définition de ce mot donnée par le Petit Larousse, qui précise aussitôt que l’adjectif « mental » vient du latin mens, mentis, esprit, et signifie « qui se fait en esprit ». Ce simple exemple montre les difficultés sémantiques que l’on peut rencontrer lorsqu’il s’agit de distinguer l’âme de l’esprit. Le mental, élément intellectuel, « se fait en esprit ». Mais lorsque l’on parle de calcul mental, d’hygiène ou d’aliénation mentales, on traite de fonctions psychiques et non de vie spirituelle ! Tout comme le miroir qui porte ce nom, la psyché a deux faces réfléchissantes, l’une, psychosomatique*, qui regarde le corps, l’autre, psychopneumatique*, où se mire l’Esprit, dont l’image est esprit. Cette inhabitation[7] de l’Esprit dans l’âme qui le reflète prête à confusion dans le langage, par illusion catoptrique*. N’ai-je pas lu sous la plume d’un théologien : « […] l’âme, c’est-à-dire l’esprit […] », comme s’ils ne faisaient qu’un par rapport au corps ?

D’où les pièges philosophiques d’un certain dualisme, ou de monismes* qui réduisent l’esprit à l’âme ou l’âme au corps. Il faut leur opposer résolument une anthropologie ternaire en distinguant bien, pour les unir, le corps, soma, l’âme, psukè, et l’esprit, pneuma (Fromaget, 1991).

S’il existe un Esprit créateur (Genèse, I, 3.) et s’il inhabite l’âme humaine comme le chante la liturgie (Veni creator Spiritus, « Viens, esprit créateur ») , je crains qu’il soit excessivement anthropomorphique* d’attribuer une conscience aux particules et à la matière inerte[8].

Je préférerais dire que tout se passe comme si, dans notre monde, une conscience créatrice ou, du moins, organisatrice, avait informé et informait la matière en lui imprimant un sens, celui de la « machine à faire des dieux » du philosophe Henri Bergson (1932).

S’il en est bien ainsi, il est alors évident que l’étude de celles des relations entre l’Esprit créateur et la matière créée qui passent par le canal des interactions psychosomatiques peuvent nous aider à comprendre les phénomènes métapsychiques en général et leurs versants subjectifs, c’est-à-dire parapsychologiques, en particulier.

— E. E.-V. : On pourrait supposer qu’un être désincarné dispose forcément d’un savoir absolu et que les esprits, à travers leurs messages, devraient être en mesure de nous transmettre la sagesse absolue qui nous fait si cruellement défaut. Eh bien, non ! Il n’en est rien ! J’ai lu des messages intéressants, mais j’en ai lu également qui étaient carrément ridicules. Alors il y a deux solutions. Soit on renvoie tout en bloc et on décide de ne plus donner crédit à ces histoires-là, soit on se dit que, parmi les esprits comme parmi les Hommes, il y en a qui sont plus ou moins intéressants, plus ou moins évolués. Un esprit peu évolué aurait alors moins de connaissances qu’un Homme sage. Cela nous mène à la thèse intéressante qu’il y a une évolution véritablement continue entre l’Homme et l’être désincarné. Il ne suffirait donc pas d’être « de l’autre côté » pour disposer d’un savoir absolu ! Qu’en pensez-vous ?

— H. L. : À supposer que l’hypothèse spirite le cède un jour à une certitude scientifiquement irrécusable, possibilité qui n’est ni établie ni exclue dans l’état actuel des recherches en ce domaine, rien n’indiquerait que les esprits ou les âmes des morts disposent nécessairement d’un savoir ni d’une sagesse absolus.

Il est arrivé que des sujets ayant vécu des expériences aux approches de la mort témoignent qu’ils ont éprouvé le sentiment d’être élevés au niveau d’une connaissance absolue (Morse, 1992, p. 194, 211 et 216[9]), et du point de vue de la mystique, il est concevable que l’esprit, reflet de l’Esprit dans l’âme, y infuse ses dons, au nombre desquels on compte traditionnellement la sagesse, l’intelligence et la science, qui sont des dons intellectuels. Il est évident que le degré de réceptivité de ces dons est à la mesure de la qualité des âmes, et que toutes ne sont pas spiritualisées, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est donc le contenu des « messages » obtenus par le truchement d’un sujet vivant, que les spirites qualifient de médium, c’est-à-dire d’intermédiaire, qu’il y a lieu d’étudier. Certains de ces « messages » méritent crédit parce que les indications qu’il contient, ignorées de tous ceux qui les ont reçues, peuvent être objectivement vérifiées a posteriori et donc ne sont pas de simples romans subliminaux[10], mais résistent positivement à l’épreuve de réalité.

Toutefois leur vocabulaire, leur style, leur niveau de connaissance sont ceux qu’ils avaient de leur vivant, même si l’on y trouve incluses des interférences actuelles provenant du médium et de son entourage.

Ce n’est donc pas à travers ces « messages » que l’on peut se faire une idée précise, sur laquelle faire reposer une certitude, de l’état ni du degré d’évolution post mortem des disparus censés en être les auteurs. On peut le croire ou non, mais on ne le sait pas. Théoriquement, il ne suffit pas d’être « de l’autre côté » pour disposer d’un savoir absolu. Il faudrait pour cela entrer dans la pleine communion avec l’omniscience divine.

Fantômes, visions, apparitions et revenants

— E. E.-V. : Cher docteur, vous qui êtes un éminent spécialiste des fantômes allez sûrement nous donner des renseignements édifiants à ce sujet. Comment se manifestent les fantômes ? Est-ce que ces apparitions sont fréquentes ?

—H. L. : Je ne suis pas un spécialiste des fantômes, mais si je n’en ai jamais rencontré, cela ne prouve nullement qu’ils n’existent pas. Pour nous renseigner à leur sujet de manière rationnelle, sinon édifiante, il faut commencer par distinguer les hallucinations des visions et des apparitions.

Les hallucinations ont été définies par le psychiatre Henri Ey comme des « perceptions sans objet à percevoir » (Ey, 1973, p. 47). L’héautoscopie*, perception de l’image de soi comme dans un miroir, que certains auteurs appellent autoscopie spéculaire*, est la perception de soi comme vu de l’extérieur. Les EVAM (qui sont l’autoscopie proprement dite) ne sont pas des hallucinations, puisqu’elles ont un objet à percevoir. Ce sont des visions de soi. L’autoscopie spéculaire peut subir des modifications lorsque s’y mêlent des composantes hallucinatoires, et mérite alors le nom d’« autoscopie différente* » (Sollier, 1903).

On peut dire que les fantômes se manifestent de deux manières : par l’observation, comme dans les visions, ou par l’expérience, comme dans les apparitions.

Un exemple classique de vision est celui des fantômes de Trianon que perçurent Miss Moberly et Miss Jourdain en visitant le parc du château de Versailles. L’une et l’autre consignèrent leur vision de manière précise et détaillée et ces textes furent publiés en 1911 (Moberly et Jourdain, 1911). Mais c’est plus tard que des travaux d’aménagements déterrèrent les vestiges d’un mur qu’elles avaient décrit alors que, dans leur temps, il avait disparu. En 1982, M. Jean Senelier publia une remarquable enquête sur la conformité entre tous les détails des visions de 1911 et des réalités du xviiie siècle (Senelier, 1982).

Dans le même ordre de phénomènes, on ne peut pas ne pas évoquer les visions d’Anne Catherine Emmerick recueillies par le poète Clemens Brentano. Après la mort de ce dernier en 1840, son frère Christian et sa belle-sœur publièrent en 1852 des visions sur la vie de la sainte Vierge (Emmerick, 1921), dont la traduction permit de découvrir le site de Meryemana, près d’Éphèse, et les vestiges de la maison de Marie.

J’y suis allé quatre fois, en 1966, 1967, 1969 et 1970, pour vérifier sur le terrain la conformité entre ces visions et la réalité objective. Du point de vue de l’expérience, il s’agit non plus de vérifier par l’archéologie et par l’histoire la conformité des visions avec leur « objet à percevoir », mais bien de tenter d’enregistrer objectivement une re-présentation de fantômes du passé. Il ne s’agit plus de noter des impressions subjectives mais bien d’enregistrer des expressions objectives, non plus des sensations mais bien des actions, non plus des visions dans le passé mais bien des apparitions dans le présent, c’est-à-dire des objets perçus.

Pour obtenir cette présence, qui fait d’un fantôme un revenant*, l’action d’un sujet doué pour ce faire paraît indispensable, sujet que les spirites qualifient de médium. Les plus doués de ces médiums non seulement font apparaître des revenants mais encore provoquent leur concrétisation, éphémère certes mais objective, en empruntant les matériaux de leur formation soit au milieu extérieur, soit à leur propre corps et, dans ce dernier cas, la substance ainsi extériorisée est qualifiée d’ectoplasme*.

Les expérimentateurs doivent alors :

– 1 : s’assurer par des enregistrements objectifs qu’ils n’ont pas été les sujets d’une hallucination collective ;

– 2 : critiquer les résultats de ces enregistrements pour éliminer toutes les possibilités de fraude, trucage, illusionnisme ;

– 3 : perfectionner dans toute la mesure du possible ces modes d’enregistrement.

C’est ainsi qu’après avoir saupoudré le sol dans l’espoir d’objectiver les traces des productions médiumniques, on en vint non seulement à l’espoir de les photographier, mais encore à celui d’en recueillir l’impression en creux dans de la cire, puis dans de la paraffine, afin d’en tirer des moulages. Grâce au médium polonais Franek Kluski, le Dr Gustave Geley réussit à obtenir, entre 1920 et 1922, une série de moulages qui sont conservés à l’Institut métapsychique international à Paris.

Hormis les apparitions mariales comptabilisées par l’Église catholique, je ne pense pas qu’il existe d’étude quantitative de la fréquence des apparitions. Elle serait d’ailleurs très difficile à mener par enquêtes statistiques en raison de la discrétion, de la retenue et de la prudence des témoins. Toutefois, on peut considérer que les apparitions sont beaucoup moins fréquentes que les visions et que les traces objectives de ces apparitions sont rares. Certains lieux paraissent favoriser la perception de fantômes : sous-sol argileux pour les visions ou apparitions mariales en Thiérache, maisons et châteaux hantés lorsque s’y trouvent des sujets percipients* ou médiums, brumes et vents des pays nordiques.

Joseph von Görres (1854) avait noté que dans ces pays, certains fantômes apparaissent à dates et lieux fixes aux membres de certaines familles, ce qui laisse supposer le caractère héréditaire de cette faculté de les percevoir.

On peut alors formuler l’hypothèse d’une sélection naturelle et culturelle dans certaines populations de navigateurs, dont les vigies percevaient parfois dans le brouillard des fantômes tutélaires qui les prévenaient des écueils et assuraient ainsi leur survie.

Dans un tel contexte, on s’est demandé si le sodium du sel dont sont chargés les embruns que respiraient ces marins pouvait jouer un rôle, combiné avec les effets de la vigilance et du manque de sommeil et de rêve, pour exalter cette faculté latente transmise à leur postérité.

— E. E.-V. : Qu’est-ce qu’un fantôme, quelle signification a-t-il ? Est-il une « âme en peine », perdue dans les premiers stades de l’autre monde, incapable de se séparer de notre univers physique ?

— H. L. : Le mot fantôme*, du grec phantasma, désigne l’image ou la représentation fantastique d’une personne que l’on perçoit alors qu’elle n’est pas ici, maintenant, en chair et en os. Qu’il s’agisse d’une vision subjective sensorielle ou d’une apparition objective impliquant une projection, production ou concrétisation motrice, dans les deux cas l’on peut dire que sa perception informe celui qui la perçoit sur l’objet à percevoir.

Cette information, nous l’avons dit, peut porter sur la vision du passé ou le re-présenter et, dans ce dernier cas, le fantôme est qualifié de revenant.

Mais il faut ajouter qu’il existe aussi des fantômes du présent, sous forme soit de visions soit d’apparitions de personnes vivantes. La Society for Psychical Research a examiné 17 000 cas d’histoires de fantômes s’étant déroulées d’avril 1889 à mai 1892, et n’a retenu que 778 cas intéressants, dont 319 non identifiés, 127 de personnes décédées et 332 de personnes vivantes (Sidgwick et al., 1894).

Les fantômes de personnes vivantes sont donc majoritaires dans cette statistique. Dans un certain nombre de cas, elles se trouvent en état de détresse, de choc physique ou émotionnel, et l’on est ainsi en droit de penser que la manifestation de leur image à distance est un signal ou un appel. C’est particulièrement vrai pour les mourants, très majoritaires d’après les recherches de Gurney, Myers et Podmore (1891) sur les fantômes des vivants.

La signification de ces fantômes du présent est celle d’un appel, d’une communication télépathique dans laquelle la source de l’image joue le rôle d’agent actif lorsqu’il envoie celle-ci à un percipient. Mais il peut aussi jouer le rôle d’agent passif si c’est le percipient qui est actif en percevant son image, et l’on connaît aussi des cas précis de télépathie croisée.

La télépathie pouvant être non seulement synchronique mais encore diachronique, cette communication fantomatique peut aussi bien venir du passé que du présent et présenter aux yeux d’un percipient l’image d’un agent ex-vivant.

Ceci nous amène à la troisième partie de votre question, à laquelle il est le plus difficile à répondre clairement. En effet, le problème qu’elle pose est de savoir si le percipient d’un revenant reçoit une information venue du passé ou bien s’il entre présentement en communication avec le sujet même dont la forme ou image se présente à lui, forme du corps que l’on peut considérer comme l’âme et que certains confondent avec l’esprit. Autrement dit, l’ex-vivant peut-il encore être agent ou percipient maintenant qu’il est mort ?

— E. E.-V. : Est-ce que l’état de fantôme est souvent lié à une mort violente ?

— H. L. : La vision ou l’apparition de fantômes est souvent liée à la mort en général et à la mort dramatique en particulier. Un exemple remarquable est celui de la matérialisation ectoplasmique de la tête et du cou d’Émilie de Sainte-Amaranthe, produite par Eva Carrière, photographiée par Paul Le Cour en 1918 (Le Cour, 1950). Émilie de Sainte-Amaranthe a été identifiée comme guillotinée dans d’affreuses circonstances le 17 juin 1794.

La télépathie étant un phénomène particulièrement lié au champ affectif, il est évident que les morts tragiques sont très prégnantes pour les percipients.

De fait, on a pu noter que lorsque les revenants sont identifiés, il s’agit souvent de personnes qui ont souffert, qui ont été victimes de mort violente ou de situations dramatiques, qui ont subi un bouleversement de leur champ affectif, un inachèvement, à leurs yeux prématuré, de leur œuvre, et l’on peut dire qu’elles sont mortes comme des « âmes en peine », frustrées brutalement ou péniblement de l’achèvement de leur destinée ou de l’accomplissement de leurs projets terrestres.

Agents en mourant, leur appel ou leur message peut a posteriori être reçu comme une information par un percipient, notamment si sa sensibilité lui vaut d’être qualifié de médium.

