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Psi et intentionalité – Les bases de la parapsychologie (François FAVRE)

Psi et intentionalité – Les bases de la parapsychologie (François FAVRE)

Conférence de François Favre, le 17 décembre 2004

Le but de cette conférence n’est pas de traiter des rapports entre psi et intentionnalité d’un point de vue strictement philosophique (au sens universitaire). Il s’agira, très basiquement, de savoir de quoi traite la parapsychologie. Ce qui peut paraître à la plupart d’entre vous évident et sans intérêt. Parce que vous croyez le savoir. Or je prétends non seulement que le grand public ne le sait pas mais aussi, ce qui est beaucoup plus grave, que les parapsychologues eux-mêmes ne le savent pas.

Sommaire de l’exposé :

Introduction

1. DÉFINITIONS ET TAXINOMIE RHINIENNES
2. INTENTIONNALITÉ ET SIGNIFICATION
3. CRITIQUE DE LA NOTION D’ESP
4. CRITIQUE DE LA NOTION DE PK
5. COMMUNICATION ET COMMUNION
6. LES NOTIONS D’AGENT, DE PERCIPIENT ET DE CIBLE
7. L’HYPOTHÈSE DU FILTRE ET LES PARADOXES DU PSI
8. SCIENCES DE L’ESPRIT, CRÉATIVITÉ ET HISTOIRES
9. LA LOGIQUE A UTILISER
10. LA TRANSMISSION DE SIGNIFIES
11. EFFET D’EXPÉRIMENTATEUR ET RITUELS

Conclusion

Introduction

Le but de cette conférence n’est pas de traiter des rapports entre psi et intentionnalité d’un point de vue strictement philosophique (au sens universitaire). Il s’agira, très basiquement, de savoir de quoi traite la parapsychologie. Ce qui peut paraître à la plupart d’entre vous évident et sans intérêt. Parce que vous croyez le savoir. Or je prétends non seulement que le grand public ne le sait pas mais aussi, ce qui est beaucoup plus grave, que les parapsychologues eux-mêmes ne le savent pas. Et que si la parapsy patine depuis 50 ans, c’est que la définition du domaine étudié est erronée et que les termes utilisés impliquent des interprétations fausses. Ce qui conduit à des impasses expérimentales et à une impuissance théorique complète. Le premier responsable de cet état de fait est à mon avis Rhine, le fondateur de la parapsychologie quantitative, auquel presque tous les chercheurs actuels se réfèrent.

1. DÉFINITIONS ET TAXINOMIE RHINIENNES

a• Qu’étudie la parapsychologie ?

b• Taxinomie

c• Le cône d’espace-temps

A • La parapsychologie étudie des phénomènes rares qu’on appelle paranormaux ou psi. Ces phénomènes relèvent d’un transfert d’informations – voire d’un mode de communication – inconnu. Parmi ces phénomènes, les plus fréquents sont des effets mentaux, qu’on appelle « perceptions extra-sensorielles » ou ESP, et des effets physiques, appelés effets PK et dus à des « télékinésies » (c’est-à-dire mouvements à distance) ou, plus largement, des « psychocinèses » (PK en abrégé).

B • Taxinomie de l’école rhinienne :

ESP : on parle de « percipient » ESP. Le classement est effectué selon le temps (pré-, per- ou postcognition), le type d’espace visé (spirituel :
télépathie ou physique : clairvoyance) et l’agent (soi-même ou autrui : auto-ESP ou hétéro- ESP).

2° PK : mêmes principes. On parle d’agent PK. Classement des effets PK selon le temps (effet instantané, effet dans le passé ou rétro- PK, effet dans le futur ou post- PK), le type d’espace visé (physique ou spirituel : exécution inconsciente d’un ordre) et la cible (sur soi ou autrui). On parle d’effet bio-PK quand la cible physique est vivante.

C • Pour fixer les idées, on peut représenter simplement ces différents types rhiniens d’événements psi dans le cadre physique usuel d’un
cône d’espace-temps à deux dimensions. Le temps y est considéré comme réel et notre déplacement du passé vers le futur jugé donc illusoire. Vous remarquerez que certains seulement de ces types contredisent le principe scientifique de causalité, selon lequel une cause précède nécessairement ses effets du fait de la vitesse limite de la lumière.

2. INTENTIONNALITÉ ET SIGNIFICATION

a• La métaphysique occidentale

b• Coïncidence significative

c• L’anti-causalité

d• La notion de déterminisme

e• Existence et temps

f• L’intentionnalité aveugle

g• Un schéma de la signification

A • En général, la métaphysique occidentale prétend traiter de l’esprit indépendamment du sujet concret et seulement du point de vue de la connaissance, de la « conscience ». L’intentionnalité est traitée comme un référentiel abstrait. Le sujet ne saurait contacter un autre sujet que par l’intermédiaire du monde objectif. La notion de complexification historique, évidente à tous les niveaux (du cosmos à l’homme), n’est jamais abordée dans sa totalité. Enfin, le temps est considéré comme une réalité indépendante de l’homme. Je considère cette approche intellectualiste, admise implicitement par la plupart des
parapsychologues, comme inepte. C’est d’abord moi qui existe. Ce moi purement affectif se différencie ensuite en élaborant la notion d’esprit parallèlement à celle de corps ; la distinction entre pensée et matière vient plus tard ; et le concept d’irréversibilité, créatrice et destructrice, vient encore après. C’est de ce dernier concept, le plus général, qu’il faut à mon avis partir pour rendre compte de l’affectivité originelle. Par ailleurs, le primat de la conscience – en philo comme en sciences – évacue ipso facto l’imaginaire, la vie onirique et la volonté pure. J’entends donc l’intentionnalité dans un sens purement personnaliste. Elle est non seulement l’objet même de la psychologie (sans laquelle aucune science humaine, aucune philosophie n’a le moindre équilibre et le moindre repère) mais, bien plus largement, celui d’une science, biologique et éthique, de l’existence, autrement dit d’une science des métaphysiques animistes. C’est à ce niveau que j’estime devoir se situer la parapsychologie. Ce terme est d’ailleurs désastreux, tout comme celui – parfois utilisé – de paraphysique. Celui de psilogie, proposé entre autres par Guy Béney, conviendrait beaucoup mieux. Au moins dans un premier temps.

