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Biographie de Harvey J. Irwin

Biographie de Harvey J. Irwin

Bien que ma retraite officielle de l’Université de Nouvelle Angleterre, en Australie, ait limité dans une certaine mesure les opportunités pour moi d’entreprendre des recherches expérimentales, je continue à suivre l’évolution du secteur de la parapsychologie et à participer à des activités éditoriales et à d’autres aspects de la vie académique. En rédigeant cette courte autobiographie professionnelle, j’espère que mon intérêt continu pour la scène contemporaine et la perspective offerte par près de trente ans d’implication en parapsychologie pourra servir comme source potentielle de conseils pour quiconque est curieux d’avoir un aperçu de la vie d’un parapsychologue académique.


Harvey J. Irwin, Ph.DAu début des années 1960, j’ai obtenu mon premier diplôme en science, me spécialisant en psychologie à l’Université de Sydney. A la fin du lycée, ma première aspiration avait été de devenir professeur en mathématiques pour des étudiants du secondaire et donc mon inscription à l’université était centrée sur les sciences de base : mathématiques, physique et chimie. En première année d’université on exigeait quatre matières, aussi j’avais pensé compléter les trois sciences de base avec une unité en philosophie, puisque j’avais entrepris quelques lectures préliminaires dans cette discipline au cours de mes années de lycée. Au cours du trajet en train vers la session d’inscription, toutefois, des amis m’ont suggéré qu’un secteur d’études appelé « psychologie » pourrait m’être plus utile dans mes aspirations d’enseignement que ne le serait la philosophie. C’est ainsi qu’une conversation occasionnelle avec mes pairs devait avoir un impact décisif sur ma carrière future. Dès les premières semaines de cours, j’ai décidé que la psychologie constituait mon intérêt académique primordial et bien que j’aie terminé les autres cours en science et sois même devenu enseignant en mathématiques, profession que j’ai exercée pendant plusieurs années afin d’acquitter les obligations de ma bourse d’études, je suis allé, au début des années 1970, entreprendre des recherches doctorales au Département de Psychologie à l’Université de Nouvelle Angleterre (UNE) sur le sujet « comment les gens sont sélectivement attentifs à un aspect de leur expérience visuelle et ignorent apparemment les autres aspects ».

Déjà, vous devez vous demander comment la parapsychologie s’est manifestée au milieu de ces considérations. Durant mes premières années d’étude, je n’avais même jamais entendu parler de parapsychologie ; certainement le sujet de l’ESP n’avait jamais été abordé par aucun de mes professeurs ni dans aucune des lectures imposées à l’Université de Sydney. Au milieu des années 1970, toutefois, l’expérimentation avec des drogues psychédéliques par beaucoup de jeunes personnes (moi excepté toutefois) a conduit à ce qu’on a appelé « une explosion de conscience » et, dès lors, les états de conscience, y compris ceux des expériences mystiques et parapsychologiques, sont devenus l’objet d’un grand intérêt pour le public en général. En particulier aux Etats-Unis, un petit nombre de psychologues ont commencé à considérer ces expériences comme un objet de recherche légitime. Par hasard, tandis que je travaillais à l’UNE, j’ai découvert qu’un collègue, le Dr. Maurice Marsh, venait de terminer un Doctorat à l’Université de Rhodes en Afrique du Sud sur les perceptions extra-sensorielles et qu’il faisait occasionnellement des exposés sur la parapsychologie dans ses cours de psychopathologie. La confluence de ces événements m’a inspiré quelques réflexions sur la manière dont les expériences parapsychologiques pourraient s’intégrer aux approches psychologiques contemporaines de la cognition.
Puisant dans un modèle de la cognition humaine dérivé de ma recherche sur l’attention sélective, j’ai publié quelques articles théoriques et un livre sur la perception extra-sensorielle (ESP et psychokinèse ou PK) en rapport avec le système de traitement de l’information humain.

Par la suite, j’ai commencé une série d’expérimentations plutôt ambitieuses sur les aspects cognitifs du psi expérimental ; mais les tests psi par ordinateurs en vogue à ce moment me rebutaient (et sans aucun doute rebutaient aussi mes sujets d’expérience) parce qu’ils étaient fastidieux et abrutissants, de sorte que j’ai tourné mon attention vers l’étude de l’occurrence des expériences parapsychologiques dans la vie quotidienne et vers la nature de la croyance (ou de l’incrédulité) au paranormal.