Mais si ce message prend la forme d’un dialogue avec le percipient, d’un guidage de celui-ci, d’avertissements conformes à l’actualité ou à l’avenir, tout se présente comme s’il s’agissait d’une communication entre le vivant et le défunt. Dans ce cas, il est très difficile de distinguer s’il s’agit bien d’une telle communication ou bien d’une illusion, l’actualisation du prétendu dialogue pouvant provenir non du revenant, mais des projections de l’inconscient du percipient, du médium, voire de leur entourage, sur celui-ci.

Les fantômes de vivants et la sortie du corps

— E. E.-V. : La décorporation ou sortie hors du corps est sans doute le phénomène qui se rapproche le plus des NDE. La première sortie hors du corps se produit d’habitude de façon involontaire, suite à un choc émotionnel important ou dans un état modifié de conscience. Ensuite, ces personnes arrivent à quitter leur corps physique à volonté et, reliées à leur corps uniquement par ce qu’elles appellent le « cordon d’argent », elles prétendent quitter leur maison, survoler la ville, se déplacer à très grande vitesse, libres comme les oiseaux… Comment savoir si ces récits sont vrais ? Il faut avouer que la similitude avec les NDE est frappante.

— H. L. : L’impression et la sensation de sortie hors du corps sont dues au fait que le sujet perçoit non seulement ce qui se trouve hors de portée de ses sens normaux, mais encore son propre corps, comme s’il se situait hors de lui. Ce corps et son environnement étant bien des objets à percevoir, cette perception n’est pas une hallucination mais bien une vision, accompagnée d’ailleurs de l’« extériorisation » des autres sens, tels que l’audition.

Cette impression et cette sensation ne sont pas seulement sensorielles mais aussi motrices, puisque le sujet se perçoit en mouvement et capable de se déplacer même à grande distance, même très rapidement, même instantanément, comme dans la bilocation*.

Il est certain que ce phénomène est lié à des modifications de l’équilibre psychophysiologique, modifications dont on ne connaît pas bien le mécanisme.

Il survient parfois lorsque le corps se trouve en hypotonie* profonde, comme celle du rêve, bien que le sujet soit éveillé et lucide. Plus souvent encore lorsque le métabolisme est ralenti (biocémèse*), et l’on note alors une hypothermie, fréquemment signalée par les observateurs, mais en l’absence, regrettable, de précisions thermométriques.

Enfin et surtout dans des états de vie suspendue ou mort apparente (biostase), donc réversible, d’où sa fréquence dans le syndrome de Moody* (Moody, 1977 ; Larcher, 2005).

Je crois me souvenir d’avoir lu que Jean Lhermitte (1939) et Ludo Van Bogaerts (1934) ont signalé l’existence, en arrière de l’hypophyse, d’une zone dont l’excitation provoquerait des visions colorées et cette sorte d’extériorisation.

Le problème posé par ces observations et ces expériences est de déterminer s’il s’agit d’un phénomène purement subjectif ou bien de la sortie objective d’un « double » du corps emportant avec lui la conscience et les facultés de perception du sujet inanimé.

Pour savoir si les récits des sujets sont vrais et résistent à l’épreuve de réalité, on vérifie objectivement ce qu’ils disent avoir vu et entendu sans qu’ils aient pu le percevoir normalement, ni le déduire, ni le dire par hasard. D’autre part, on enquête auprès d’éventuels témoins qui disent avoir perçu la manifestation à distance sous forme de vision ou d’apparition, c’est-à-dire le fantôme du vivant dédoublé, comme dans les cas de bilocations, dont deux cas contemporains sont ceux de la mère Yvonne Aimée de Jésus, de Malestroit, et du Padre Pio, de Pietrelcina[11].

Qu’il s’agisse de revenants ou de fantômes de vivants, Sir Alfred Russel Wallace (1891, p. 325-361) retenait cinq espèces de preuves de l’objectivité des apparitions :

– 1 : simultanéité de la perception du même fantôme par deux ou plusieurs personnes ;

– 2 : le fantôme est vu par différentes personnes, comme occupant différentes places correspondant à un mouvement apparent, ou vu à la même place malgré le changement de position de l’observateur ;

– 3 : impressions produites par le fantôme sur les animaux ;

– 4 : effets physiques qui semblent produits par les fantômes, en connexion avec leur apparition ;

– 5 : photographies de fantômes, visibles ou invisibles pour les personnes présentes.

À la photographie on peut ajouter de nos jours la phonographie, les empreintes sur poudre, sur cire, les combustions en forme de doigts et de mains sur des objets, linges ou livres, conservés au musée des Âmes du Purgatoire, et les moulages dans la paraffine, suivant la technique imaginée et mise au point par le Pr Denton en 1875 (Aksakof, 1906, p. 127-172), qui a permis au Dr Gustave Geley (1921, 1922) de recueillir les formes humaines matérialisées par Franek Kluski.

Médiums, channels et médiateurs

— E. E.-V. : Les channels – appelés médiums autrefois – semblent avoir existé de tous temps, dans toutes les civilisations de la Terre. L’Homme a toujours cru en l’immortalité de l’âme – de façon différente selon l’époque et le lieu – et il s’est efforcé par diverses manières d’entrer en contact avec « l’autre monde ». La négation de l’idée de survie est en fait intervenue récemment, avec l’industrialisation et les théories matérialistes et réductionnistes qui en découlaient. Le chamanisme est un élément important dans les civilisations africaines ; les oracles de la Grèce antique étaient des personnes qui entraient en transe pour accéder à l’autre monde par l’intermédiaire de la télépathie, de la clairvoyance* ou de la clairaudience*. Je n’ai cité que ces deux exemples, mais il y en a évidemment beaucoup d’autres. Quel lien y a-t-il entre ces phénomènes et quelle est leur signification profonde ?

— H. L. : « Channel : canal, canal de réception pour un téléviseur. Synonyme : médium ». Telle est la définition succincte que j’ai trouvée dans un dictionnaire. Mais « channel » est-il bien exactement synonyme de « médium » ? Le terme de médium a été consacré par l’usage spirite à la désignation d’un sujet faisant fonction de canal de réception de messages censés provenir de l’esprit de défunts, dont certains qualifiés de guides, et reçus sous forme orale, écrite ou dessinée, d’automatismes typtologiques* ou alphabétiques, de visions ou d’apparitions, de manifestations psychocinétiques* ou ectoplasmiques, ou encore d’incorporations.

Cependant, la substitution récente du mot channel au mot médium me paraît trahir une aspiration à l’élargissement du champ de communication et indiquer une intention d’étendre le concept au-delà d’une simple relation de type spirite, jusqu’à toute forme d’ouverture vers l’autre monde, c’est-à-dire vers un monde au-delà du nôtre, et qui le transcende. Le concept d’« au-delà », de l’« autre monde » est, sous la diversité des formes, une constante anthropologique fondamentale, un trait commun à toutes les civilisations, de tous temps et en tous lieux. Il est de nature religieuse, traduisant le besoin de se sentir partie d’un tout et d’y être fonctionnellement relié, qu’il s’agisse de la nature, de la société humaine, ou de Dieu. Et cette relation paraît assurée par des sujets prédisposés, sélectionnés, spécialisés : chamanes, devins ou prêtres. Mais il faut, ici encore, dénoncer tous les risques de confusion entre l’animique* et le spirituel, entre le psychique et le pneumatique*. Je pense au livre du Dr Alain Assailly (1959) intitulé Le curé d’Ars : médium ou médiateur ? et à la mystique chrétienne qui prie les saints comme intercesseurs. Ce prêtre médiateur de son vivant, ces intercesseurs qui sont morts, sont des canaux entre notre monde et le monde de l’Esprit, qui se situent bien au-delà d’une simple médiumnité psychique. L’immortalité de l’âme, la survie au-delà de la mort corporelle, ne sont concevables qu’avec, par et dans l’éternité et l’infinitude divines, aussi bien dans la perspective platonicienne des psychistes anglais de Cambridge (Myers, 1905) que suivant l’inspiration aristotélicienne des métapsychistes français.

Les succès de la méthode scientifique et de ses fruits technologiques dans le domaine matériel ont inspiré aux scientistes le rejet de tout ce qui n’entre pas dans le champ conceptuel de leur succédané de religion : « Hors de la Science, point de salut ! » ; aux matérialistes le bannissement de tout ce qui ne se réduit pas à leur niveau dialectique ; et aux spiritualistes un effort pour tenter d’appliquer la réflexion scientifique à l’observation et à l’expérience des manifestations spirituelles.

Henri Bergson a parfaitement perçu et montré que le temps était venu de développer, en regard et en complément d’une science et d’une technique matérielles, une science psychique qui devait rattraper son retard. Il s’y intéressa au point de devenir président de la Society for Psychical Research en 1913. C’est en ce sens précis qu’il réclama un « supplément d’âme » (Bergson, 1919).

Pour en comprendre la signification profonde, il faut ajouter à la psychologie et à la métapsychologie une science des phénomènes ascétiques et mystiques, une hagiologie* seule capable d’éclairer le sens des faits normaux et paranormaux de cette lumière spirituelle que Myers (1905) a qualifiée de supranormale.

— E. E.-V. : J’ai lu des récits hallucinants de channels qui nous transmettent les messages les plus invraisemblables d’extraterrestres. J’en ai lu d’autres – comme celui de l’entité Lazaris, délivré par le channel Jach Pursel, dont je vais citer un passage – qui rejoignent tout à fait les dernières découvertes scientifiques, en l’occurrence celles de la physique quantique. Je cite un extrait d’un message de l’entité Lazaris adressé aux physiciens, et exprimé par la bouche de Jach Pursel (Klimo, 1991) :

Dans l’ensemble du champ du paranormal – où nous devrions nous inclure nous-mêmes –certaines choses peuvent être prouvées […]. Une chose que les parapsychologues ne pourront jamais prouver de façon définitive, avec certitude, est l’existence d’une vie après la mort. Bien sûr, il peut y avoir des gens qui ont ces expériences et ceux qui écrivent à ce propos […]. Mais ce n’est pas définitivement probant ; ce n’est pas une preuve absolue. Il est important de prendre conscience qu’il n’a jamais été prévu que la vie après la mort puisse être prouvée […]. Cela doit être une question de connaissance intérieure, ou de foi, si vous préférez l’appeler comme cela. À moins que vous préfériez le terme de croyance. Le pont de ce monde-ci à ce monde-là est la croyance […] Pareillement, les physiciens – et plus que tout les spécialistes de physique quantique, ceux qui sont à l’avant-garde de leur champ d’exploration – prouvent, ce ne sont pas de simples spéculations, mais une preuve mathématique, prouvent par le mouvement des particules subatomiques que votre réalité est une illusion […]. Toutes les théories sur les quanta reposent sur le fait que la réalité est un produit de votre pensée […]. Occupons-nous donc de l’amour. Essayons de capturer Dieu sur le tableau noir. Essayons de le capturer dans un accélérateur de particules à Stanford. Essayons de capturer Dieu sur une plaque de plomb en fracassant des atomes et en bombardant des particules subatomiques et en fractionnant la lumière. Mais vous ne trouverez pas Dieu dans un laboratoire. Dieu, pareillement, se trouve de l’autre côté de la croyance. Et la seule façon d’aller à Dieu/Déesse/Tout Ce Qui Est, est de traverser le pont de la croyance. Pareillement, nous considérant comme une conscience, les gens peuvent dire : « Ce n’est que le channel. Vous voyez, c’est lui, rien de plus. Il ferme les yeux et il prend une voix bizarre. Il dit de jolies choses mais il est en train de faire semblant, c’est tout ». Les gens peuvent dire que nous sommes un aspect de l’inconscient, ou un aspect de la conscience supérieure, ou que nous sommes une force spirituelle qui est bien en train de donner un message qui n’est, en définitive, rien de plus qu’une énigme. Ou encore, vous pouvez dire que nous faisons bien partie de la lumière, partie de ce qui est Dieu, partie de ce qui est Dieu/Déesse/Tout Ce Qui Est. Vous pouvez dire beaucoup de choses, et vous ne pourrez jamais rien prouver de façon définitive, parce que la vérité – l’entité qui communique, exactement comme Dieu/Déesse/Tout Ce Qui Est – se trouve de l’autre côté de la croyance. Il n’a jamais été prévu que cela soit prouvé scientifiquement. Vous ne piégerez jamais cette énergie dans un laboratoire… Vous ne pourrez jamais figer la nature insaisissable de ce qui se trouve de l’autre côté de la croyance.

Ce texte nous interpelle à plusieurs niveaux : la question s’il faut « croire » ou non en l’existence des esprits semble inappropriée, la physique quantique nous révèle ce que la réalité n’est pas, plutôt que ce qu’elle est ; la connaissance ne peut pas remplacer la croyance, un acte de foi semble indispensable pour accéder à la vérité. Qu’en pensez-vous ?

 

— H. L. : Comme nous ne savons pas si des extraterrestres communicatifs existent ou non, il est actuellement impossible d’affirmer qu’il s’agit de messages, ni par conséquent qu’ils nous sont transmis par des canaux. On peut seulement dire que des sujets considérés ou se considérant comme tels disent ou sont dits transmettre des messages d’extraterrestres. Mis à part le charlatanisme et le genre littéraire de la science-fiction, ces soi-disant messages peuvent être les produits d’expressions délirantes.

Le mot « lire » signifiant « sillon », le « délire », écart du soc qui sort du sillon, désigne par analogie le trouble mental qui consiste à sortir du sillon des réalités pour aller jusqu’à l’hallucination, et ce n’est pas sans raison que vous dites des récits « hallucinants ».

Hormis le cas de délire, ce qui est perçu et communiqué par le sujet comme un message venu d’ailleurs peut être attribué à des sources prétendues extraterrestres du fait de la mode, de l’ambiance et de l’imaginaire collectif qui en véhiculent les images dans le roman, le théâtre, le cinéma et la télévision, ce qui favorise la crédulité face à l’invraisemblable. Enfin le contenu de ces messages, faussement attribués, jusqu’à preuve du contraire, à des extraterrestres, peut effectivement provenir de sources intérieures et extérieures réelles.

Les sources intérieures sont le plus souvent soit des souvenirs, soit des réminiscences surgies de l’inconscient, qui peuvent contenir de l’information exacte mêlée au roman subliminal, comme les restes diurnes nourrissant les rêves, pour lui conférer un certain poids de vraisemblance, comme dans le genre littéraire de la science-fiction. Les sources extérieures peuvent provenir de l’inconscient collectif ou de l’imagination d’une autre personne, vivante ou ex-vivante, par télépathie ou chronopathie*, ou perception par clairvoyance de l’œuvre d’autrui.

C’est ainsi que certains témoignages de rencontres du troisième type se superposent avec un degré stupéfiant d’analogie aux récits fictifs imaginés antérieurement par des romanciers, mais ignorés des témoins (Méheust, 1978).