B • Une table qui lévite de façon inexplicable, est-ce un phénomène psi ? Pas du tout. C’est un phénomène paranormal, c’est-à-dire bizarre, apparemment inexplicable. Ce qui est psi, c’est une corrélation prouvée entre une intention de faire bouger telle table à distance et le fait que cette table bouge (« télékinésie »). Ou encore, c’est une corrélation prouvée entre un fait physique et sa représentation à distance (« clairvoyance »). Vous voyez donc par ces deux exemples 1° que le psi est une coïncidence significative, une signification et non un fait objectif ou subjectif ; 2° que les termes
paranormal et psi ne sont pas équivalents.

C • Cette coïncidence significative n’est pas « a-causale », comme l’affirmait Jung, mais anti-causale. Le principe de causalité (sur lequel repose toute la physique, elle-même paradigme de la science) stipule qu’une cause aveugle engendre des effets postérieurs prévisibles. Or le psi n’est pas aveugle mais intentionnel et viole volontairement le principe de causalité. Il se produit quelque chose de physiquement impossible. Autrement dit, le psi relève du principe de finalité propre, d’un déterminisme « lucide », caractéristique de l’activité mentale. Pour penser, il faut être libre, affranchi de toute contrainte extérieure. Le propre de la pensée, c’est la créativité. Mais, bien sûr, pour concevoir ou imaginer, il faut se donner des contraintes intérieures, se plier à des règles. Ces contraintes-là ne se réduisent pas à la raison classique. Quelqu’un qui pense seulement logiquement (qui déduit à la manière dont une cause engendre des effets) n’est pas un être pensant : c’est une machine, un ordinateur. Ce qui ne veut pas du tout dire que les logiciens, les mathématiciens et les physiciens qui font de la recherche fondamentale soient des imbéciles. Bien au contraire. Pour décrire les mécanismes de la déduction et de la causalité, pour élaborer des axiomatiques, pour prouver, pour trouver, il faut être extrêmement créatif.

D • Une autre erreur est de dire que les phénomènes psi violent apparemment le principe de causalité, mais qu’en dernière analyse ils en relèveraient. C’est une définition du paranormal (non intentionnel), des « prodiges », des coïncidences fortuites, pas du psi (intentionnel par définition). L’idée est pourtant très répandue, même parmi les parapsychologues, que le psi relèverait d’une énergie physique inconnue. Il ne faut pas confondre à ce propos déterminisme et causalité. Le déterminisme a une face causale et une face finale. Une cause détermine a priori, aveuglément divers effets ; il y a divergence et prédictibilité. Tandis que la finalité consiste à faire converger volontairement diverses causes vers un seul effet ; les moyens sont déterminés par une fin ultérieure ; autrement dit, le déterminisme temporel est inverse. Il y a toujours imprédictibilité pour un tiers observateur. La finalité ne peut être prouvée qu’après coup, par rétrodiction. Une chaîne linéaire causale est une succession de causes et d’effets (que le physicien caractérise par une perte et un gain d’énergie) ; elle renvoie à une Cause première. Une chaîne finale est une succession de moyens et de fins, qui renvoie à une Fin dernière. Soit un objet qui éclate en morceaux. L’inverse est possible mais très improbable. Vous pouvez artificiellement recoller les morceaux. Mais la reconstitution sera imparfaite parce que les effets ont été beaucoup trop nombreux (des milliards de milliards si on tient compte du frottement de l’air). Une reconstitution fortuite, « naturelle », est encore plus improbable. Si vous avez bien compris ça, vous avez compris la moitié de la « psilogie ». Malheureusement, l’autre moitié est beaucoup plus compliquée, parce qu’elle rentre dans les détails et exige un déterminisme dialectisant causalité aveugle et finalité propre, c’est-à-dire un déterminisme circulaire.

E • Une signification ne peut pas faire l’unanimité. C’est une conviction personnelle. Sauf la signification que constitue l’existence. On peut très bien rejeter tous les témoignages de cas psi spontanés ou expérimentaux. On ne peut pas nier sa propre existence psychosomatique, le fait qu’on soit l’association de causalité aveugle et de finalité propre. L’objet de la psilogie n’est pas de convaincre les sceptiques, encore moins d’instrumentaliser le psi ; il est de faire de la relation pensée/matière une science. Ce qui la place d’emblée à un niveau métaphysique et biologique. Le temps de la physique est posé comme réel, essentiel (« déployé de toute éternité ») puisque cette discipline exclut par principe toute étude de l’intentionnalité propre. Une représentation psychologique – existentielle -exige au contraire que le temps soit imaginaire, sans quoi il n’y aurait plus de libre arbitre : le réel ne peut être qu’actuel (ici et maintenant).