Et qu’en est-il de mes croyances personnelles dans le paranormal ? Ceci constitue une source d’amusement intense pour certains de mes collègues parapsychologues, mais je me considère toujours agnostique à cet égard. De plus, il n’y a pas de réelle disparité entre mes réactions émotionnelles (intuitives) et intellectuelles (réflexives) envers le paranormal. En fait, je n’ai aucune croyance sur le paranormal induite par mes expériences parapsychologiques personnelles (ou celles des autres) mais, je suis plutôt content de fonder mes vues personnelles sur la base d’une évaluation approfondie des recherches expérimentales (voir mon Introduction à la Parapsychologie, cliquez ici).
Et malgré l’ingéniosité et le louable dévouement de nombreux parapsychologues pendant plusieurs décades, l’existence des processus paranormaux reste toujours matière à conjecture, me semble-t-il. Je n’endosse pas la rhétorique de mes collègues plus sceptiques qui rejettent les expériences psi en parlant d’une méthodologie irrémédiablement malsaine, mais je ne suis pas encore convaincu que les effets induits dans le laboratoire de parapsychologie sont nécessairement concluants pour l’existence des processus que nous appelons par exemple ESP ou PK. D’autres explications, telle que la notion jungienne de synchronicité, sont au moins aussi plausibles et jusqu’à ce que les parapsychologues puissent déterminer le mécanisme par lequel les informations psi sont transmises entre une source et l’expérimentateur, l’hypothèse psi restera une option théorique plutôt qu’un fait établi.

Etant donné mon agnosticisme, il reste à expliquer mon intérêt initial pour la parapsychologie. Je dirais peut-être par « Curiosité intellectuelle », mais une analyse plus approfondie devrait prendre en compte certains processus sous-jacents de ma personnalité. Conséquence de ma formation de base à l’Université de Sydney, j’ai une sensibilité permanente pour les causes psychodynamiques du comportement humain. Ainsi, je dois me demander si les expériences de mon enfance peuvent rendre suffisamment compte de mon intérêt parapsychologique.

Contrairement à certains parapsychologues, je n’ai pas eu une enfance marquée par des expériences parapsychologiques fréquentes et diverses. Je me souviens d’une seule expérience de sortie-hors-du-corps alors que j’avais environ dix ans. Un soir humide à Sydney je me suis tourné et retourné dans mon lit, essayant désespérément de m’endormir mais sans y arriver, quand soudain j’ai eu l’impression que mon moi conscient était localisé près du plafond au coin opposé de la chambre et regardant du haut vers mon corps sur le lit. J’ai ressenti un sentiment de surprise qu’une telle chose puisse se produire, et avec cette pensée, l’expérience s’est immédiatement terminée. A d’autres moments au cours de mon existence, j’ai rencontré occasionnellement des expériences apparemment extrasensorielles mais comme chacune d’entre elles pouvait aisément être rejetée comme coïncidence, elles n’ont certainement pas généré suffisamment d’excitation intellectuelle pour inspirer le cheminement d’une carrière. Enfant, mes parents m’encourageaient à assister à « l’Ecole du Dimanche » pour l’instruction religieuse à l’église de la Congrégation, et pendant un court moment dans l’adolescence, j’ai eu un intérêt pour la métaphysique, mais il n’y avait pas de courant religieux fondamentaliste ici qui aurait pu plus tard être converti en penchant pour le paranormal. Je suis heureux aussi de dire que mon enfance a été exempte de traumatismes et d’abus majeurs, facteur qui a été mis en relation par les chercheurs avec la croyance au paranormal. Parmi les caractéristiques expérimentales identifiées comme facteurs prédictifs d’une croyance au paranormal et à des expériences parapsychologiques, la seule chose avec laquelle je puisse personnellement m’identifier est une tendance au fantasme, et inutile de le dire, je voudrais rationaliser cette propension sous la forme d’une riche imagination plutôt que dans un mécanisme psychologique de défense (encore que je sois prêt à discuter ce point).

Quelles que soient les origines psychodynamiques de mon intérêt parapsychologique, elles ont dû être raisonnablement fortes pour maintenir mon implication en parapsychologie sur plus de trente ans. Etant donné la persistance de cet intérêt, recommanderais-je à quiconque de suivre mon exemple ? Pour des personnes disposant du niveau de compétence, de motivation et de détermination requis, je peux dire « oui », mais non sans exprimer certaines restrictions importantes.