J’accorde donc à ces « messages » la valeur d’expression de l’imaginaire contemporain, sans exclure la possibilité d’hallucinations, et certains effets pathologiques sous forme d’hallucinations, et imaginaux sous forme de psychocinèses*.

—E. E.-V. : Les messages provenant des esprits ou « sources » et délivrés par l’intermédiaire des channels peuvent être classés dans quatre grandes catégories : la sagesse éternelle ; les preuves d’identité des désincarnés ; la description de la vie dans les plans non physiques ; le matériel scientifique, technologique, médical et thérapeutique. Commençons par la première catégorie, la sagesse éternelle. En résumant à l’extrême, on peut dire que les esprits nous répètent principalement que l’essentiel est l’amour, que l’Homme est immortel, identique dans son essence à son Créateur, pris dans une évolution continue vers la fusion avec l’Être unique. Il n’y a là rien de très nouveau, puisque c’est également l’idée fondamentale de toutes les religions du monde.

— H. L. : Ce qui est considéré par les spirites comme des messages provenant des esprits qui en seraient les agents ou « sources », délivrés par le canal médiumnique de sujets percipients, peut, nous venons de le dire provenir d’autres sources : réminiscences, inspirations diverses, clairvoyance, télépathie ; et la classification en cinq grandes catégories que vous proposez peut s’appliquer à toutes ces sources possibles.

C’est ainsi que le thème de la sagesse éternelle, tel que vous le résumez à l’extrême, peut avoir pour source ce que tout le monde peut trouver dans la Philosophia perennis* comme dans les religions révélées, qui sont monothéistes.

Du point de vue théologique, ceci pose le problème de la distinction que nous avons déjà évoquée entre la psychologie des médiums et la pneumatologie des médiateurs (Assaillly, 1959). Dans les milieux qui pratiquent des religions animistes ou spirites, il n’est pas démontré que la « sagesse éternelle » s’exprime toujours par des messages monothéistes, même si elle tire une partie de ses sources de ces structures anthropologiques de l’imaginaire qui sont communes à toute l’humanité.

Dans les religions révélées, le message provenant de l’Esprit qui se reflète sous forme d’esprit dans les âmes et vient les inhabiter coule de la source divine vers la psyché du médiateur, avec cette particularité propre au christianisme que, grâce à l’Incarnation, Dieu s’est psychosomatisé, puis transsubstancié*, humanisant le Verbe en vue de verbifier l’Homme, de telle sorte que Jésus-Christ médiateur et Marie médiatrice ont intégré la communication dans la participation que réalise la Communion des saints.

Messages de l’au-delà

— E. E.-V. : Les preuves d’identité des êtres désincarnés sont assez intrigantes, car elles font souvent état d’informations que seule la personne décédée – la source – pouvait connaître. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

— H. L. : Je crois avoir déjà donné des éléments de réponse à cette question à propos des messages qui méritent crédit, des visions du passé et des visions ou apparitions de revenants.

Le problème est de savoir si la source d’information, c’est-à-dire l’agent, est l’esprit survivant d’un défunt, que les spirites qualifient de désincarné, même lorsqu’ils soutiennent en même temps la théorie de la réincarnation, ou bien si cette source est le vivant qu’il fut, dont l’information est reçue par un percipient a posteriori, avec retard après sa mort.

Prenons un exemple simple et concret : si j’entends chanter sans voir la cantatrice ni disposer d’autres repères pour l’identifier, comment saurais-je si je perçois le chant d’une artiste vivante ou bien sa transmission par un enregistrement différé après son décès ?

Autre exemple : des « preuves d’identité » d’un certain abbé Le Dantec, professeur de physique à Tréguier, ayant été recueillies à Bordeaux par Pierre Fruges et René Pérot par écriture automatique d’un médium, René Pérot vint à Paris pour les vérifier en ma compagnie ; ce qui nous permit de retrouver son livre à la Bibliothèque nationale, sa nièce (?) et ses archives dans un couvent, rue de Vaugirard, où il avait pris sa retraite, et un cahier où étaient écrites de sa main des phrases identiques à celles de son livre de physique et à celles recueillies par écriture automatique (Pérot et Fruges, 1967). L’essentiel de ces textes soutenait vigoureusement une thèse de physique moléculaire opposée à celle d’un autre physicien, M. de Lapparent, le message recueilli post mortem à Bordeaux poursuivant outre-tombe une polémique bien dépassée par l’évolution de la physique et, par conséquent, obsolète. Dans cet exemple, que j’ai personnellement étudié avec René Pérot, on peut observer que :

— 1 : le message de physique peut avoir été perçu par clairvoyance utilisant le support du livre ou du cahier ;

— 2 : il peut avoir été reçu par télépathie ; mais dans ce cas, le contenu était celui du vivant de l’abbé Le Dantec et du temps de la polémique qui l’avait affecté, ses autres travaux n’ayant pas été perçus à Bordeaux ;

— 3 : les indications actualisées peuvent s’expliquer par la lucidité du médium en relation avec les expérimentateurs.

Il est raisonnable de conclure que l’information émise par un vivant peut être perçue après sa mort, éventuellement actualisée par le percipient, comme si sa communication échappait aux contraintes de l’espace et du temps. On peut alors se demander comment cette information a pu être enregistrée et communiquée. À moins que ce que nous interprétons comme communication télépathique diachronique soit d’une nature différente, celle d’une participation qui, dans le champ de l’intersubjectivité*, ressemble à l’inséparabilité* de l’univers objectif des physiciens[12].

— E. E.-V. : La description de la vie dans les plans non physiques nous fait découvrir un monde essentiellement mental, un paradis psychologique dans lequel la lumière occupe une place privilégiée. Les descriptions varient beaucoup d’une source à l’autre. Pouvez-vous nous donner plus d’informations à ce sujet ?

— H. L. : La description d’une diversité de plans non physiques, tout comme celle de la vie dans lesdits plans, dépend en général des contenus mentaux de l’agent, de ceux du percipient et de leur milieu culturel.

La plupart des descriptions que j’ai lues sont des romans subliminaux qui ressemblent à des rêveries, remplies de réminiscences de la vie dans le plan physique, de la même manière que les rêves se nourrissent de restes diurnes, d’où leur extrême variété.

Dans la vie ordinaire, on rêve d’assouvir ses désirs, de compenser ses frustrations et d’échapper aux contraintes, de telle sorte que dans ces descriptions, on trouve souvent des paradis psychologiques peuplés de personnes agréables, dotés de festins délicieux, où l’on jouit d’une parfaite liberté dans l’épanouissement de tous les sens.

Suivant les milieux culturels, les religions décrivent des paradis qui suivent une direction psychologique analogue, promettant aux élus d’y trouver des apsaras, des bayadères, des houris, des tables chargées de victuailles à faire rêver les populations faméliques, un Éden où tout – hormis le fruit défendu – est permis.

De même que le soleil éclaire la diversité des Hommes et des peuples, de même le thème de la lumière est probablement le point commun que l’on retrouve dans toutes les descriptions les moins terre-à-terre, les plus évoluées. Qu’il s’agisse de parcours initiatiques personnels menant à l’illumination des mystiques ou d’une évolution universelle conduisant le peuple des Justes à la gloire du Ciel, c’est bien toujours la lumière qui occupe une place privilégiée. Il faut noter à ce propos que, comme le mot amour, le mot lumière est employé dans des sens analogiques et symboliques très divers, générateurs d’ambiguïtés sémantiques que je me suis récemment efforcé de démêler (Larcher, 1992).

— E. E.-V. : Le matériel scientifique, technologique, médical et thérapeutique constitue probablement les messages les plus instructifs. Edgar Cayce était l’un des channels les plus célèbres, les indications thérapeutiques qui ont été délivrées par sa bouche ont permis de nombreuses guérisons. Est-ce que les scientifiques ont analysé ce genre de messages ? Si oui, quelle valeur leur accordent-ils ?

— H. L. : D’une manière générale, la conscience personnelle peut dialoguer avec l’inconscient et tout son contenu, comme lorsqu’à l’état de veille je me dis, je dis à moi, quelque chose. Si, avant de m’endormir, je me dis que je dois me réveiller de bonne heure pour aller à la gare, je me réveillerai à l’heure voulue, et tout le monde peut faire cette expérience. J’ai connu le cas de personnes qui, au lieu de communiquer ainsi avec elles-mêmes, adressaient la demande de les réveiller à leur mari défunt, aux âmes du Purgatoire ou à leur ange gardien, avec le même succès.

De la même manière, si l’on s’endort affecté par un problème à résoudre, il arrive que le lendemain au réveil, on trouve bien clairement sa solution. C’est pourquoi l’on dit que la nuit porte conseil, et qu’il est recommandé de bien dormir avant d’arrêter un choix difficile ou de prendre une grave décision. Pendant la nuit, un éveil particulier, celui du rêve, rebat les cartes des souvenirs diurnes, et il arrive que la solution des problèmes en surgisse sous forme de songe.

On en connaît bien des exemples, non seulement dans le domaine de la créativité artistique, mais encore dans celui de la recherche scientifique et technique. Le plus célèbre est celui de Friedrich August Kekulé rêvant d’un serpent qui se mord la queue, d’un ouroboros dont la figure symbolique lui inspire la découverte de la structure du noyau du benzène. L’Antiquité grecque connaissait bien les ressources de l’inconscient et la transe de l’hypnose à la lucidité, qui fut appelée hypnoblepsie*. Elle était utilisée pour tirer du malade lui-même l’indication du traitement le plus efficace à lui appliquer.

On peut penser que le patient tirait cette information non seulement de son inconscient, mais encore de celui du thérapeute qui l’interrogeait et de leur milieu, ce qui pouvait aussi être obtenu par le canal d’un médium comme Edgar Cayce lequel, en sortant de sa transe, ne se souvenait pas de ce qu’il avait indiqué.

De nos jours, des expériences de ce genre ont été réalisées par le Dr Pascal Brotteaux, qui tirait des indications thérapeutiques souvent inattendues mais efficaces de certains de ses patients en les interrogeant après les avoir mis sous hypnose grâce à des injections de scopochloralose* bien purifiée. Mais les milieux scientifiques classiques ne s’attachent qu’au postulat de l’objectivité de la nature (Monod, 1970) et non à ces investigations au cœur de la subjectivité et de l’intersubjectivité (Larcher, 1978).

À ces procédés psychiques peuvent correspondre des attitudes spirituelles, comme la prière de demande (Carrel, 1946) adressée soit à Dieu, soit à des saints considérés comme intercesseurs et guérisseurs.

Il arrive que cette démarche de psychologie religieuse soit exaucée par des phénomènes de guérisons mystiques, comme dans les incubations*, ou spirituelles comme dans les guérisons miraculeuses (Carrel, 1949). « Cherchez et vous trouverez ». « Frappez et l’on vous ouvrira ! »

Comment s’expliquent ces phénomènes ?

— E. E.-V. : Parlons maintenant, si vous le voulez bien, de la source, qui est l’émetteur utilisant un channel pour se manifester de différentes manières. Le channel reçoit le message en état soit de transe, d’hypnose, de clairaudiance ou de clairvoyance, ou encore par écriture automatique. On peut imaginer six origines de la source :

— l’inconscient du channel,

— le soi supérieur,

— Dieu/Esprit universel,

— l’inconscient collectif,

— l’autohypnose,

— l’effet quantique,

— les êtres désincarnés.

De prime abord, c’est évidemment la première hypothèse qui nous semble la plus plausible : l’inconscient du channel. Quel est votre point de vue ?

  1. L. : À mon point de vue, les informations vraies ou fausses, imaginaires ou réelles, vérifiables ou invérifiables, communiquées par le canal d’un médium conscient ou inconscient, dans quelque état psycho-physiologique modifié ou non qu’il se trouve, et que ce soit par clairvoyance, télépathie, psychocinèse, ou tout autre mode d’expression, proviennent de son inconscient, quelles que soient les origines, la nature et les sources du contenu de celui-ci. Outre le contenu individuel de cet inconscient, vous imaginez six sources susceptibles de l’alimenter ou d’utiliser sa fonction personnelle comme canal de communication. Je les énumérerai, si vous le voulez bien, dans un ordre différent du vôtre pour aller du personnel à l’universel, du particulier au général, du relatif vers l’absolu :

— 1 : l’autohypnose ;

— 2 : l’effet quantique ;

— 3 : les êtres désincarnés ;

— 4 : l’inconscient collectif ;

— 5 : le soi supérieur ;

— 6 : Dieu, l’Esprit universel.

a) L’autohypnose

— E. E.-V. : L’autohypnose est une possibilité qui ne doit pas être négligée. David Spiegel, professeur à l’université de Stanford, a déclaré récemment sur une chaîne de télévision américaine[13] :

Ils [les channels] se mettent eux-mêmes en transe et donnent une représentation très vivante de ce à quoi cela pourrait ressembler. C’est donc un produit de l’imagination « joué » d’une façon intense […]. Je pense que ce qui le prouve, ce sont essentiellement les éléments spectaculaires d’une transe de médium […]. La brusque transformation physique, la modification du ton de la voix, le changement de langage, le passage radical des préoccupations quotidiennes à une sorte d’activité cosmique, globale – c’est quelque chose que l’on peut voir se produire [sous autohypnose]. Mais vous n’avez pas besoin d’invoquer les esprits.

Qu’en dites-vous ?

— H. L. : J’en dis qu’il faut d’abord se méfier du charlatanisme, de l’illusionnisme et d’un certain professionnalisme rémunérateur, qui consistent à se donner en spectacle, soit directement, soit à la télévision. J’ai vu suffisamment de scènes de ce genre pour savoir à quoi m’en tenir.

Cherchez dans votre dictionnaire la définition du mot hystérie : « névrose caractérisée par la traduction dans le langage du corps des conflits psychiques (manifestations de conversion) et par un type particulier de personnalité marquée par le théâtralisme, la dépendance et la manipulation de l’entourage ».

Vous comprendrez que même sans aller jusqu’à un degré de névrose vraiment pathologique, ce type de personnalité éminemment suggestible se prête à l’exploitation de ses tendances par autosuggestion, ou par autrui pratiquant sur elle la suggestion sous hypnose, avec des effets théâtraux spectaculaires. Je suppose que c’est ce qu’évoque le Pr David Spiegel. Inutile, en effet, d’invoquer les esprits ni même l’autohypnose pour produire ces spectacles, si intensément qu’ils soient « joués ». Invoque-t-on l’esprit d’un personnage, surtout s’il est fictif, interprété par une excellente actrice, et doit-elle se plonger en autohypnose pour obéir aux suggestions de son metteur en scène ?

En l’absence de tout contexte, la citation du Pr Spiegel me paraît susceptible d’engendrer des confusions entre le spectacle, les transes et les changements de personnalité, l’hystérie, la xénoglossie* et l’incorporation*, la médiumnité, la suggestion hypnotique et l’autohypnose.