F • L’intentionnalité aveugle. Un problème qui a été beaucoup discuté au Gerp (l’association dont je fais partie) mais peu ailleurs est de savoir si l’on a le droit de parler de « sujet psi ». Les phénomènes n’étant pas reproductibles, peut-être fait-il psi comme il pleut, qu’on est médium malgré soi. On retombe alors sur la notion d’a-causalité chère à Jung. Ce psychanalyste, bien que sujet psi de génie, estimait qu’il n’était pas le déterminant de tels événements. C’est une option, mais elle n’est pas scientifique. Le scientifique fait le pari que tout est descriptible en termes de déterminisme ; le « psilogue », que tout est descriptible en termes d’interaction causalité/finalité. Autrement dit, il y a des tenants du transcendantalisme, du mystère irréductible du psi ; au Gerp, c’étaient des monistes durs (spiritualistes ou matérialistes) et des agnostiques (pour qui le Hasard est essentiel). Un parapsychologue qui prétend faire de la science doit poser que les facteurs du psi relèvent nécessairement de notre monde, qu’ils sont immanents. Position qui n’a rien de gratuit : 1° l’intentionnalité repérable est incluse dans la définition du psi et 2° la démarche scientifique aussi bien que la démarche philosophique exigent à la fois que le
sujet psi existe (sans psi, pas de créativité, pas d’évolution, pas de vie, pas de moi et donc pas de monde du tout) et qu’aucun sujet transcendant n’existe (je n’existerais pas sinon).

G • Pour faciliter l’exposé, voici un schéma plausible de la notion de signification, que j’appelle circuit psi.

Le circuit psi

Il sera explicité au fur et à mesure. Pour l’instant, considérez d’abord le processus, qui se clôt sur lui-même. Par exemple : projet rationnel/représentation/moyens mis en œuvre/résultat. Mais ce processus peut commencer n’importe où : on peut par exemple agir inconsciemment et rationaliser ensuite. Par ailleurs, beaucoup de significations ont un caractère répétitif : manger supprime la faim, mais on ne mange pas une fois pour toutes. D’autre part, le circuit psi peut se lire à diverses échelles, temporelles ou spatiales. Par exemple comme un cycle nycthéméral, annuel ou intracorporel ; comme le Moi d’un groupe ou d’une société, d’un personnage onirique ou d’un mythe, d’une espèce, etc. Enfin, ce schéma est indexé sur la physique moderne, « quanto-relativiste » ; pour l’instant, je veux seulement vous signaler que la physique classique et son principe de causalité ne s’appliquent qu’au premier quadrant, celui de la réalité observable. Si je vous présente ce circuit psi, c’est qu’on ne démolit bien que ce qu’on remplace. Ce modèle élémentaire prend en compte toutes les objections que je ferai au fur et à mesure à la parapsy orthodoxe et prétend en être une solution simple et cohérente.

3. CRITIQUE DE LA NOTION D’ESP

a• Critique du terme

b• Critique de la classification

c• La question du souvenir

d• Conclusion

A • Critique du terme. La notion de perception extra-sensorielle est une interprétation a priori, et qui s’avère fausse, du processus de connaissance psi. Le terme est même absurde : il ne peut y avoir, par définition, de perception sans sensation. Toutes les prétendues
ESP peuvent se produire spontanément en rêve, c’est-à-dire en état de « veille endormie », inconsciemment. Il faut même rêver, nager en pleine fiction pour croire possibles des ESP (impossibles par nature). Autrement dit, le processus de connaissance psi est l’inverse strict d’une ESP : il est sensoriel et projectif (non réceptif). Je propose le terme de percipience, tiré de percipient. Par rapport au corps, la percipience est un ensemble de sensations non perceptives et même anti-perceptives (l’influx nerveux va du cerveau aux organes sensoriels [1]) ; c’est une « projection viscérale », un désir [quadrant III du circuit psi]. Par rapport au Moi (qui alterne les régimes réel et imaginaire), la perception et la percipience (c’est-à-dire la représentation, a priori fictive) ont en commun d’être centripètes ; mais tandis que la perception est réelle (informée par des états externes), la percipience est imaginaire (motivée par des pulsions internes : l’image est projetée, « dessinée », créée). On peut opposer les percipiences simples (celles du rêve en soi) et les percipiences psi (qui s’avèreront en veille coïncider avec un état improbable).

B • Critique de la taxinomie. La classification rhinienne est commode mais ne repose sur rien : il n’y a pas différentes
ESP. J’ai montré il y a 25 ans qu’une rétrocognition pouvait se réduire à la précognition, une clairvoyance à la télépathie, une hétéro- à l’auto-percipience. Personne d’ailleurs n’a proposé d’autre réduction argumentée sur des cas spontanés et l’expérimentation. Il n’y aurait donc que des auto-télépathies précognitives. Je m’explique. La réduction à la précognition tient à la méthode : la comparaison entre une percipience et une réalité inconnue du sujet ne peut se faire qu’après la percipience. Ce qui entraîne deux conséquences : 1° Le moment de l’événement réel n’importe pas, 2° la télépathie ne peut jamais être exclue (puisque la comparaison aura lieu). Quant à la réduction à l’auto-percipience, elle tient à un principe psychologique irréductible : un sujet ne peut directement en contraindre un autre ou être contraint par lui, un sujet est autonome. Si ce n’était pas le cas, il n’y aurait qu’un seul sujet, c’est-à-dire pas d’existence objective, pas de monde du tout, et donc pas de sujet non plus. Ce qui revient à dire qu’il n’y a d’esprits qu’incarnés, que le principe métaphysique premier est de nature psychosomatique.

C • Les parapsychologues excluent des percipiences psi le souvenir (« l’auto-postcognition ») puisqu’il n’est pas une ESP, qu’il serait déterminé par un savoir antérieur (correspondant selon eux à des informations engrammées dans le cerveau) et qu’il est « normal » (reproductible). Or il est absolument sûr qu’il n’y a aucun engrammation biochimique permanente dans le cerveau. Et cela n’a rien d’étonnant : le souvenir n’est pas un effet physique aveugle, mais un processus mental, global et finalisé (tel que le but rétrodétermine les moyens). Un souvenir assuré peut s’avérer faux. Le souvenir est donc une construction imaginaire, une fiction, correspondant certes à un
événement biochimique mais déterminée par un savoir postérieur. Comme toutes les autres percipiences psi. La seule différence est que ce savoir postérieur coïncide significativement pour le souvenir avec un savoir antérieur, qu’il y a déjà eu mémorisation (programmation subjective, conceptualisation), c’est-à-dire un début d’automatisation ; d’où la facilité de la mémoration, la normalité pseudo-causale du souvenir ordinaire. Alors que les autres percipiences psi, remarque justement Méheust, sont comme des souvenirs difficiles à évoquer ; le circuit psi n’est pour elles pas encore clos, pas encore intentionnellement automatisé. Tout l’art du médium consiste à faire comme si.

