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William James et la métapsychique

William James et la métapsychique

William James a été activement mêlé à la recherche psychique, et cette dernière a été pour lui un moment très important dans la maturation de sa pensée.


Le philosophe américain fut l’homme des curiosités multiples; il explorait simultanément plusieurs voies sans trop se soucier de leur donner une cohérence artificielle et prématurée et c’est avec la métapsychique que ces voies se sont recoupées, et que l’oeuvre a cristallisé.

Psychologue, il est parvenu à la conviction, à travers ses propres travaux, que la conscience possède des dimensions qui excèdent notre expérience banale. Métaphysicien, il a construit une théorie de la vérité qui fait de cette dernière un outil pour accroître notre pouvoir sur le réel. Philosophe engagé dans une polémique contre Hegel, il en est venu à privilégier la singularité. Epistémologue, il affirme la primauté de l’expérience sur la théorie. Or ses recherches psychiques se trouvent au confluent de ces thèmes.

James s’en est lui-même expliqué dans une conférence donnée à la S.P.R. anglaise le 31 janvier 1894, à propos des expériences qu’il a menées avec Eleonor Piper, la célèbre médium américaine . Etudier un médium de cette trempe, c’est entrevoir une réalité psychique qui déborde notre conscience banale. C’est faire prévaloir les faits, aussi étranges soient-ils, sur les affirmations classiques d’impossibilité. C’est faire prévaloir la singularité individuelle sur les régularités de la nature. C’est encore proclamer que la théorie du subliminal proposée par Myers, aussi étrange soit-elle pour le sens commun occidental, doit être préférée aux modèles scientistes, si elle colle mieux aux faits, à la manière d’un costume taillé sur mesure, et si elle permet ainsi une meilleure emprise sur ce « canton de la nature ». Enfin, tenir pour réels les faits présentés par Eleonor Piper, c’est s’interroger sur la possibilité d’une survie possible, où du moins replacer la conscience humaine dans « une conscience-mère » qui l’enveloppe comme un cristal; en bref, c’est redonner à l’existence des enjeux dramatiques que le scientisme avait évacués. Ce dernier point est important car selon James, l’efficacité d’une théorie est loin de se limiter à la sphère concrète. En résumé les études psychiques sont pour James une mise à l’épreuve décisive des thèses pragmatistes.

Que James ait eu raison ou tort de confier cette importance à la métapsychique, ce n’est pas le lieu d’en décider: il nous suffira de remarquer que tout cet aspect de sa pensée est évacué aujourd’hui et que le nouveau pragmatisme, avec Rorty notamment, est parfois aux antipodes de telles orientations. Rorty, dira-t-on, a nettoyé la pensée de James des mythologies du siècle dernier. Il se peut. Mais si, comme l’affirmait l’auteur du Pragmatisme, la richesse d’une idée se mesure en grande partie à sa capacité de construire l’expérience, à sa vertu dynamique, alors l’engagement métapsychique de James se révèle autrement plus tonique que le scepticisme avachi de Rorty. Mais il en est de James comme de Bergson: sans doute est-ce là le retraitement que devait subir l’ancien pragmatisme pour pouvoir effectuer un retour en cette fin de siècle désabusée.

Cet article est un extrait du livre de Bertrand Meheust : « 100 mots pour comprendre la voyance« .