Je pense qu’on pourrait définir l’autohypnose comme l’application à soi par soi de techniques qui permettent d’obtenir une transe hypnobleptique*, tirant du niveau de l’hypnose, sous-jacent à celui du sommeil, des informations ordinairement enfouies dans l’inconscient, pour les hisser au niveau pleinement conscient de la lucidité, sus-jacent à celui de l’état de veille.

Autosuggestion, répétition monotone d’une formule, concentration immobile, fixation d’un objet prégnant ou brillant ou d’un support de voyance sont des exemples, parmi d’autres, d’induction à l’autohypnose. Le plus classique est la fixation d’une boule de cristal pour développer la faculté de voyance visuelle dite de « double vue ».

b) L’effet quantique

— E. E.-V. : La physique quantique nous a appris que la conscience de l’observateur crée l’objet observé. Et s’il en était de même pour les sources ?

— H. L. : Après s’être cantonnée dans le postulat de l’objectivité de la nature cher à Jacques Monod, c’est par la physique que la science d’aujourd’hui s’est trouvée contrainte d’admettre la réalité d’interactions entre le monde des objets et la conscience des sujets. Il est donc admis désormais que l’observateur fait partie de l’observation et l’expérimentateur de l’expérience, de telle sorte que leur réflexion s’inscrit tout naturellement entre leur information et leur action. J’ai toujours réagi par un profond étonnement en entendant parler de sciences exactes et de sciences humaines, en raison de mon incapacité à concevoir la possibilité de sciences inexactes ou de sciences inhumaines.

À propos de sciences humaines, je préfère parler de sciences de l’Homme, en distinguant pour les unir, car elles sont indissociables, les sciences de la personne, de la société et de leur milieu (Larcher, 1978).

Le mot « personne » rappelle le masque par lequel passait le son de la voix des personnages du théâtre grec, résonnant comme un haut-parleur, et l’on dit d’un acteur doué d’une bonne diction qu’il parle « dans le masque ».

On peut alors se demander : que masque la personne ? Qui s’exprime à travers elle comme à travers un porte-voix ? La réponse est que c’est son inconscient, avec tout son contenu, quelle qu’en soit la diversité des sources, individuelles, sociales et universelles, de telle sorte que toute personne est, peu ou prou, canal médiatique de ce qui n’est pas elle. La prise de conscience de ce contenu ne le crée pas plus que l’image d’un objet sur ma rétine et son traitement par mon cortex visuel occipital ne créent cet objet, surtout si l’image n’est pas ressemblante.

C’est sur la ressemblance de l’image avec l’objet, qui fait de celle-ci une icône, que reposent d’une part le concept spéculatif de vérité et, d’autre part, le concept opératif d’efficacité, principe analogique de la modélisation, de la simulation et de toute magie mimétique.

Suivant ce principe, l’icône ou image ressemblante est liée à l’objet qu’elle représente comme les nombres le sont à leur représentation mentale chez le mathématicien, par un lien que Richard Dedekind appelait Abbildung (Dedekind, 2008). De même que la conscience, qui ne crée pas l’objet ex nihilo, le perçoit, le conçoit et peut le modifier, de même l’inconscient, qui ne crée pas son contenu ni les sources de celui-ci, peut, sans qu’il s’agisse nécessairement de pathologie, traverser le filtre bergsonien[14] pour les manifester, notamment sous les formes de clairvoyance, de télépathie et de psychocinèse.

c) Les êtres désincarnés

— E. E.-V. : Que pensez-vous de l’hypothèse « êtres désincarnés » ? Est-elle vraisemblable ?

— H. L . : Dans ce qui précède, je crois avoir déjà répondu à cette question. Mais, puisqu’elle est de nouveau posée, j’en profite pour insister sur certaines ambiguïtés sémantiques en commençant par rappeler la distinction grecque : soma, poukè, pneuma ; latine : corpus, anima, spiritus ; et française : corps, âme, esprit.

Lorsque le corps meurt, l’âme, qui en est la forme selon certains théologiens, est censée lui survivre, être immortelle puisqu’elle se montre dans les visions, les apparitions et autres manifestations médiumniques, ce qui suppose sa conservation en attendant sa transmigration dans un autre organisme vivant (métempsychose*), sa réincarnation dans un autre être humain, ou sa résurrection dans son propre corps métamorphosé (Larcher, 1990).

Dans la métempsychose et la réincarnation, la transmigration de l’âme suppose qu’elle n’est pas la forme du corps, tandis que, dans la résurrection, l’âme ne perd pas sa qualité de forme du corps, mais le transforme en corps glorieux.

Toutes les manifestations de survie de l’âme supposent qu’elle soit conservée hors du corps, comme dans une mémoire supérieure, comme une eidos, une idée platonicienne, dans le monde du pneuma, de l’Esprit.

Il est donc aisé d’admettre que ces âmes conservées par l’Esprit aient été elles-mêmes qualifiées d’esprits, ces esprits étant les images de l’Esprit dans ces âmes, c’est-à-dire leur principe de survie.

Malheureusement, le mot spiritisme* a été appliqué à des phénomènes d’ordre psychique ou animique, et le mot anglais spiritualism en conserve la connotation, tout à fait différente de ce que le français entend par « spiritualisme », et qui concerne la vie pneumatique ou spirituelle, cette partie de la psychologie religieuse où ce que sainte Thérèse d’Avila appelait la « fine pointe de l’âme » rencontre l’Esprit lorsqu’il vient l’inhabiter dans la vie mystique.

Les théologiens ne nient pas, bien au contraire, que les âmes des défunts vivent dans un au-delà qui échappe à nos catégories temporelles, ni que les vivants puissent prier pour elles ou les prier d’intercéder pour eux, dans une sorte d’inséparabilité supérieure, celle du Corps mystique uni dans l’amour par la communion des saints.

Mais ce genre de communication et de participation, fait de prière et de grâce, est d’un ordre spirituel plus élevé que celui des manifestations du type spirite, surtout lorsque, recherchées ou provoquées, celles-ci rappellent parfois les pratiques de la nécromancie*, pratiques interdites dans l’Ancien Testament (Vittrant, 1941) comme dans la théologie morale de l’Église catholique (cf. Saül et la nécromancienne d’Endor, Samuel, 28, 3-25).

d) L’inconscient collectif

— E. E.-V. : L’inconscient collectif. Là encore, il y a une interprétation intéressante à citer du philosophe Jean Houston (1986) :

Dans son dernier ouvrage, Freud dit que nous sommes une partie de l’unité, nous devons avoir accès à toutes les réponses à un niveau ou à un autre, et c’est ce que nous sommes, à notre époque, en train d’apprendre à faire, du moins je l’espère. Et tout ce que montre le phénomène médiumnique, ce sont des gens en train de vivre des avancées individuelles et collectives dans le lâcher-prise […]. Ce que Huxley appelait la valve cérébrale de réduction. [… Il y a] un mouvement de l’attention des états conscients vers des états plus profonds où sont accumulées d’énormes quantités d’information […]. J’ai envie de dire que la psyché est bien plus vaste que ce que nous imaginons et qu’elle est engagée à bien des niveaux dans une écologie de la conscience qui dépasse sa propre base locale.

L’information, la connaissance seraient donc accessibles, sous certaines conditions et à certaines personnes. Est-ce une explication valable ?

— H. L. : Le mot même d’univers indique que, dans sa structure, tout est un et tout est divers[15]. L’unité sans diversité ne serait qu’uniformité. La diversité sans unité ne serait que multiplicité. Quelles que soient ses diverses parties, ou monades*, toutes sont liées de telle sorte que chacune est la résultante, le miroir et le résumé de toutes les autres. Leibniz a bien vu cela dans sa monadologie. De nos jours, l’hologramme en offre une image.

Résultante, miroir et résumé du macrocosme, ce microcosme qu’est l’Homme intussusceptionne* et intègre ce tout dont il fait partie, grâce à son développement mental, ce qui faisait écrire à Pascal (1670) : « Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point. Par la pensée, je le comprends. » Et c’est à toutes les époques et partout que les Hommes se sont appliqués à apprendre pour comprendre.

Les souvenirs conscients et inconscients accumulés dans leurs mémoires individuelles sont inscrits dans la mémoire inconsciente de l’espèce qui leur est commune, et celle-ci dans la mémoire des êtres vivants de tous les règnes, récapitulés dans leur structure, qui rappelle par sa composition toute l’histoire du cosmos.

Face à ces fabuleuses mémoires inconscientes où se cachent les sources mystérieuses des révélations naturelles du passé, et grâce à leurs éléments, se construisent les imaginations qui tirent du futur et de tous ses possibles les visions et projets d’organisation de l’avenir et les prévisions inconscientes, sources naturelles des prophéties.

Engrammes du passé, programmes de l’avenir s’étagent ainsi à différents niveaux de profondeur, depuis le microcosme conscient jusqu’à l’inconscient macrocosmique, et depuis la conscience du présent jusqu’à l’éternité (Larcher, 1969).

Je suppose que la « valve cérébrale de réduction » d’Aldous Huxley (1954) correspond au « filtre » d’Henri Bergson. Il est nécessaire d’insister sur son utilité pour barrer la route à l’afflux des informations enfouies dans l’inconscient qui noierait notre conscience pragmatique dans son flot impétueux, à moins que celle-ci ne sombre dans ses abysses. Afflux et abysses incompatibles avec l’entretien de la vie terrestre et qui conduisent leurs victimes en psychiatrie ou au tombeau.

C’est pourquoi, de même que l’on ne pratique ni la spéléologie ni la plongée sous-marine sans précautions, équipements adéquats, entraînement éprouvé, de même on ne saurait, ni individuellement ni collectivement, lâcher prise dans une incompétente improvisation ou, pire, en se livrant à la criminelle exploitation pratiquée par certaines officines sectaires ou entreprises de déstabilisation et de guerre psychologique habiles à susciter l’hystérie collective. Après cette mise en garde indispensable, il est vrai que nous vivons actuellement une ère merveilleuse d’exploration, et qu’il est souhaitable d’ajouter aux découvertes des géonautes*, bathynautes* et cosmonautes le « supplément d’âme » de celles qui nous sont annoncées par les psychonautes*.

Ces explorateurs des profondeurs stratifiées de l’inconscient, que nous venons d’évoquer, doivent s’efforcer d’en rapporter les trésors enfouis jusqu’à la lumière de la conscience en observant les paliers des différents niveaux de vigilance et les règles de sécurité auxquelles se conformer pour transiter des uns aux autres (Larcher, 1981). De même que chaque cratère vomit en surface sa lave propre mais issue d’un magma commun à tous les volcans, de même chaque conscience exprime son discours personnel nourri d’un inconscient d’autant plus collectif qu’il percole davantage en fonction de sa profondeur, où tous communiquent et fusionnent.

Tout au fond, dans le noyau central, se trouve l’incandescente masse de l’information universelle qui justifie cette réflexion du Dr Eugène Osty)[16] (1923) : « Nous naviguons à la surface d’une intelligence immense. »

e) Le soi supérieur

— E. E.-V. : Le soi supérieur : pour illustrer cette hypothèse de source, j’aimerais citer Judith Skutch Whitson (1975) :

Pour moi, à ce point de ma propre acceptation/compréhension de [la médiumnité], je crois que c’est entièrement intérieur et que la part supérieure de notre savoir nous est donnée sous une forme qui nous la rend la plus acceptable […]. Pour moi, la médiumnité est la réceptivité d’une personne, sa capacité de suspendre son esprit critique et de laisser volontairement le Soi plus savant, qui est un avec le savoir éternel et illimité, transmettre son message sous toute forme possible.

J’ai envie de citer également un passage de la définition donnée par le philosophe grec Plotin (cité dans Price, 1987) :

Il y a dans chacun de nous un Homme supérieur […], un Homme plus entièrement de rang céleste, presque un dieu, reproduisant Dieu. Quand l’âme reprend son ascension, elle ne va pas vers quelque chose d’étranger, mais vers elle-même. Le soi ainsi élevé, nous sommes semblables au Suprême.

La source serait donc dans le channel, à un niveau inaccessible consciemment, mais présent dans chaque être humain ?

 

— H. L. : Si la psychanalyse nous a habitués à la topologie de l’inconscient, du préconscient et du conscient, et à l’exploration d’une psychologie « des profondeurs », il nous reste à concevoir, complémentairement, une psychologie « des hauteurs » pour placer au-dessus de la conscience un inconscient et un préconscient supérieurs, dont la topologie nous permette de situer la psychosynthèse* jusqu’à cette fine pointe de l’âme où se mire l’Esprit.

L’acceptation et la réceptivité prônées par Judith Skutch me rappellent deux vertus pratiquées par les mystiques, qui sont l’obéissance et la nolonté*, qui est le renoncement à la volonté personnelle.

De même que le médium se livre à des automatismes révélateurs de messages canalisés par son infraconscient*, de même le mystique se livre à une volonté supérieure à celle de sa conscience et canalisée par cette partie élevée de son inconscient que l’on pourrait appeler le surconscient*. Le moi s’efface pour faire place à ce que vous appelez le soi supérieur.

Un jour, la petite Thérèse Martin, qui deviendra Thérèse de Lisieux, voit un hypnotiseur de foire. Elle se fait expliquer que le sujet se trouve entièrement subordonné à sa volonté et qu’il obéit à ses suggestions. La nuit porte conseil, et le lendemain elle déclare qu’elle voudrait être hypnotisée par Dieu pour être entièrement soumise à la divine volonté !

La différence est que la nolonté est volontaire et réceptive à des suggestions et impulsions non automatiques mais qui élèvent l’âme en l’ouvrant, à la mesure de sa capacité de monade en évolution, à l’amour et à la connaissance universels. Cette capacité aspire à se dilater à l’infini, en découvrant cette image de l’Esprit qui se reflète dans la face supérieure du miroir à deux faces qu’est la psyché*, image qui est le lieu de la psychosynthèse.

Né en Égypte et disciple de l’École d’Alexandrie, Plotin a enseigné à Rome une philosophie notamment platonicienne et chrétienne. D’où la pensée que l’idée de l’Homme est en Dieu, que l’Homme a été créé à son image et à sa ressemblance et que, s’étant éloigné de cette ressemblance, il est appelé à la retrouver pour remonter à sa source en renonçant au « vieil Homme » pour devenir « Homme nouveau ».

Si, du point de vue de la nature, le microscosme est la résultante, le miroir et le résumé de tout ce qui n’est pas lui dans le macrocosme, du point de vue de la grâce il est le résultat de l’œuvre du Créateur, qui y mire son Esprit et dont il résume le Verbe. Si l’image devient ressemblante, c’est-à-dire icône, le microcosme devient microthéos*.

L’icône cachée en chaque Homme est présente dans son esprit comme une source vive. De l’instinct de conservation qui assure sa constance émerge la tendance à se dépasser. « The sky is the limit », disent les pilotes d’essai anglais.

Et dans le mystère de son intériorité, le surconscient* réplique que l’Homme est capax Dei, capable de Dieu.

f) Dieu et l’Esprit universel

— E. E.-V. : Dieu/Esprit universel. Cette hypothèse de source se rapproche sensiblement du concept du soi supérieur, à la différence près que l’émetteur se situerait à l’extérieur du channel, donc dans « l’autre monde ». Qu’en pensez-vous ?