D • Conclusion : 1° Un souvenir (un savoir automatisé) n’est pas un effet mais un moyen ; il ne signifie pas du passé (une cause) mais de l’avenir (un projet, une fin). Seul l’avenir a un sens ; ce qui n’en a pas est oublié. 2° Il faut parler de percipience psi et non d’ ESP. Le terme de percipience doit être réservé aux représentations fictives pures, avant tout jugement sur leur relation avec la réalité. Le souvenir est une percipience psi normale, prévisible, courante. Les autres percipiences psi sont non paranormales mais tout simplement rares.

4. CRITIQUE DE LA NOTION DE PK

a• Critique du terme

b• Critique du classement

c• La question du projet

d• Conclusion

A • Critique du terme. La télékinésie ou
PK, c’est la notion d’action extra-musculaire, symétrique de celle d’
ESP. L’hypothèse, là aussi, est non seulement fausse mais absurde : une action est par définition impossible sans appareil musculaire. Tous les prétendus PK peuvent se produire spontanément en état de rêve éveillé, en « état second », à proprement parler involontairement. Il faut même nager en pleine utopie pour croire possibles des PK (impossibles par nature). Autrement dit, le processus de mobilisation psi est l’inverse strict d’un PK : il est musculaire et introjectif (non émetteur). Je propose le terme d’agence, tiré d’ agent. Par rapport au corps, l#8217;agence est un ensemble d’excitations musculaires non actives et même anti-actives (l’influx nerveux va des muscles au cerveau [2]) ; c’est une « introjection viscérale ». Par rapport au Moi, l’action et l’agence (c’est-à-dire la conception, a priori utopique) ont en commun d’être centrifuges ; mais tandis que l’action est objective (elle forme, structure des mouvements externes), l’agence est subjective (elle motive des états internes, introjette des idées, structure des concepts). On peut opposer les agences simples (les idéations de l’endormissement, les « scénarisations » fantaisistes) et les agences psi (qui s’avèreront en veille coïncider avec un mouvement improbable).

B • Critique de la classification des effets PK (que les rhiniens opposent donc aux effets musculaires de l’action ordinaire). Classement là aussi purement commode : il n’y a pas différents effets
PK. Si effet il y a sans cause externe, c’est que la cause est interne et directement liée à l’intentionnalité de l’ agent ; la relation est donc de type psychosomatique. Il est de plus évident qu’un effet PK instantané ou postérieur est physiquement réductible à un effet rétro-PK (à la cause interne). Il n’y aurait donc là aussi que des auto-télépathies précognitives dont la traduction physique immédiate est un agencement causal (l’effet rétro-PK interne), lequel produira des effets physiques ultérieurs aveugles. Le cas le plus simple est la mobilisation par un yogi d’un viscère propre, laquelle sera observée indirectement par un enregistrement externe. Dans le cas d’une agence apparemment instantanée sur un objet inerte « à distance », une telle modélisation signifie que cet objet est devenu une partie du corps de l’ agent. Au moment où l’objet bouge, il est stricto sensu animé (par un esprit, qui fonctionne toujours en mode « auto-télépathique ») ; il est temporairement un corps (vivant). Mais si un sujet ne peut agencer qu’à l’intérieur de lui-même, comment alors, m’objecterez-vous, ce sujet s’est-il déplacé à l’intérieur de l’objet ? Je vous répondrai qu’un esprit (libre par définition) ne réside pas dans un cerveau mais là où il le décide. Le propre de l’esprit est d’être global, non-local. Comme chacun sait, on peut avoir l’esprit « ailleurs ». La preuve en est précisément l’existence d’effets PK – que la cible soit un viscère propre de l’ agent, le corps d’un patient pour un guérisseur ou un simple objet physique.

C • L’école rhinienne exclut des effets PK ceux produits par un projet rationnel puisque son exécution fait intervenir les muscles striés propres, qu’elle serait déterminée par un savoir-faire antérieur (correspondant à un programme cérébral) et que ses effets sont « normaux » (reproductibles). Or, consciente ou pas, une action volontaire est toujours libre et ne saurait être assujettie à une causalité aveugle. C’est donc la tentative d’agir qui rétrodétermine finalement le programme, et non l’inverse. Quand bien même je programme mon action avant d’agir, c’est bien le résultat espéré de l’action qui détermine cette programmation. Le fait est confirmé par une série d’expériences de Libet, un psychiatre américain qui ne s’est jamais intéressé à la
parapsychologie : toute tentative consciente d’agir détermine cérébralement un effet (le « potentiel de préparation ») antérieur. On a donc la chaîne finale (anti-temporelle) suivante : résultat physique ultérieur -> action visible -> contractions musculaires -> tentative présente d’agir ? effet cérébral antérieur. La seule différence entre le projet rationnel et les autres agences psi est que le savoir-faire postérieur coïncide significativement pour un tel projet avec un savoir-faire antérieur, qu’il y a déjà eu programmation subjective (conceptualisation), c’est-à-dire un début d’automatisation ; d’où la facilité du résultat, la normalité pseudo-causale de certaines conduites. La réactivité comportementale ne relève pas d’une causalité linéaire pure et première, aveugle en dernière analyse, mais tout au contraire d’une automatisation intentionnelle. Un réflexe n’est jamais involontaire, il est seulement inconscient. D • Conclusion : 1° Un projet rationnel (un savoir-faire automatisé) n’est pas une cause mais une fin ; il ne signifie pas du futur (des effets) mais de l’accompli (du souvenir, des moyens). Seul l’accompli a une forme ; ce qui n’en a pas est improgrammable. 2° Il faut parler d’agence psi et non de
PK. Le terme d’agence doit être réservé aux conceptions utopiques pures, avant tout jugement sur leur relation avec la réalité. Le résultat d’un projet rationnel est prévisible : il correspond à une agence psi normale, courante. Un résultat satisfaisant obtenu malgré l’irrationalité de sa programmation (obtenu par des inductions) doit être qualifié de rare et non de paranormal.