Plusieurs parapsychologues académiques ont fait l’objet de discriminations dans leur travail parce que leur domaine de recherche a été jugé inacceptable ou embarrassant pour leurs collègues universitaires. Ces réactions négatives peuvent voir un impact sévère sur les perspectives des parapsychologues en termes de titularisation, promotion et financement de leurs recherches. Il y a eu des manifestations mineures de tels effets pendant ma propre carrière et même si elles ont été irritantes sur le moment, je crois rétrospectivement qu’elles ont eu peu d’impact sur ma carrière, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, au cours de ma carrière, je me suis engagé non seulement en recherche parapsychologique mais aussi dans une variété de projets psychologiques concernant des sujets comme les processus de cognition, la psychologie du deuil, la psychopathologie et le profiling criminel. Peut-être ceci a-t-il été un moyen de rassurer mes collègues en leur prouvant que je n’étais pas quelque sombre occultiste avec l’intention de déshonorer mon propre département universitaire et toute la psychologie en tant que science, bien que cet état de trêve relative se soit imposé graduellement sur une période de plusieurs années.

Deuxièmement, à aucun moment, je ne me suis fait l’avocat public d’une vision du monde paranormale ; « l’archétype du croisé » n’est simplement pas une facette de ma personnalité, et à plusieurs occasions, j’ai refusé des demandes de journalistes pour une interview ou pour des débats publics sur le paranormal. De toute façon, je n’ai jamais considéré le rôle du parapsychologue comme étant celui qui est implacablement à la poursuite de la « preuve » du paranormal. Au contraire, j’ai toujours pensé et me suis comporté comme un scientifique impartial, investigateur selon des voies scientifiques d’hypothèses concernant des phénomènes ostensiblement paranormaux. Sans doute, cette approche de la parapsychologie est insuffisante pour attirer les journalistes des mass media et les organisateurs des débats publics, mais je crois que cela a joué un rôle significatif dans ma survie académique. La seule tactique alternative qui puisse fonctionner ici semble être celle qui consiste à jouer le rôle d’un sceptique dogmatique ; cette position attire les éloges des collègues universitaires et également des journalistes. Bien que l’extrême scepticisme ne soit pas un rôle que j’aurais adopté en toute bonne conscience, d’autres universitaires en ont fait usage effectivement comme une justification de leurs intérêts parapsychologiques.

Un troisième facteur de ma survivance académique fut mon engagement intensif dans la recherche expérimentale pour des raisons de fascination personnelle. Ainsi, je n’étais pas motivé pour courir derrière les grandes bourses de recherche qui auraient transformé mon laboratoire en usine de recherche, dans laquelle les tâches lourdes auraient été accomplies par une armée de subordonnés industrieux. Les fonds relativement modestes alloués par l’université étaient généralement suffisants pour couvrir les frais de mes programmes de recherche, étant donné que j’étais préparé à faire moi-même une part importante du travail subalterne moi-même. Toutefois aujourd’hui, dans un environnement de recherche de plus en plus compétitif, réussir à attirer des crédits importants est généralement considéré comme un critère essentiel pour l’avancement de carrière.

Enfin, parce que l’UNE est située dans une petite ville rurale, loin des centres académiques nationaux et internationaux, j’ai probablement paru trop insignifiant pour devenir la cible principale d’une attaque provenant soit du mouvement sceptique ou de parapsychologues dont le programme parapsychologique différait du mien. Si j’avais travaillé à Sydney ou Melbourne, j’aurais pu devenir le centre d’un antagonisme plus important.

Embrasser une approche scientifique impartiale de la parapsychologie et maintenir un profil relativement bas ne peut pas garantir l’immunité par rapport à la discrimination professionnelle, mais si les considérations qui précèdent concordent bien avec le style de l’aspirant parapsychologue, je peux affirmer qu’il est possible de réussir une carrière éminemment satisfaisante avec des intérêts parapsychologiques associés à davantage encore d’intérêts dans le courant « mainstream ». Mes considérations évidemment sont basées presque entièrement sur l’expérience de la scène académique australienne, quelques facteurs différents peuvent s’appliquer à d’autres contextes. Des personnes dont les besoins, les valeurs et les personnalités contrastent fortement avec les miens peuvent aussi avoir besoin de tenir compte de ces caractéristiques. Néanmoins, j’espère que ce bref compte-rendu de ma propre carrière offre un peu de réconfort et d’inspiration.

Sélection bibliographique

Irwin, H. J. (2006). The psychology of paranormal belief (Parapsychological Monographs No. 20). New York: Parapsychology Foundation.

Irwin, H. J. & Watt C. (2007). An introduction to parapsychology (5th ed.). Jefferson, N.C.: McFarland.

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Irwin, H. J. (1985). Flight of mind: A psychological study of the out-of-body experience. Metuchen, N.J.: Scarecrow Press.

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