— H. L. : J’en pense que cette question est de nature religieuse, théologique et mystique. Le fondement du concept de religion est la conscience de ce qui relie une partie à son tout. C’est dans ce sens que l’on peut parler de religions naturelles ou cosmiques, de religions humaines ou sociales, et de religions spirituelles.

Les religions spirituelles sont celles qui expriment les relations entre l’Homme et Dieu. C’est-à-dire que si le soi supérieur reçoit l’esprit, image de l’Esprit divin, ou Saint-Esprit, comme une icône sacrée, il y a tout naturellement tendance à relier cette icône à son objet en priant celui-ci de venir l’inhabiter.

Si Dieu répond à cette prière par la grâce, les théophanies*, les miracles, l’expérience mystique de ces actions permettra de concevoir que la présence divine est à la fois transcendante et immanente, que Dieu est en même temps distinct de la personne créée dont il est le créateur et présent dans son soi supérieur, habituellement appelé surconscient.

La prise de conscience unitive* fait dire aux mystiques hindous : Tat tvam asi, « Je suis Lui » lorsqu’ils s’identifient au divin, et à saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Lui qui vit en moi » (lettre de saint Paul apôtre aux Galates (2, 19-20).

D’une part, le Symbole des Apôtres* précise que le Saint-Esprit « a parlé par les prophètes ». D’autre part, il est fort possible que les théophanies et les miracles se réalisent parfois par le canal de médiateurs humains, comme les thaumaturges*.

De telle sorte que l’on peut considérer les mystiques comme des canaux de communication pneumato-psycho-somato-physique entre ce monde de l’immanence et l’autre, celui de la transcendance.

Les transes supérieures

— E. E.-V. : J’ai la nette impression que rien n’est simple, ni dans notre monde, ni dans l’autre ! Il me semble qu’il y a des plans successifs, donnant accès à une information croissante, donc à une augmentation de la capacité de comprendre. La clé semble bien être là, dans la connaissance. Cela rejoint d’ailleurs l’enseignement des personnes qui ont vécu une NDE : les seules vraies valeurs sont l’amour et la connaissance.

— H. L. : Tout est compliqué si l’on complique. Tout est simple si l’on simplifie. Il est vrai que, pour ce faire, on doit tailler des sentiers dans la jungle des possibles, surtout si la capacité de comprendre doit aller jusqu’à l’infini divin. C’est-à-dire, en termes de théologie chrétienne, jusqu’à cette plénitude de l’information infinie qu’est le plérôme*, jusqu’à la communication de ce plérôme qu’est le logos*, et jusqu’à sa toute-puissance d’action, seule capable de créer ex nihilo et de réaliser l’infiniment improbable, qui n’est pas impossible pour son omnipotence. Et comme le plérôme, le logos et l’omnipotence sont infinis, les trois ne font qu’un, comme les trois personnes de la Sainte Trinité, suivant la définition des ensembles infinis dans lesquels les parties sont isomorphes au tout.

Oui, l’augmentation de nos capacités passe par des niveaux successifs de vigilance, par lesquels transite la conscience lorsqu’elle les gravit, pour en ramener le contenu surconscient, souvent en passant par des modifications de l’état psychophysiologique.

C’est ainsi que sont décrits des étages dans le corps humain, comme les chakras le long desquels remonte l’énergie de la kundalini selon le yoga des ascètes de l’Inde, ou des métamères* systématisés selon l’anatomophysiologie de Baillarger et de John Hughlings Jackson (Alajouanine, 1960).

Ces neurologues ont décrit le fonctionnement hiérarchique du système cérébrospinal, dont chaque niveau maîtrise par inhibition ceux qui lui sont sous-jacents et se subordonne aux sus-jacents[17].

Les mystiques décrivent aussi des niveaux ou degrés de progression de l’âme, comme les barreaux de l’échelle de Jacob ou de celle de saint Jean Climaque, ou les demeures du château intérieur de sainte Thérèse d’Avila, ou les étapes du Chemin de la perfection, avec les voies purgative, illuminative et unitive.

Mais de même que l’exploration de la psychophysiologie des profondeurs, celle de la psychophysiologie des hauteurs est dangereuse. On ne peut pas s’y aventurer sans ascèse, c’est-à-dire sans entraînement. Ni, à l’instar des alpinistes de haute montagne, sans précautions ni guides expérimentés s’il y a lieu.

Il y a une relation de symétrie, d’opposition et de complémentarité entre les niveaux de vigilance infraconscients et les niveaux supraconscients, qui offre la possibilité de transes de bas en haut, comme la transe hypnobleptique qui relie l’hypnose à la lucidité (Larcher, 1981).

Plus grandes sont ces transes, plus haut peut monter la conscience, et la plus grande qui soit réversible est celle qui unit la biostase, ou vie suspendue, ou encore mort apparente, à cet état de conscience universel que Ramakrishna qualifiait de « vision océanique » et que le syndrome de Moody décrit comme la perception d’une lumière intelligente qui est tout amour. Expérience vécue aux approches de la mort, dont on revient souvent transformé. C’est peut-être ce qui inspira à saint Paul d’écrire aux Romains : « Offrez-vous à Dieu comme des vivants revenus de la mort » (Paul : Romains, 6, 13). Ce Dieu que l’Homme est invité à connaître, à aimer, à servir.

Les voies de la connaissance spirituelle

— E. E.-V. : Il y a un point qui me déplaît fortement. Si la connaissance et la réflexion semblent déterminer notre cheminement au moment de la séparation de la conscience du corps physique, en clair au moment de la mort, qu’en est-il des gens qui ne sont pas en position de se préparer, pour de multiples raisons d’ailleurs, qu’elles soient culturelles, sociales, psychologiques ou autres ? Nous sommes en plein élitisme intellectuel, sommes-nous vraiment sur la bonne voie ?

— H. L. : Nous ne sommes certainement pas sur la bonne voie si nous considérons le cheminement de la conscience au moment de la mort comme un processus intellectuel déterminé par la connaissance et la réflexion préalables.

La preuve en est que les phénomènes qui constituent le syndrome de Moody sont décrits aussi bien par des gens simples que par des savants, par des femmes que par des hommes, par des enfants (Morse, 1992) que par des personnes âgées.

On peut même penser que les voies de la connaissance spirituelle favorisent les humbles par rapport aux intellectuels, et que si les Rois mages savaient regarder les étoiles, ce sont les bergers qui furent informés par les anges.

Jésus montrait à ses disciples un petit enfant et leur disait : « Celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est celui-là qui est grand » (Luc : 9, 48.)

Enfin certains saints ont présenté de grands charismes alors qu’ils étaient peu lettrés et très humbles, comme saint Joseph de Cupertino ou le saint curé d’Ars.

Ceci dit, il n’y a pas lieu de sous-estimer le rôle de l’intellect et de la réflexion, ni l’importance de la raison par rapport à celui de la compréhension des ensembles et de leur symbolisation et par rapport à la valeur de l’intuition. Les fonctions de l’hémisphère cérébral gauche et celles de l’hémisphère cérébral droit sont complémentaires.

Notre sens de la morale et de la justice voudrait que tous les membres de notre communauté humaine puissent remplir les mêmes devoirs afin de jouir des mêmes droits. Aussi est-il déplaisant de constater que la réalité est souvent éloignée du principe qui voudrait que tous les Hommes soient égaux en droit. Il ne faudrait pas, pour autant, céder à l’idéologie égalitariste qui consiste à confondre l’égalité en droit avec une égalité de fait, qui n’existe pas dans la nature. Au contraire, nous avons vu que chaque monade est singulière dans un univers ou « tout est un, tout est divers », de telle sorte que l’unité de leur diversité se cache dans leur complémentarité.

Ici-bas, toute évolution, tout progrès est fondé sur la sélection d’élites véritables, comme on le voit sur le plan physique, sinon il n’y aurait pas de champions olympiques ; et sur le plan intellectuel, sinon à quoi bon les concours professionnels ?

Il y a un point qui me plaît fortement, c’est que la vie spirituelle ne se mesure pas à l’aune de nos capacités corporelles ni intellectuelles, mais à celle de la vraie connaissance et de l’amour infinis, agissant dans le Corps mystique pour que chacun soit en tous et tous en chacun, dans la Communion des saints.

États modifiés de conscience et niveaux de réalité

— E. E.-V. : J’aimerais aborder maintenant les états modifiés de conscience. Mais parlons d’abord un peu de la réalité, de ce qu’elle n’est pas, de ce qu’elle pourrait être ! La physique quantique a détruit les belles certitudes, et aujourd’hui, rien n’est plus très sûr ! La matière n’existe pas, elle est illusoire, puisqu’en fait elle est énergie. Et pourtant, l’arbre qui est devant moi existe, il a une consistance, une forme, une odeur. Il y a ce que l’on voit, mais il y a beaucoup plus que cela. Je peux être certaine que j’existe et pourtant ne pas croire en l’existence des fantômes. Mais en fait, qu’est-ce que j’en sais ? Selon le plan sur lequel je me trouve, je peux ne pas être en mesure de percevoir les autres réalités. Est-ce qu’elles sont inexistantes pour autant ? Ont-elles besoin de mon observation pour exister ?

— H. L. : Le mot latin res signifie « chose », et le mot « chose », qui vient du latin causa, désigne l’objet qui est la cause de notre perception, l’objet dont nous percevons l’image. Pour parler un peu de la réalité, vous avez raison de prendre prudemment un détour apophatique*. Vous faites comme saint Denys l’Aréopagite lorsqu’il disait tout ce que Dieu n’était pas.

On peut dire que l’image de l’objet que nous percevons n’est pas sa réalité : ni dans l’espace, puisqu’elle n’en présente qu’un aspect perspectif ; ni dans le temps, puisqu’un laps s’est écoulé pour que son impression me parvienne et que la sensation qui en résulte parvienne à mes centres perceptifs. Mais on peut dire aussi que cette réalité objective est d’un certain ordre, mais que l’image qui s’en forme sur ma rétine est une image réelle et que ma perception ne l’est pas moins ; de telle sorte qu’il pourrait y avoir trois ordres de réalité : celle de l’objet, celle de l’image et celle de cette relation effective entre les deux, que Richard Dedekind (2008) appelait Abbildung.

Une science exclusivement fondée sur le postulat de l’objectivité de la nature est rassurante en raison des certitudes auxquelles elle parvient en écartant, dans toute la mesure du possible, les déformations qui pourraient être dues à l’anthropomorphisme* primaire du sujet qui perçoit. En effet, une échelle colorimétrique est plus sûre, pour définir les couleurs que l’œil d’un daltonien. L’expérience et l’appareillage technique permettent, mieux que l’œil nu, d’étendre la vue vers les deux infinis avec le télescope et le microscope.

Enfin la répétabilité des expériences permet d’en confirmer la validité statistique et la fiabilité dans le temps.

Si la physique moderne révèle que l’observateur fait partie de l’observation et l’expérimentateur de l’expérience, elle ne paraît pas remettre en question l’objectivité de la nature, mais plutôt renouveler le problème de l’anthropomorphisme en montrant qu’il est impossible, sous prétexte d’objectivité, de faire abstraction du sujet. Elle ne fait que renforcer, compléter, agrandir le paradigme scientifique en étendant son champ aux interactions entre objets et sujets.

Ce faisant, elle ouvre la voie à un anthropomorphisme secondaire, revu et corrigé, qui est tout à fait réaliste. L’arbre que vous percevez en face de vous, d’autres et vous-même peuvent le percevoir sous d’autres angles de vue, à différentes distances, l’ont perçu ou le percevront. Sa réalité est aussi en lui à toutes les échelles d’observation et dans toute sa durée, du germe à la poussière, ou même à l’estomac des xylophages.

À vrai dire, cette réalité s’étend à toutes ses interactions avec toutes les autres monades, donc à l’image que vous percevez et à la mémoire que vous en conservez, de telle sorte que si son « moi » est dans votre jardin, son « soi » est dans l’univers, et l’image que vous avez de cet arbre, comme celle, très différente, qu’en forment les yeux à facettes de l’abeille, font partie de ce « soi » qui est sa réalité dans toute son extension et dans toute sa compréhension.

Votre certitude d’exister repose sur la ressemblance entre l’image que vous percevez de vous-même et son objet, qui est votre personne, et qui les identifie en disant : « Moi, je… ». Votre incertitude concernant l’existence des fantômes vous permet d’en douter ou d’y croire, ce qui est tout différent du savoir.

Mais lorsque se produisent la vision, l’apparition ou la matérialisation d’un fantôme, cette image subjective ou objectivée fait partie de la réalité de la personne qu’elle représente et sans laquelle elle ne pourrait pas exister. Notre vision, ainsi que celle de l’abeille, de l’astronome ou du microscopiste, offrent des images très différentes et complémentaires d’une même réalité objective.

De même, notre vision se colore en fonction des modifications éventuelles de notre état psychophysiologique, ce qui nous fait voir la vie en rose, tout en noir, ou « n’y voir que du bleu ». Si cette vision s’élargit du « moi » au soi supérieur, nous aurons d’autant plus de certitude de percevoir la réalité que l’image que nous en recevrons ressemblera davantage à son objet universel. Nous verrons alors qu’il contient toutes nos images, comme nous contenons la sienne. La monade universelle ne serait pas tout à fait la même si elle était privée de l’Abbildung de vos images en elle et de son image en vous.

Psychologie transpersonnelle et expansion de la conscience

— E. E.-V. : Parmi les états modifiés de conscience, il y a la « psychologie transpersonnelle », qui mérite que nous nous y attardions un instant. Pierre Weil (1988) la définit comme suit : « Ces états font sortir de la dimension de l’espace-temps habituelle perçue par nos cinq sens. C’est une expansion de la conscience, un vécu direct d’une réalité qui se rapproche beaucoup des concepts de la physique moderne. » Le but recherché est de sortir de l’illusion dualiste moi/l’univers et, dans une approche holistique, d’expérimenter la profonde unité de l’Homme avec le cosmos. L’évolution est lente et passe non pas par un concept théorique mais par l’expérimentation et le vécu personnels. Les transformations des personnes qui réussissent dans cette voie sont spectaculaires et se caractérisent entre autres par une lumière subjective, une élévation morale, une illumination intellectuelle, la perte de la crainte de la mort et par un sentiment d’immortalité. Serait-ce un moyen d’accéder à un état de conscience semblable à celui dont témoignent les expérienceurs*, mais sans passer par la mort clinique ?

— H. L. : Si ma mémoire est bonne, c’est de mes lectures de Leo Frobenius (1921) et de Roger Caillois (1988) que j’ai retenu l’idée suivant laquelle le monde des insectes réaliserait dans ses comportements effectifs ce qui gît dans notre conscience et dans notre inconscient sous forme de mythes, de rêves collectifs, voire de fantasmes. Il incarnerait dans l’imaginal ce qui reste chez nous imaginaire, dans son vécu somatique ce qui, chez nous, reste psychique, dans ses actes ce qui réside dans nos tendances.