5. INTENTION ET COMMUNION

a• L’Intention n’est pas l’information

b• La Communion n’est pas la communication

A • Tous les parapsychologues, et le public avec lui, croient qu’au cours d’un processus psi c’est de l’information qui est mystérieusement transmise. Or la notion commune d’information (de forme symbolique) se réfère à un support causal de transmission, à des signaux physiques. Dans l’activité mentale, les signaux sont spirituels et l’on peut qualifier d’intention (d’idée symbolique) ce qui est transmis finalement. Mais, bien entendu, la notion même de symbole implique que l’information transmise puisse être immédiatement convertie en intention, et vice-versa : nous sommes dans le domaine des significations [cf. le circuit psi]. Dans un processus psi, la transmission est également spirituelle puisque aucun obstacle physique (y compris la distance spatio-temporelle) ne peut la perturber, a fortiori l’interrompre. Par contre, évidemment, une transmission spirituelle peut être interrompue par un obstacle mental : il suffit d’orienter autrement son esprit. Mais cet obstacle est de type global, contrairement aux obstacles physiques. Conclusion : Une transmission physique d’informations est toujours localisable et « analysable » (elle peut faire l’objet de déductions) ; sa durée n’est jamais nulle. Une transmission spirituelle d’intentions est globalisante et « synthétique » (elle est sujette à inductions) ; elle peut parfois se manifester instantanément.

B • La conversion information/intention est le propre des êtres vivants, qui sont à la fois corps et esprit. Reprenons le schéma du circuit psi. 1° Quand deux individus se transmettent un signal physique, on parle de communication. Celle-ci a pour but de transférer une idée au moyen d’une forme conventionnelle. Si elle réussit, s’automatise et se généralise, un couple objectif se constitue qui peut être défini de l’intérieur comme de la matière éparse ayant elle-même produit sa forme, comme un corps viscéral auto-animé, comme une structure végétative à deux pôles [3] symbolisant un esprit unique (le Soi). 2° Quand deux individus se transmettent un signal spirituel, on parle de communion. Celle-ci a pour cause un transfert de forme dont l’effet est une idée conventionnelle. De même, en cas de généralisation, le couple subjectif ainsi constitué peut être défini de l’extérieur comme de la pensée éparse contrainte à se constituer en idée, comme une pensée réflexive incarnée de force, comme une structure sensori-motrice spirituelle symbolisant un corps unique (Autrui). 3° Ces couples sont complémentaires : aucun n’existe sans l’autre. Et la genèse de ce nouvel être vivant peut aussi bien signifier celle d’une société que d’un embryon. Ce bref exposé appelle deux commentaires presque opposés : a) La distinction auto/hétéro est une question relative de niveau (et non une référence absolue) ; b) Une telle argumentation a pu vous paraître obscure et floue. C’est aussi mon avis, et je tâcherai de ne plus recommencer ! Mais voilà : ce sont de telles spéculations qu’exige le thème étudié. La psilogie est une science à construire, pas à appliquer.

6. LES NOTIONS D’ AGENT, DE PERCIPIENT ET DE CIBLE

a• Introduction

b• ESP percognitives

c• Télépathie de groupe

d• Agent ESP et percipient PK

e• PK instantané

f• Une limite du PK

g• Agents transcendantaux

A • Introduction. 1° L’école rhinienne oppose
ESP et effets PK, mais ne fait pas de lien entre les deux. Or, pour la télépathie (qu’on la juge auto- ou hétéro-), l’ « agent ESP » opère certainement physiquement sur le cerveau du percipient : c’est donc aussi un « agent PK ». Inversement, une cible physique PK est certainement opérée mentalement par l’agent PK puisque les signaux sont spirituels : elle est donc aussi un percipient ESP. En fait, comme je l’ai évoqué précédemment, la relation psi est de type psychosomatique. Il n’y a aucun sens à dire que de la pensée pure interagit mystérieusement avec de la matière pure, à parler donc de clairvoyance ou d’effet PK sur cible physique : si le dualisme était vrai, la vie serait impossible. Le cœur du processus de communion est fait de « télépathie » : l’esprit de l’agent détermine la pensée (indéterminée) du percipient. Mais en amont et en aval, il y a des corps [cf. le circuit psi]. En amont, l’agent télépathique ne transmettra des intentions relatives à une donnée objective, à une perception que s’il décide de convertir celle-ci en autre chose ; concevoir ici, c’est programmer une action, ordonner un mouvement concret. En aval, un corps inerte (qu’il ait été animé ou le soit en puissance), influençable donc et mentalement disponible, s’animera dès l’arrivée d’un signal spirituel quelconque. 2° Un modèle physicaliste du psi exige une inversion temporelle : le processus est anticausal, l’observateur ne peut que le rétrodire. Ce qui revient à affirmer que toutes les percipiences psi sont des précognitions et toutes les agences psi des mémorisations (« rétro-déterminantes »). Et comme un esprit est par nature autonome, il ne peut être aveuglément influencé par un autre esprit, il ne peut que communier avec lui-même. L’animation propre d’un corps vivant n’est pas réductible au transfert antitemporel d’informations entre deux objets [cf. le circuit psi] : ce transfert en est seulement une image (métaphore, métonymie, etc.). Plus qu’une simple biophysique, la psilogie est une physique de l’intériorité. Ces notions sont difficiles à comprendre. Je vais donc en donner quelques illustrations et en détailler certains aspects.