Un million et demi de termites édifient ce qui, à leur échelle, est une montagne, avec ses deux faces orientées de manière à lui assurer un optimum de thermorégulation, ses souterrains disposés au mieux pour la ventilation, et des structures propres à maintenir l’humidité nécessaire au développement des cultures de champignons dont ils se nourrissent.

Chaque individu spécialisé se comporte exactement comme il doit le faire pour assurer la survie d’un ensemble qui dépasse de loin ses capacités physiques et mentales, mais dans lequel il s’inscrit harmonieusement pour contribuer à organiser des moyens en vue d’une fin, c’est-à-dire pour obéir à quelque chose ressemblant singulièrement à une intelligence collective qui voit dans l’espace et prévoit dans le temps, comme le feraient les cellules d’un même organisme. Par analogie avec les sociétés humaines, on peut comparer l’« intelligence » de la termitière, qui commande, organise et finalise les faits et gestes de sa population, à cet inconscient collectif où les infraconsciences et les supraconsciences personnelles trouvent leurs sources, d’autant plus communes qu’elles sont plus profondes ou plus hautes.

Dans la communauté humaine, tandis que l’information et la communication objectives se sont développées par médiatisation technique, à distance depuis le sémaphore jusqu’au satellite artificiel, et dans le temps depuis le manuscrit jusqu’à la médiathèque, des connaissances de plus en plus précises se font jour sur des modes transpersonnels d’information et de communication subjectifs et intersubjectifs qui demeurent normalement cachés dans l’inconscient.

L’information clairvoyante et les communications télépathiques font l’objet de perceptions improprement qualifiées d’« extra-sensorielles[18] » parce qu’elles n’empruntent pas les voies des sens extérieurs connus pour accéder au sensorium ou sens commun. Elles n’empruntent pas non plus de canaux électromagnétiques de communication entre agents et percipients (Vassiliev, 1963). Elles ne sont pas soumises aux contraintes de l’espace ni du temps tels que nous les percevons et paraissent, du point de vue psychologique, présenter une analogie ou une corrélation avec l’« inséparabilité » des physiciens.

Dans les relations que je peux vivre avec l’univers qui m’entoure et dont je suis une monade, je peux distinguer des instants privilégiés, dits de synchronicité* lorsque mes instances coïncident avec des circonstances.

La clairvoyance peut s’étendre depuis une cible objective ponctuelle jusqu’à cette perception universelle que l’on qualifie de « vision océanique[19] ».

La télépathie peut aller de la simple communication entre un agent et un percipient jusqu’à la relation avec ce que Stefan Ossowiecki appelait l’« esprit de toute l’humanité » (Geley, 1924).

Certes, ces expériences de vie transpersonnelles* qui intègrent et transcendent les dualités devraient élever l’âme et transformer les personnes.

Mais je crois exagéré de prétendre que c’est toujours le cas. Orgueil, volonté de puissance, lucre sont des tentations et des obstacles à l’évolution spirituelle. Tous les mystiques sont d’accord pour récuser la recherche de « pouvoirs ».

Les vraies transformations que vous évoquez sont plus d’ordre pneumatique que psychique. Si elles consistent à « tuer le vieil Homme » pour faire place à l’« Homme nouveau », il s’agit là d’une mort initiatique et symbolique vécue par ascèse spirituelle.

Il est vrai que ces transformations peuvent présenter des analogies avec celles que l’on constate chez les personnes qui sont passées par la grande transe de la mort fonctionnelle réversible, ou biostase, et les expériences les plus extrêmes du syndrome de Moody, comme la rencontre d’une vivante lumière d’amour.

— E. E.-V. : Les personnes qui ont accédé au niveau le plus élevé de la psychologie transpersonnelle développent des capacités telles que le diagnostic à distance des maladies, divers dons parapsychologiques ou le souvenir de leurs vies antérieures. On a constaté le déclenchement de ces mêmes phénomènes parapsychologiques chez de nombreuses personnes qui ont vécu une NDE. La ressemblance semble réelle, ont-ils accédé au même niveau de réalité, avec des conséquences identiques ?

— H. L. : À mon avis, le degré le plus élevé de la psychologie transpersonnelle est celui de la psychologie religieuse au contact de l’esprit, de l’immanence* et de la transcendance* de l’Esprit.

Mais tous les mystiques savent que l’Esprit souffle où il veut et que des dons charismatiques divers peuvent se manifester spontanément chez les personnes les plus simples et les plus humbles. Quant aux capacités qui se développent chez les personnes qui ont accédé à des niveaux plus ou moins élevés de la psychologie transpersonnelle, elles peuvent aussi se manifester spontanément chez des personnes, des familles, des sociétés favorables, ou à la suite d’épreuves comme la privation, la maladie ou le deuil.

De même que les dons charismatiques, les facultés paranormales sont diverses, mais de source unique. Le diagnostic à distance est un cas particulier de lucidité fait de clairvoyance, de télépathie et de télesthésie*, c’est-à-dire de télépathie somatisée au point que le percipient ressent, par compassion, les sensations et douleurs du patient.

Le souvenir des vies antérieures peut être spontané ou obtenu par régression du sujet soumis à une suggestion sans ou sous hypnose. La croyance en la théorie de la réincarnation fait interpréter ces vies antérieures comme étant celles mêmes du sujet qui s’y identifie, ce qu’elles peuvent suggérer en raison de points communs, mais sans que cela soit prouvé (Stevenson, 1985). Les expériences vécues aux approches de la mort, du fait même de l’épreuve qu’elles constituent, et surtout si elles s’accompagnent d’une récapitulation de la vie, d’un jugement particulier, et d’une prégnance spirituelle, sont de toute évidence favorables à l’émergence et à l’expression de facultés antérieurement latentes dans l’être humain, ou de dons charismatiques.

Rêve ordinaire et rêve lucide

— E. E.-V. : Parmi les états modifiés de conscience, il y a évidemment le rêve, qui fait partie de notre vie quotidienne. Que se passe-t-il quand nous rêvons ? Notre conscience est-elle endormie, ou au contraire plus active que pendant l’état de veille ?

— H. L. : Le rêve est indispensable à la vie quotidienne, puisque sa privation est plus dangereuse que celle de sommeil. Dans des conditions normales, nous rêvons pendant une vingtaine de minutes cinq fois par nuit de huit heures. Mais nous ne nous souvenons que de ceux de nos rêves qui sont interrompus par le réveil.

Quand nous rêvons, l’hypotonie musculaire est encore plus importante que pendant le sommeil, ce qui permet de considérer que, du point de vue moteur, ce niveau est plus profond que celui du sommeil. Mais l’opinion de Freud suivant laquelle il est moins profond peut se justifier de la part d’un psychanalyste du contenu des rêves, qui confirme d’ailleurs la physiologie en montrant que le rêve est un éveil, différent, certes, de l’éveil normal puisqu’il demeure normalement inconscient. Comme nous l’avons dit, les cartes de la conscience et de l’inconscient, des restes diurnes et des contenus nocturnes, sont rebattues pendant que la nuit porte conseil[20] et ce, probablement pendant cet éveil intérieur qui, pour cette raison, a été qualifié de « sommeil paradoxal ».

À titre d’hypothèse, qui reste à démontrer, j’imagine que le rêve pourrait résulter d’une réaction du dormeur afin de ne pas descendre au niveau de l’hypnose, qui le mettrait dans un état de dangereuse dépendance.

Pour lui échapper, il opérerait une transe à partir de ce niveau particulièrement riche en informations et communications transpersonnelles pour les ramener vers la surface, au niveau encore inconscient ou préconscient du sommeil, dont le réveil permet de prendre conscience (Larcher, 1986). Dans le rêve normal, le tonus musculaire n’est pas entièrement aboli puisque la motricité oculaire se réveille. Il arrive que celle de la phonation suive le mouvement et que le rêveur parle en dormant. C’est la somniloquie. Enfin la généralisation du réveil moteur réalise le somnambulisme, qui ressemble à celui des hypnotisés.

— E. E.-V. : J’aimerais également connaître votre opinion sur le rêve lucide. Je cite Pierre Weil (1988) :

Paul Brunton insiste beaucoup sur l’existence d’un pont situé entre le sommeil et l’état de veille qui, s’il est maîtrisé, conduit à l’état transpersonnel. On sait que les grands yogis arrivent à dormir tout en restant complètement conscients de ce qui se passe autour d’eux : ils affirment que pendant le sommeil nous sortons de notre corps et que nous entrons en contact avec n’importe quel point de l’univers ou en dehors de l’espace-temps. C’est là que chaque nuit nous irions chercher de nouvelles forces énergétiques. »

C’est étonnant, qu’en pensez-vous ?

— H. L. : J’en pense que c’est étonnant de parvenir à exprimer des intuitions intéressantes au moyen d’un langage dont les termes sont si peu définis que les concepts qu’ils voudraient cerner se mélangent dans une sorte de flou artistique qu’il n’est pas facile de commenter avec clarté.

Commençons par observer que le rêve du sommeil paradoxal n’est pas la seule sorte de rêve, puisqu’on le retrouve à l’état de veille dans la rêverie, nourrie de souvenirs et d’imagination comme chez l’enfant rêveur, dans le rêve éveillé dirigé de Caslant (1921), utilisé en psychothérapie[21], dans l’expression du désir qui rêve de ceci ou de cela, et dans la puissance imaginative des grands découvreurs que l’écrivain Arthur Koestler (1985) comparait à des somnambules. Christophe Colomb rêvait de rejoindre la Chine par l’ouest lorsqu’il accosta à Guarrahani.

De même que les niveaux de vigilance de la veille et du sommeil sont symétriques, contraires et complémentaires, de même le sont les niveaux de la lucidité et de l’hypnose. Nous avons déjà noté à propos de l’autohypnose (voir supra) cette transe de l’hypnose à la lucidité que les Grecs ont nommée hypnoblepsie.

Si mon hypothèse sur le niveau de vigilance de l’hypnose comme source du rêve se vérifiait, il deviendrait clair que la transe hypnobleptique, que Brunton (1953) qualifie de « pont », ne relie pas le sommeil à la veille, ce que fait la transe hypnopomique*, mais bien l’hypnose à la lucidité, permettant à ce niveau de prendre conscience de contenus transpersonnels* habituellement enfouis dans les profondeurs.

Permettez-moi de douter que l’on puisse à la fois dormir et rester complètement conscient de l’environnement. Si la marmotte en hibernation est brusquement tirée de son sommeil hivernal par l’approche d’un serpent, c’est parce qu’un foyer ponctuel d’hypervigilance demeure en elle, allumé comme une veilleuse et programmé pour sa survie. De même, plus nos états psychophysiologiques sont profonds, mieux sont focalisés nos systèmes d’alerte au sein d’un contenu universel. C’est ainsi qu’une mère est réveillée par le danger qui menace son bébé.

Reste à savoir comment les yogis peuvent affirmer que pendant le sommeil, nous sortons de notre corps. En sortons-nous, rêvons-nous que nous en sortons, ou interprétons-nous les informations objectives obtenues par le rêve clairvoyant ou lucide comme des preuves de « sorties » ? Allons-nous au contact de n’importe quel point de l’univers, ou bien l’information avec n’importe quel point de cet univers vient-elle à notre connaissance via l’inconscient ?

Les informations clairvoyantes et les communications télépathiques échappant aux contraintes de l’espace et du temps tels que nous les percevons, est-ce nous qui en sortons pour aller les chercher ?

Faut-il vraiment se déplacer hors de son corps pour aller chercher de nouvelles forces ?

Les forces « énergétiques » s’opposent-elles à la force d’inertie ?

Je crois plus simple de continuer à penser comme tout le monde que le sommeil est réparateur !

Les réponses aux questions ainsi posées ne sont pas faciles à donner, du fait qu’au niveau hypnotique, surtout s’il est à la source du rêve, la frontière du moi et du non-moi s’estompe et tend à devenir imperceptible.

La lévitation et les phénomènes mystiques

— E. E.-V. : Parlons maintenant de la lévitation, que le dictionnaire décrit comme ceci : « État d’un corps restant en équilibre au-dessus d’une surface grâce à une force compensant la pesanteur ». Ce phénomène a été maintes fois vérifié. Nous n’allons donc pas parler de son authenticité, mais de sa nature. J’ai lu un récit bouleversant, parlant de Jean l’Évangéliste, un des premiers disciples du Christ, qui en état de prière, de pleine communion et de concentration extrême sur l’objet de son adoration, flottait dans l’air, tendait son corps dans un élan involontaire vers son Dieu. Il y a d’innombrables cas de lévitation, je pense notamment à ceux, bien moins merveilleux, des personnes qui se produisent dans des spectacles de divertissement. Comment fonctionne la lévitation, et quelle est sa signification ?

— H. L. : Il y a chez l’Homme une tendance à s’élever, d’abord par ses propres forces, en escaladant les montagnes à ses risques et périls, sans but utilitaire, ce qui a valu aux alpinistes le qualificatif de « conquérants de l’inutile ». Samivel (1973), qui s’y connaissait, a fait remarquer qu’à l’alpinisme sportif répondait une topologie psychique, un « alpisme », qui pousse les ascètes à quitter les bas instincts pour exalter des sentiments élevés.

Enfin, il existe une topologie mystique, la montée du Carmel, conduisant vers la Jérusalem céleste pour rejoindre le Très-Haut.

Outre ses propres forces, trois voies s’offrent à l’Homme pour léviter, dans le sens de la définition de votre dictionnaire : la voie technique, la simulation du merveilleux, et le merveilleux.

Pour compenser la pesanteur, on peut utiliser le principe d’Archimède, la force d’un coussin d’air, du magnétisme, d’une montgolfière, d’un hélicoptère, ou celle qui détermine l’impesanteur des cosmonautes. Les illusionnistes utilisent la force de leviers plus ou moins habilement dissimulés, comme on peut, pour cinq roupies, s’en offrir le spectacle à la descente d’un autocar de tourisme en Inde.

Mais je suppose que la lévitation qui vous intéresse est celle, merveilleuse, du corps humain, puisque vous évoquez le cas, que j’ignorais, de l’apôtre saint Jean l’Évangéliste. Il n’est pas question de nier le phénomène, dont l’étude historique et critique a été approfondie par Olivier Leroy (1928) puis Herbert Thurston (1961).

Du point de vue physique, la lévitation se présente comme un cas particulier de la psychocinèse appliqué au corps humain, à ses vêtements et autres attributs, grâce à des forces qui peuvent compenser celles de la pesanteur terrestre. De fait, ces forces existent dans la nature. Ce sont celles, notamment, des attractions solaire et lunaire, qui déterminent le mouvement des marées. Qu’il s’agisse de forces gravitationnelles ou autres, le problème est de savoir comment elles peuvent être intussusceptionnées* et orientées par l’inconscient pour réaliser la lévitation.

Du point de vue psychique, on peut imaginer des hypothèses comme celle d’une sortie hors du corps, vers le haut par exaltation de l’âme, ou à distance comme dans la bilocation, mais au lieu que l’âme revienne ensuite vers le corps, ce serait le corps qui suivrait l’âme pendant son déplacement dans l’espace, forme de rêve dans laquelle l’imaginaire passerait à l’acte imaginal, le monde subjectif prenant la maîtrise du monde objectif.

Sur la signification spirituelle de la lévitation mystique, vous pourrez lire avec profit l’étude de M. Joachim Bouflet (1992, t. I, chapitre « La lévitation »).

Involontaire et inconsciente, cette lévitation paraît témoigner d’une élévation vers Dieu ou d’un déplacement vers les autres, dans lesquels l’extase le cède à l’enstase*.

L’hypnose et les transes inférieures

— E. E.-V. : J’aimerais aborder maintenant l’hypnose, qui est un état de sommeil artificiel provoqué par suggestion. Le sujet hypnotisé semble avoir accès à d’autres plans de réalités. Que se passe-t-il pendant l’hypnose ? Est-ce que les informations délivrées en état d’hypnose sont puisées uniquement dans l’inconscient du sujet, ou est-ce que cet état modifié de conscience donne réellement accès à d’autres plans de réalité ?

— H. L. : À mon avis, l’hypnose est un état de sommeil qui peut se produire spontanément et qui n’est donc pas nécessairement artificiel. Il est vrai que cet abaissement du niveau de vigilance peut être provoqué par diverses méthodes ou manœuvres, dont une des plus usuelles est la suggestion.

Comme d’autre part le sujet en hypnose devient extrêmement suggestible, on associe jusqu’à les confondre la suggestion et l’hypnose, bien qu’elles puissent exister l’une sans l’autre.

Sur le sujet en hypnose, je pense en avoir assez dit ici à propos de l’autohypnose, du rêve, et du rêve lucide (cf. supra). J’ajouterai cependant que la suggestibilité rend cet état psychophysiologique extrêmement instable et fait de lui le point de départ des inductions les plus diverses : à la catalepsie, au somnambulisme, au réveil, à l’hypnoblepsie… Quant au sujet hypnotisé, il est soumis non seulement aux suggestions conscientes de l’hypnotiseur, mais encore à celles qui lui parviennent de l’inconscient de celui-ci.

C’est ainsi que les somnambules hystériques présentent les symptômes attendus par les préjugés de leurs observateurs en vue de conforter leurs théories, cas d’école où l’observateur produit, à son insu, le phénomène. Jean-Martin Charcot en fit la cruelle expérience à la Salpêtrière.

Pendant l’hypnose, l’abaissement du niveau de vigilance paraît abolir la frontière entre le moi et le non-moi, de telle sorte que tout se passe comme si le sujet focalisait son attention sur une source suggestive dont il devient dépendant. Si cette source est la volonté, consciente ou inconsciente, d’un hypnotiseur, le sujet s’y trouve soumis dans toute la mesure où ne s’y opposent pas des censures morales préétablies. Par exemple, certains sujets peuvent répondre dans des langues étrangères qu’ils ignorent aux questions posées dans ces langues, connues de leurs interrogateurs, et c’est probablement ainsi que les ursulines de Loudun répondaient à leurs exorcistes (Huxley, 1953).

Ils peuvent aussi fournir, à la demande, des informations clairvoyantes et télépathiques reçues par leur inconscient mais dont eux-mêmes ne prennent pas conscience au réveil. Si cette source est universelle, ou divine comme le souhaitait Thérèse Martin enfant, l’information délivrée à travers l’inconscient des sujets qui s’y abreuvent peut atteindre les plus hauts niveaux.

Possession et incorporation

— E. E.-V. : Il faut parler également de la possession. Je cite la définition du Pr Klimo (1991) : « Occupation et contrôle spontanés et non désirés du corps d’une personne par un être non physique (en général) dépourvu d’évolution spirituelle ». Les cas de possession étaient nombreux dans le temps. Y en a-t-il encore de nos jours ? Si oui, je suppose qu’on les trouve dans les cliniques psychiatriques, traités en tant que malades mentaux ?

— H. L. : Lorsqu’un sujet hypnotisé « incorpore » momentanément une autre personnalité, cette occupation et ce contrôle ne sont pas spontanés, mais désirés par l’hypnotiseur. Lorsque le phénomène se produit spontanément, on peut supposer qu’il est désiré implicitement par l’inconscient de la personne qui consulte le sujet (Delzolliès, 1968). Dans ces deux cas, c’est momentanément que l’image, la représentation, la mimique d’une autre personne se substitue à la personnalité du sujet.

Mais lorsque l’occupation et le contrôle spontanés et indésirables se prolongent, on se trouve en présence de cas pathologiques d’aliénation (alienus : l’autre) mentale. Il appartient alors au médecin aliéniste d’établir le diagnostic différentiel entre obsession, dédoublement de personnalité ou personnalités multiples et possession. Dans le délire de possession, le malade se croit en proie à des forces surnaturelles. Dans la possession proprement dite, tout se passe comme si elles le parasitaient, l’infestaient, le hantaient. Enfin, si l’« indésirable » se manifeste sous forme d’impulsions agressives, nuisibles, malignes, on l’identifie à l’esprit malin, c’est à dire au Diable, en disant que le sujet est « possédé du démon » (Balducci, 1959).

Il suffit de lire le Nouveau Testament pour y trouver mention de cas de possession démoniaque. Par exemple dans l’Évangile de saint Luc, qui était médecin (Luc : 4, 33 ; 4, 41 ; 8, 2 ; 8, 27-38 ; 10, 17-19 ; 11 ; 14, 24-26). On y voit que la démonologie n’excluait nullement la neuropsychiatrie, puisqu’un démoniaque était épileptique (Luc : 9, 38-42).

Au xviie siècle eut lieu une épidémie de possessions, dont la plus célèbre est celle des ursulines de Loudun (Huxley, 1953). Leur supérieure, Jeanne des Anges, fut guérie par le jésuite Joseph Surin, précurseur des psychothérapeutes (Surin, 1966).

De nos jours ont été décrits des cas de possessions comme ceux d’Illfurt et de Phât Diem (Sutter et Gaquère, 1956). Dans la France d’aujourd’hui, les exorcistes, très prudents, commencent le plus souvent par demander l’avis de neuropsychiatres qualifiés, comme un de mes confrères qui était spécialisé en démonologie avant de prendre sa retraite.

Démonologie et surnaturel

— E. E.-V. : Dans notre tour d’horizon des phénomènes surnaturels, je pense que nous devons nous arrêter rapidement sur les sorcières, ces femmes qui étaient soupçonnées d’être en liaison avec le Diable et qui étaient sans doute simplement pourvues de dons parapsychologiques.

 

— H. L. : Tous les phénomènes que nous avons évoqués sont des phénomènes naturels, bien que sortant de l’ordinaire, à l’exception de ceux qui proviendraient d’interventions transcendantes (théophanies), grâces ou miracles.

Sorciers et sorcières présentent aux sociétés dont ils font partie des capacités de bien faire ou de nuire par des procédés ou rituels magiques. Ils ont souvent pour fonction de résoudre des problèmes et de régler des conflits que le groupe n’avait pas prévus.

Lorsqu’ils sont maléfiques ou redoutés comme tels, on les soupçonne et on les accuse d’être en relation avec des puissances démoniaques et d’avoir tiré leurs pouvoirs d’un pacte avec le Diable.

Au cours de l’histoire, la confusion entre la psukè et le pneuma, l’âme et l’esprit, les manifestations parapsychologiques et la mystique, ont fait attribuer certaines de ces manifestations à Dieu ou au Diable. Par exemple, en contrepoint du fait que les auditeurs des Apôtres aient compris leur discours, chacun dans sa propre langue, après la manifestation du Saint-Esprit à la Pentecôte, la xénoglossie, faculté de parler en langues inconnues du sujet, fut considérée par les exorcistes comme un signe de possession diabolique.

À la recherche consciencieuse de signes cliniques de sorcellerie diabolique, les enquêteurs qualifièrent les zones d’anesthésie cutanée, découvertes chez les hystériques, de sigillum diaboli (sceau du Diable).

Il est probable que des sectes satanistes prosélytes* et contagieuses s’assemblaient pour le Sabbat, le samedi à minuit, et que certaines sorcières s’y rendaient par sortie hors du corps, ce qui engendra de violentes réactions de défense de la société et de répression de la part des pouvoirs civils et religieux, comme ce fut le cas dans la terre de Luxeuil (Bavoux, 1956).

Nombre de jeunes filles et de femmes furent condamnées au bûcher ; et comme, d’autre part, les jeunes filles douées de charisme entraient le plus souvent au couvent, il en résulta un important appauvrissement de la transmission génétique de certaines prédispositions à l’émergence de facultés paranormales en Europe occidentale.

Un exemple historique de la confusion entre la parapsychologie, le Diable et le Bon Dieu est celui de Jeanne d’Arc, brûlée comme sorcière hérétique et relapse le 30 mai 1431, réhabilitée en 1450, béatifiée en 1909 et canonisée en 1920. On avait brûlé une sainte !

Conclusion : comprendre l’Homme et ses mystères

— E. E.-V. : Nous nous approchons de la fin de notre conversation, et je suis bien tentée de vous poser une question de fond. Je m’interroge de plus en plus sur l’opportunité de tout comprendre, tout analyser. C’est le propre de l’Homme d’essayer de comprendre, et c’est bien cette caractéristique- qui lui a permis d’accomplir les progrès et les exploits que nous connaissons. Cependant, toute explication, toute preuve scientifique supprime le mystère. Je reviens sur les états de lévitation de Jean l’Évangéliste, un exemple que je choisis parmi beaucoup d’autres. Que faut-il faire de ce récit ? Soit, on peut essayer de l’expliquer. Mais on peut également le prendre tel quel, comme un acte de foi étrange, défiant les lois de la physique, comme l’expression d’une ferveur sans limites, sans explication logique. En fait, qu’avons-nous à gagner à comprendre ?

— H. L. : Comme vous le dites, comprendre permet d’agir. Mais l’éthique, qui comprend les mœurs, la morale et le droit, ne garantit pas le bon usage de l’information et de sa puissance d’action.

Il convient donc de ne pas laisser le monopole de cet usage à des gens animés de volonté de puissance, avides de domination et mus par des intentions nuisibles. On doit se montrer capable de leur tenir tête et de déjouer leurs entreprises dans cet éternel combat que Matila Ghyka (1931) appelait « le duel des magiciens ».

Toute preuve scientifique supprime une interrogation au profit d’une connaissance, mais tout progrès de la connaissance ne fait qu’agrandir le mystère.

Libre à chacun de préférer croire avec son hémisphère cérébral droit, ou savoir avec le gauche, ou les deux ! Mais contrairement aux certitudes de la foi, vertu théologale, les incertitudes des croyances ne nous épargnent pas, loin de là, les embûches de la crédulité si bien exploitée par les charlatans.

À comprendre, nous avons à gagner une meilleure prévention de la superstition et de la crédulité. La raison est un garde-foi, si j’ose dire !

Comprendre, c’est prendre avec soi, en Soi. C’est dilater sa monade vers le soi supérieur et, au-delà, jusqu’à l’infini dans la Communion des saints.

Connaître, en absolu, c’est aimer dans la lumière de gloire.

— E. E.-V. : En guise de conclusion, j’aimerais vous demander de bien vouloir nous dire quelle relation vous voyez entre tous ces phénomènes que nous venons de commenter et les NDE.

— H. L. : La biostase, ou mort apparente, réversible, constitue le plus profond et le plus haut des états psychophysiologiques modifiés, soit avec syndrome de Moody, soit dans l’enstase* ou psychostase* ou mort extatique réversible des grands mystiques[22]. Les NDE ne sont donc qu’un cas particulier de transe, mais le plus ample avant celui, irréversible, de la syncope mortelle, qui est la transe du trépas ou passage à l’au-delà.

 

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Lexique

Animique : désigne les capacités latentes des êtres vivants d’interagir de façon « magique » avec leur environnement, en supposant en connexion dont « l’âme » serait le support. Il se distingue du spirituel, de la même manière que le champ du « psychique » est distinct du « pneumatique ».

Anthropomorphisme : doctrine qui conçoit la divinité à l’image de l’Homme.

Apophatique : approche fondée sur la négation.

Autoscopie différente : autoscopie spéculaire à laquelle se mêlent des composantes hallucinatoires.

Autoscopie spéculaire : perception de soi comme vu de l’extérieur.

Bathynaute : explorateur des profondeurs océaniques.

Bilocation : phénomène paranormal par lequel une même personne serait simultanément présente en deux endroits distincts.

Biocémèse : terme proposé par Jaulmes (1954) pour caractériser les états de « vie ralentie », qu’ils soient naturels ou artificiels.

Biostase : vie suspendue, arrêt fonctionnel complet mais réversible des fonctions vitales.

Catoptrique : relatif à la réflexion de la lumière. Ici, l’illusion catoptrique est une illusion d’optique qui fait prendre un reflet pour la source de la lumière.

Channel : synonyme de médium, mais avec des entités qui ne sont pas nécessairement des défunts.

Charismatisme : (théologie) ensemble de dons surnaturels que l’Esprit Saint confère à chaque croyant.

Chronopathie : par analogie avec la télépathie, une forme de sensibilité temporelle qui permet d’avoir accès de manière paranormale à des événements historiques.

clairaudience : acquisition paranormale d’information par une modalité auditive.

clairvoyance : acquisition paranormale d’information par une modalité visuelle.

Décorporation : ou expérience de hors corps, se définit par un vécu où le sujet ne perçoit plus son environnement à partir de la perspective habituelle de son corps.

Ectoplasme : forme visible qui serait émise parfois par le médium en état de transe.

Enstase : terme d’Éliade pour traduire samâdhi en l’opposant au terme extase* ; expérience où la perception se produit en même temps que la sensation, comme si le sujet percevait l’objet qu’il attend au moment précis où il est prêt à le percevoir.

Entropie : en thermodynamique, fonction définissant l’état de désordre d’un système, croissant lorsque celui-ci évolue vers un autre état de désordre accru. L’entropie augmente lors d’une transformation irréversible. Entropie négative = négentropie.

EVAM : expérience vécue aux approches de la mort. Synonyme : NDE.

Fantôme : image ou représentation fantastique d’une personne que l’on perçoit alors qu’elle n’est pas ici, maintenant, en chair et en os.

Géonaute : explorateur des surfaces terrestres.

Hagiologie : science des phénomènes ascétiques et mystiques. Elle comprend l’inédie, l’invulnérabilité, l’incombustibilité et les autres formes d’immunité, les guérisons paranormales, la lévitation, la bilocation, les manifestations à distance, les actions psychocinétiques sur le milieu extérieur, et la bioluminescence, etc.

Héautoscopie : perception de l’image de soi comme dans un miroir.