B • ESP percognitives. Fausse télépathie : soit une mère rêvant du décès de son fils. La mère parle de télépathie : l’horaire et les détails coïncident. Mais on s’aperçoit dans certains cas que ces coïncidences sont illusoires : les fuseaux horaires ne sont pas les mêmes, les détails ne correspondent pas à la mort réelle mais à des informations erronées que la mère reçoit ultérieurement par courrier. Autrement dit, l’hétéro-télépathie percognitive est un simple effet de mise en scène. Fausse clairvoyance : la prétendue lecture sur plan par un radiesthésiste d’un lieu de noyade est réductible à la précognition de la découverte fortuite du corps. Remarquer déjà, nous y reviendrons, qu’il ne s’agit plus alors de « précognition réelle », mais de prémonition : la connaissance anticipée de cette découverte fortuite peut empêcher celle-ci. Cette notion paradoxale n’est plus représentable dans le cône d’espace-temps [4] , alors qu’elle le reste par le circuit psi (qui symbolise le processus complet d’une signification quelconque). Deux remarques supplémentaires : 1° Les rêves psi ne se distinguent pas a priori des rêves ordinaires : ils ont exactement les mêmes propriétés psychologiques. Ce qui ne milite pas du tout en faveur d’une hétéro-percipience ; 2° La seule différence (non spécifique) est qu’au réveil les rêves psi incitent plus souvent à l’action. Dans certains cas, cette action est explicitement préventive. Mais il faut signaler à ce propos que, généralement, le sujet ne se souvient à son réveil d’aucun rêve et éprouve seulement le besoin de faire certaines choses sans savoir pourquoi ; et ce n’est qu’après coup, parfois, que cette action se révèle avoir été préventive. Or une telle action préventive, inconsciente de sa motivation et réussie, c’est stricto sensu un effet rétro- PK. Cette remarque générale s’applique aux expériences de clairvoyance avec cartes Zener [5] : le plus souvent, les sujets ne se représentent rien du tout, ils indiquent seulement la carte. Leur geste prévient quoi ? L’échec de l’expérience.

C • Télépathie de groupe. La notion de communion implique une intention fusionnelle : des gens qui communient forment à ce moment-là une seule entité psychique, un seul esprit. Car, pour communier, il faut renoncer à son autonomie spirituelle ou en avoir insuffisamment. L’esprit alors, c’est celui du groupe. On peut bien dire que les gens communient télépathiquement, mais ce ne sont plus leurs esprits qui communient : ils communient à l’intérieur d’un esprit collectif (le Soi). La relation est exactement la même entre des personnages oniriques, dans le cadre d’une expérience psi, sous une dictature, à l’intérieur d’une tribu primitive ou pour une espèce archaïque. Il y a toujours auto- télépathie.

D • Agent ESP et percipient PK. Si l’agent télépathique existait indépendamment du percipient, on trouverait des médiums professionnels spécialisés, capables d’introduire des idées étrangères dans la tête de n’importe qui. Ce qui n’a jamais été observé dans toute l’histoire de la parapsychologie. Un hypnotiseur est incapable de fasciner un sujet qui s’y refuse, de transmettre des idées étrangères à la rationalité d’un patient ou des désirs contraires à sa morale (tout au plus peut-il le surprendre ou le contrarier). L’envoûtement maléfique, c’est de la foutaise [6] . Il n’y a pas plus d’agent « hétéro-ESP » qu’il n’y a pas de percipient « hétéro-PK » (qui léviterait par exemple malgré lui ou se transformerait en grenouille quand quelqu’un le souhaiterait). Parce que, dans les deux cas, il n’y aurait non seulement plus de vie (l’agent ESP interdirait le libre arbitre d’autrui, le percipient PK serait rapidement voué à la mort corporelle) mais plus de résistance d’aucune sorte et donc d’existence tout court. Par contre, tous les bons sujets psi (cas type des mystiques) semblent à la fois « percipients ESP » et « agents PK ».

E • PK instantané. En situation expérimentale, l’effet PK instantané à distance, « télécinétique », est réductible à un effet rétro-PK dans le passé du sujet. Il faut d’abord rappeler que, existentiellement, seul l’actuel est réel (si le temps était réel, déployé de toute éternité, la liberté serait impossible et aucune action corporelle ne serait même concevable) ; le futur et le passé sont imaginaires. Ensuite, toute action physique étant ici interdite, aucun effet causal direct n’est envisageable. Ne reste donc au sujet que la possibilité d’agencer sémantiquement la cible dans le passé. Et c’est exactement ce qu’il fait : il rêve du passé le plus récent (ce qu’on observe), s’imagine alors que l’objet est animé, et avec une telle foi réaliste qu’on observe soudain un comportement « somnambulique » de l’objet. Autre exemple, plus radical : en cas de disparition d’un objet enfermé dans une boîte puis de réapparition à distance, les parapsychologues parlent de « translocation instantanée avec dématérialisation et rematérialisation » ou évoquent un aller-retour réel dans le temps. Ce qui est se payer de mots. Je dis, moi, que l’objet n’a plus été mis dans la boîte. Ce qui semble bien pire, aussi paradoxal que la prémonition, mais a au moins le mérite de la simplicité. Je traiterai des paradoxes dans le thème suivant. Ce qu’il faut pour l’instant souligner, c’est le changement de référentiel temporel : 1° dans la conception physicaliste ordinaire, le temps est réel : le passé est accompli et le futur le sera. C’est un point de vue transcendantal (le scientifique, abstraitement, se place à la fois à l’origine et au terme du temps) ; 2° dans la conception psychologique ordinaire, seul l’actuel est réel. Ce n’est plus alors le temps qui est fixe (absolu, qui sert de repère) et le présent qui se déplace vers le futur (qui est relatif), mais l’inverse. Le point de vue est immanent. C’est celui, obligatoire, d’une métascience des relations esprit/matière (fondée sur l’existence concrète du scientifique), en particulier de la psilogie.