Hypnoblepsie : du grec : hypnos, sommeil, et blepsis, vue, transe qui mène de l’hypnose à la lucidité, souvent décrite comme un « somnambulisme lucide » car le sujet est parfaitement conscient et se souvient des images hallucinatoires qu’il peut percevoir en cet état.

Hypnopomique : transe du sommeil à l’état de veille.

Hypotonie : manque de tonus des muscles.

Illuminisme : courant de pensée philosophique et religieux initié au xviiie siècle en Europe et qui se fonde sur l’idée d’illumination, c’est-à-dire d’une inspiration intérieure par Dieu.

Immanence : désigne le caractère de ce qui a son principe en soi-même, par opposition à la transcendance, qui indique une cause extérieure et supérieure.

Incorporation : transe par laquelle le médium ou channel s’approprie des caractéristiques d’une entité.

Incubation : transe passant par le sommeil (par ex., s’endormir sur un problème mathématique et avoir la solution au réveil).

Infraconscient : le spectre de la conscience est présenté, depuis Myers, par un continuum comportant un seuil inférieur, en-dessous duquel les activités psychiques sont dites « subliminales » ou « infraconscientes », et un seuil supérieur, au-dessus duquel les activités psychiques sont dites « supraliminales » ou « surconscientes ».

Inséparabilité : propriété qui est souvent associée à l’intrication quantique, où deux éléments intriqués restent en continuité, en dépit de la distance et du temps qui les séparent, si bien qu’une intervention sur l’un des éléments modifiera le second comme s’ils ne constituaient qu’un seul et même système.

Intersubjectivité : vient caractériser les interactions entre des subjectivités et, par extension philosophique chez Kant, la façon dont la pensée d’autrui est prise en considération dans le jugement propre.

Intussusceptionner : du latin suscipere : amasser, cueillir, et intus : d’un mouvement qui porte vers l’intérieur de soi. Jousse utilise ce terme pour désigner l’action de recevoir en soi, globalement, l’empreinte gestuelle du milieu, de telle sorte qu’elle s’imprime dans la structure et dans la mémoire au point de défier l’oubli, grâce à l’élaboration de gestes transmissibles. À rapprocher de la transmission des caractères acquis de Lamarck.

Logos : dans la pensée grecque antique, le logos est au départ le discours parlé ou écrit. Par extension, il désigne le langage en tant qu’instrument de la raison.

Métapsychique : définie par Richet (1905) comme une branche avancée de la physiologie étudiant les « forces qui semblent intelligentes » et « les puissances inconnues latentes dans l’intelligence humaine ». Richet distingue la « métapsychique subjective », étude de la métagnomie (faculté paranormale de connaissance), de la « métapsychique objective », s’appliquant aux phénomènes d’ordre physique. Larcher (1975) définit la métapsychique comme la discipline au carrefour de la psychologie, de la psychopathologie et de la parapsychologie.

Métempsychose : transmigration des âmes d’un corps dans un autre.

Microthéos : idée notamment issue de la théologie chrétienne (Grégoire de Nysse) où Dieu, pour se faire univers, s’est fait Homme, d’où une correspondance entre l’humain et le divin.

Monade : dans le système de Leibniz, substance simple, active, indivisible, dont tous les êtres sont composés.

Monisme : système philosophique selon lequel il n’y a qu’une seule sorte de réalité : le monisme de Spinoza identifie Dieu à la nature. Les exemples plus simples sont les monismes matérialistes ou idéalistes, où une seule substance – la matière ou l’esprit, respectivement – rend compte de tout ce qui existe. Le monisme de Spinoza est plus complexe, car c’est un monisme à double aspect.

NDE : de l’anglais near death experience, expérience vécue aux approches de la mort. Synonyme : EVAM.

Nécromancie : art prétendu d’évoquer les morts pour connaître l’avenir.

Nolonté : renoncement à la volonté personnelle.

Parapsychologie : synonyme de métapsychique* et de psychotronique*, terme créé par Dessoir (1889) pour « caractériser toute une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques ». Elle se complète d’une « paraphysique » qui étudie des phénomènes objectifs paraissant échapper aux lois de la physique classique.

Percipient : synonyme de voyant ; terme employé principalement par l’école américaine de J. B. Rhine à partir d’un modèle implicite de « radio mentale » où la télépathie est un signal transmis mentalement par un agent à un récepteur.

Philosophia perennis : La philosophie éternelle ou philosophie pérenne désigne la croyance qu’une certaine philosophie ancienne, originaire d’Égypte ou de Grèce, forme une tradition une et permanente, au-delà d’apparentes oppositions ou évolutions.

Plérôme : à partir d’un terme grec qui signifie « plénitude », son usage est devenu « gnostique » pour exprimer une totalité intégrant des principes spirituels supérieurs.

pneumatique : Désigne le spirituel en ce qu’il s’oppose au psychique. La pneumatologie est la branche de la métaphysique classique de Malebranche, qui se propose d’étudier l’esprit et les choses spirituelles.

Prosélyte : autrefois, pour les Hébreux, païen qui avait embrassé la religion juive. Aujourd’hui, nouveau converti à une foi religieuse. Désigne toute personne gagnée à une opinion, à une doctrine.

Psychonaute : explorateur du psychisme.

Psychotronique : terme créé par l’ingénieur Fernand Clerc (1954) en tant que synonyme de métapsychique* et parapsychologie*. Il introduit particulièrement une dimension « énergétique » dans les phénomènes paranormaux allégués.

Psychocinèse : action supposée paranormale de l’esprit sur la matière inerte ou vivante (la graphie de ce terme suit les règles françaises dans la traduction du kappa grec).

Psychosynthèse : par opposition à une psychoanalyse qui démantèle les éléments constitutifs de la personnalité, la psychosynthèse vise une intégration de ces éléments autour d’un centre de référence, tel que le Soi. C’est également le nom donné à une approche psychologique par le Dr Roberto Assagioli, dans la lignée des travaux de Jung et en lien avec la psychologie transpersonnelle.

Psychopneumatique : dans le modèle triple de Larcher, si l’interface entre psyché et soma est bien repérée, il faut supposer deux autres interfaces : l’un entre soma et pneuma, l’autre entre psyché et pneuma, qui serait donc le psychopneumatique.

Psychosomatique : interface entre psyché et soma, permettant de penser des phénomènes somatiques aux répercussions psychiques et des phénomènes psychiques aux répercussions somatiques.

Revenant : fantôme qui véhicule des informations du passé, par opposition aux « fantômes de vivants », qui manifestent des informations sur une situation actuelle.

Scopochloralose : association de scopolamine et de chloralose pour induire une anesthésie également utile pour le diagnostic psychiatrique.

Scientiste : désigne la personne qui investit certaines idées ou hypothèses associées au champ scientifique comme de véritables croyances, dans un fonctionnement contraire à l’attitude scientifique.

Soi supérieur : voir Surconscient.

Spiritisme : désigne un courant historique d’intérêt à la fois religieux et scientifique pour l’interaction entre les vivants et les défunts. La vague de spiritualisme déferla aux États-Unis d’Amérique à partir de Hydesville en 1847 et vint frapper l’Europe quelques années plus tard, avant d’être codifiée sous le nom de spiritisme par le Dr Hyppolite Léon Denizard Rivail, alias Allan Kardec, qui fonda dès 1858 la Revue spirite.

Surconscient : forme de conscience au-delà du seuil supérieur de la conscience individuelle, intégrant notamment des phénomènes tels que l’inconscient collectif.

Synchronicité : expérience de coïncidence significative, renommée ainsi par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung.

Syndrome de Moody : ensemble des éléments identifiés par le philosophe et psychiatre Raymond Moody comme de potentiels invariants de la NDE : traversée du tunnel, vision d’une lumière, impression prégnante d’un amour infini…

Télesthésie : forme de télépathie dont le contenu n’est pas une pensée mais une sensation.

Thanatose : arrêt irréversible de la vie fonctionnelle, qui marque le début de la thanatomorphose.

Thaumaturge : personne qui fait ou prétend faire des miracles.

Théophanie : (théologie) apparition d’un dieu (reconnu comme tel). Naissance du Christ chez les pères de l’Église.

Transcendance : s’applique pour un domaine dont le principe explicatif est d’ordre extérieur et supérieur.

Transpersonnel : ce terme a été proposé par Carl Gustav Jung pour décrire certains aspects du surconscient qui débordent le champ de la psyché individuelle. Par extension, il recouvre aujourd’hui de nombreuses expériences subjectives étranges, notamment associées aux états non ordinaires de conscience.

transsubstanciation : phénomène surnaturel de conversion d’une substance en une autre (par ex., pour une partie des chrétiens, la conversion du pain et du vin en corps et sang du Christ lors de l’eucharistie, par l’opération du Saint Esprit).

Typtologie : dans le spiritisme, communication des esprits au moyen de coups frappés par des tables tournantes.

Unitive : l’une des trois étapes traditionnelles de la croissance de la vie mystique, avec la voie purgative (exercice ascétique) et illuminative (surgissement de la présence de Dieu). La voie unitive est celle d’une âme qui, sans illusion sur elle-même, sur sa propre valeur, ne s’attache plus qu’à Dieu, quitte à ne même plus en recevoir de bonheur.

Xénoglossie : en métapsychologie, phénomène par lequel un sujet s’exprime dans une langue qu’il ne connaît pas.

 

 

Table des matières

Note introductive

Par Renaud Évrard

Questions et réponses : Saint-Paul de Vence, 6 août 1992

Expériences de mort imminente et champ du paranormal
Le corps, l’esprit et l’âme
Fantômes, visions, apparitions et revenants
Les fantômes de vivants et la sortie du corps
Médiums, channels et médiateurs
Messages de l’au-delà
Comment s’expliquent ces phénomènes ?
  1. a) L’autohypnose
  2. b) L’effet quantique
  3. c) Les êtres désincarnés
  4. d) L’inconscient collectif
  5. e) Le soi supérieur
  6. f) Dieu et l’Esprit universel

Les transes supérieures

Les voies de la connaissance spirituelle

États modifiés de conscience et niveaux de réalité

Psychologie transpersonnelle et expansion de la conscience

Rêve ordinaire et rêve lucide

La lévitation et les phénomènes mystiques

L’hypnose et les transes inférieures

Possession et incorporation

Démonologie et surnaturel

Conclusion : comprendre l’Homme et ses mystères

Références

Lexique

[1] Depuis 1896 et les travaux du philosophe Victor Egger, une autre appellation est d’usage : expérience de mort imminente, ou EMI. Toutefois, cela n’enlève guère d’intérêt à la trouvaille de Larcher, qui correspond plus généralement à la catégorie des end-of-life experiences.

[2] Voir sur le « trépas » le dernier article publié de Larcher (2005 ; reproduit dans Larcher, 2013, chap. 5).

[3] Le Dr Larcher, en plus de ses fonctions bénévoles de rédacteur en chef de la Revue métapsychique de 1966 à 1990 et de directeur de l’Institut métapsychique international (IMI) de 1977 à 1995, répondait aux demandes d’information et d’aide en développant, de manière informelle, une clinique des expériences exceptionnelles (Évrard, 2014).

[4] Voir à ce sujet : Méheust, 2005 : Descartes était-il cartésien ? In : 100 mots pour comprendre la voyance. https://www.metapsychique.org/descartes-etait-il-cartesien/

[5] Il s’agit en réalité d’une citation apocryphe. Voir par ex. : https://www.histoire-en-citations.fr/citations/le-xxie-siecle-sera-spirituel-ou-ne-sera-pas

[6] L’expression anglaise « The stuff of the world is mind stuff » renvoie au vers de Shakespeare « We are such stuff / As dreams are made on » qui se traduit plutôt : « Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves ».

[7] Le terme « inhabitation » désigne le fait d’habiter en un autre, et s’emploie dans la théologie chrétienne pour dire, par exemple, que Dieu habite en l’âme humaine selon plusieurs modalités (présence, parole, souffle, etc.).

[8] Cette position se décale du néo-animisme vers lequel s’orientaient, à la même époque, certains chercheurs du Groupe d’études et de recherche en parapsychologie (Évrard, 2010).

[9] Même si ses travaux n’ont pas été remis en cause, le Dr Melvin Morse a vu sa licence médicale suspendue de 2012 à 2022, suite à sa condamnation pour des maltraitances graves sur sa belle-fille.

[10] L’expression « romans subliminaux » renvoie à un concept classique de la première psychiatrie dynamique, montrant la fonction mytho-poïétique de l’inconscient, c’est-à-dire sa capacité à générer des mythes, favorisée par des états non ordinaires de conscience (cf. par ex. Flournoy, 1900).

[11] Ces deux cas ont notamment été traités dans : Laurentin et Maheo, 1990 ; Boniface, 1966.

[12] Si l’analogie employée par ce médecin fait incursion dans la physique quantique, il ne faut pas négliger la proximité du Dr Larcher et de l’IMI avec des physiciens de premier plan, tels qu’Olivier Costa de Beauregard, qui parvenaient aux mêmes conclusions dans leur domaine de compétence.

[13] Nous ne sommes pas parvenus à identifier cette source.

[14] Bergson développe l’hypothèse d’un cerveau fonctionnant à l’égard de l’esprit à la manière d’un filtre dans Matière et mémoire (1896). Cette idée sera reprise et élaborée dans de nombreux modèles dualistes interactionnistes (Huxley, 1954 ; Jones et al., 2009).

[15] Larcher fait ici référence à l’expression de son maître Jacques Chevalier, lui-même élève de Bergson, tentant par cette formule de résumer une pensée de Blaise Pascal. Ce point fera ultérieurement l’objet d’une communication au 31e colloque de l’Alliance mondiale des religions en 1997 (Larcher, 1997 ; reproduit dans Larcher, 2013, chap. 10).

[16] Le Dr Eugène Osty (1874-1938) est l’illustre prédécesseur du Dr Larcher à la direction de l’Institut métapsychique international (Évrard, 2016, chap. 8).

[18] C’est la notion d’extra-sensory perception qui a été popularisée par l’école américaine autour du botaniste et parapsychologue Joseph Banks Rhine.

[19] Le prix Nobel de littérature Romain Rolland (1930) décrira cette contemplation des grands extatiques hindous, ce qui donnera lieu à un échange nourri avec Freud.

[20] Le Dr Larcher avait repris à son compte une méthode héritée du Dr Stéphen Chauvet, élève de Charles Richet : « Pour aborder l’étude de quelque sujet que ce soit, il fallait – me dit-il – commencer par une étude sémantique sans omettre la langue verte ni les expressions populaires, concrètes et si souvent chargées de sens. » (Entretien avec Bertrand Méheust, 1997, reproduit dans Larcher, 2013, chap. 3).

[21] Possible confusion ici, puisque c’est Robert Desoille, un ingénieur proche de l’IMI, qui développera à partir des travaux de Caslant et de la métapsychique cette forme d’application thérapeutique de l’imagination active.

[22] Le Dr Larcher fait référence à son modèle synthétisant 73 combinaisons de transe entre 9 niveaux de conscience (Larcher, 1981, reproduit dans Larcher, 2013, chap. 6).

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