F • Une limite du PK. Les cas-limites sont, comme toujours, très instructifs pour le théoricien (les autres chercheurs s’en fichent éperdument, car ils croient tout possible). Je ne connais aucun témoignage convaincant de translocation d’un être vivant, ni même seulement de disparition instantanée. Et j’ai beaucoup lu… Le fait est en revanche qu’un agent psi humain peut faire disparaître puis réapparaître une partie de son corps [7] . L’explication ? On ne peut pas changer son corps d’actualité parce qu’il n’y a pas d’autre actualité. Mais si le corps est un tout, ce tout est élastique (maladies et guérisons) ; d’où des PK partiels possibles sur ce corps. Par contre, les objets inertes ne sont pas des tout pour eux-mêmes et peuvent donc être appréhendés comme des parties de soi.

G • Agents transcendantaux. La plupart des
parapsychologues ne croient pas interdit de supposer des agents décédés, extraterrestres, démiurgiques ou divins. Or tous ces agents sont invérifiables, « transcendantaux », et sortent de ce fait de la science (déterminisme + vérification). Les agents doivent être immanents. Et puisqu’il existe une histoire complexifiante avant que la vie n’apparaisse, force est d’admettre une métaphysique animiste. Quels parapsychologues en tirent les conséquences ? A ma connaissance, aucun.

7. L’HYPOTHÈSE DU FILTRE ET LES PARADOXES DU PSI

a• Critique du filtre

b• Solution des paradoxes

A • L’existence de l’ESP et du PK implique pour la plupart des parapsychologues que « l’esprit communique avec le reste du monde ». D’où l’hypothèse très répandue d’un filtre physique (le cerveau) qui empêcherait l’information extérieure d’envahir l’esprit ou l’esprit d’envahir le monde, et qui expliquerait du même coup la difficulté de produire du psi. Cette hypothèse n’a évidemment aucune pertinence si, comme je l’ai expliqué, la transmission est spirituelle. La transmission psi ne se produit pas à l’extérieur du sujet entre son corps et un autre objet, mais à l’intérieur d’un unique sujet. Par définition, un sujet est souverain : il ne peut être directement contraint par quoi que ce soit d’extérieur à lui, car il deviendrait alors objet. Mais il ne peut pas non plus directement contraindre, car il serait alors le seul sujet. C’est un argument métaphysique contre l’existence d’un Dieu omniscient et omnipotent. S’il y avait un Dieu de ce genre, nous ne serions libres de rien, nous n’existerions pas. Et inversement : nous ne parviendrons jamais à contrôler entièrement un rêve puisqu’un rêve ne peut exister que si un décor et des personnages nous résistent un minimum. Le solipsisme n’est pas viable, même en imagination. Conclusion : nous existons parce que nous sommes à la fois créateurs et créatures. Comme les autres.

B • Un sujet isolé du monde objectif ne fait que penser : il construit des utopies qu’il se représente au moyen de fictions. C’est le cas en rêve. Eveillé, le sujet peut soumettre sa pensée à des contraintes objectives : en faisant d’une fiction une représentation de l’accompli (un « souvenir », qui peut éventuellement porter sur le futur : la prévision, le désir) et en faisant d’une utopie un programme d’action (un « projet », qui peut éventuellement porter sur le passé : le regret, la mémorisation). Mais il peut aussi, subjectivement, considérer a priori toute fiction comme une précognition potentielle et toute utopie comme une rétro-agence virtuelle. Ce que confirme l’existence réelle et non fortuite de précognitions et d’effets rétro- PK. Le parapsychologue se trouve alors confronté aux paradoxes inhérents à l’inversion temporelle et bien connus de tout amateur de science-fiction. Si l’empiriste peut les ignorer, le théoricien doit les résoudre. Deux solutions ont été déjà évoquées : a) la seule réalité est actuelle ; passé et futur sont des constructions imaginaires. Autrement dit, le voyage temporel physique, réel, est une pure absurdité ; b) le psi ne correspond pas à un pouvoir physique (des capacités cérébralement contenues) mais à une nécessité éthique (des devoirs, à commencer par sa propre survie). Développons :

1° Paradoxe de la percipience psi

Vous connaissez tous les prémonitions qui permettent parfois d’empêcher un accident. Je prétends qu’il s’agit là du mécanisme même de toutes les percipiences psi. J’ai déjà cité le cas type du médium qui voit une noyade et précise son lieu exact, d’où découverte rapide du cadavre qui empêche sa découverte fortuite, à l’origine pourtant de la précognition, mais qui permet à la famille de faire immédiatement le deuil. De façon générale, toute précognition supposée implique sa négation puisqu’on peut en principe empêcher activement sa confirmation : c’est toujours en puissance une prémonition (qui, réussie, fait échouer sa confirmation mais passe parfois pour une per- ou une rétrocognition). C’est exactement le cas du souvenir. D’abord, on se souvient non « parce que » mais « pour que ». Ensuite, un souvenir n’a pas pour but ordinaire de réactualiser le passé mais d’anticiper l’avenir. Enfin, on ne cherche pas ordinairement à vérifier un souvenir, mais à s’en servir pour agir.

Conclusion valable pour toutes les percipiences psi : éthiquement, c’est la prémonition volontaire qui existe. La précognition, jugée après coup, est moralement une prémonition qui a échoué, une fatalité non surmontée.

2° Paradoxe de l’agence psi

Le paradoxe est le même, mais on ne raisonne plus à partir d’un fait néfaste qu’on veut éviter, mais d’un fait faste inattendu (l’effet rétro-
PK) dont il s’agit de profiter. C’est ce qu’on appelle la chance. En profiter implique néanmoins des projets à l’opposé du rétro-PK et qui devraient donc l’empêcher si celui-ci n’a pas encore eu lieu. La situation est différente quand le sujet cherche consciemment à produire par une agence psi un effet physique. Pour ce sujet, l’effet n’a évidemment pas eu lieu puisque c’est précisément lui qu’il cherche à obtenir. D’un point de vue psilogique, il faut alors bien distinguer l’effet rétro-PK proprement dit de l’effet visible attendu, qui n’est qu’une conséquence physique du premier. Physiquement parlant, l’effet rétro-PK est un ensemble de causes dont un résultat est l’effet visible attendu. Si l’effet rétro-PK existait, disent ses détracteurs, le monde actuel serait différent au point que l’agent pourrait ne plus y exister. Mais, je l’ai dit, la référence n’est pas l’existence du psi mais l’existence tout court, qui est une certitude personnelle. On peut très facilement tuer un de ses ancêtres enfant : il suffit de se suicider. (Le procédé n’est évidemment pas très sélectif puisqu’on les tue alors tous.) Par ailleurs, le fait est qu’un
PK ne réussit à modifier qu’une minuscule partie du monde et n’attente jamais à la vie d’un sujet normal (non psycho-pathologique). L’effet PK type est la guérison miraculeuse sur soi-même : il ne modifie que la personne et en bien. Les cas d’effet PK sur le corps passif d’autrui (par un guérisseur) ou sur un objet inerte peuvent être considérés comme un processus psychosomatique temporaire et bénéfique pour cet organisme collectif. Toutes les considérations précédentes peuvent s’appliquer au projet conscient ordinaire, à celui qui entend passer par une action personnelle. Un tel projet vise explicitement le futur. Et le sujet estimera accompli, « prouvé » son projet quand le résultat physique correspondra à son but. Mais la célèbre série d’expériences de Libet, toutes réussies et donc « normales », prouve qu’un effet rétro-PK se produit toujours juste avant (400 ms) la tentative consciente d’agir. On aurait pu alors interrompre l’expérience dès qu’apparaissait l’effet rétro-PK cérébral, avant donc que le sujet tente d’agir. L’effet rétro-PK serait alors devenu un effet aléatoire, fortuit. (Libet ne l’a pas tenté, parce que son but n’était pas du tout de mettre en évidence un effet rétro- PK. Il en a été le premier stupéfait.)

Conclusion valable pour toutes les agences psi : éthiquement, c’est le PK conscient qui existe et il ne vise qu’un effet bénéfique présent (immédiat ou ultérieur). L’effet rétro- PK, jugé « avant coup », est moralement un effet per- ou postPK qui échouera, la trace d’un remord à venir.

8. SCIENCES DE L’ESPRIT, CRÉATIVITÉ ET HISTOIRES

a• Introduction

b• La psychologie

c• La morale

d• Psi et créativité

e• Une science des histoires

A • Introduction. De façon générale, si la finalité était réductible à la causalité (le temps à l’espace), on pourrait se passer du sens, de l’éthique, de l’imagination, de l’action volontaire, etc. S’en passer, c’est simplement être mort ou en passe de l’être. Il faut donc des sciences de la finalité. Le problème est qu’elles n’existent pas, que l’Occident n’en veut pas et qu’on ne peut faire de psilogie sans elles. Les sciences causales sont parfaitement légitimes mais elles ne peuvent par définition rendre compte de la finalité propre, de celle des chercheurs en particulier. A quoi bon vraiment des sciences morales, sinon pour perdre son pouvoir sur autrui et en acquérir sur soi ?

B • La psychologie. Toutes les sciences qui prennent pour paradigme la physique classique tentent la réduction causale. La psychologie béhavioriste, par exemple, essaie de montrer que les conduites peuvent se réduire à des comportements qu’on peut induire de l’extérieur. Cela marche évidemment très bien pour les instincts et les habitudes. Mais ceux-ci, précisément, ne relèvent plus de la pensée créatrice sans laquelle aucune vie ne pourrait persister. Il y a donc à distinguer deux psychologies, strictement antagonistes : 1° celle qui veut croire que le psychisme obéit à une causalité aveugle, c’est-à-dire celle qui nie l’existence de l’esprit, ce qui est auto-contradictoire ; 2° celle qui prétend étudier la finalité propre, le psychisme lui-même, l’esprit (par nature créatif). La parapsychologie rhinienne, tout comme la psychanalyse freudienne, appartient à la première catégorie. Alors qu’une véritable psilogie doit d’abord élaborer une psychologie du second type (puisqu’il n’y en a pas), indépendante de toute causalité aveugle, et ensuite seulement établir un lien organique avec la physique de l’observable.

C • La morale est censée être la science de l’intentionnalité de veille, des fins propres de la volonté consciente. Mais elle reste manifestement un simple discours chez les philosophes ou une simple pratique chez les militants. Pour en faire une science, il faudrait non seulement associer obligatoirement les deux, mais énoncer les propriétés de son déterminisme, décrire les conduites en termes d’espace-temps, établir une physique du devoir. Autrement dit, il faudrait une science de l’imaginaire, en sus de la psychologie dont je parlais. Le structuralisme n’a jamais été rien de plus qu’une rhétorique de l’argumentation, une logique formelle du « symbolique » ; il n’a jamais exploré la dimension éthique et physique de son domaine [8]. Le freudisme, censé explorer l’imaginaire et guérir des malades, a entièrement subordonné le vouloir au savoir, sans le moindre succès [9]. Et aucune école psycho-médicale ou politique n’a su développer une science qui rende à la fois compte de la pathogénèse et de la thérapeutique. Les parapsychologues, là encore, sont au pied du mur : il leur faut eux-mêmes élaborer une véritable science de l’imaginaire nocturne (puisque personne ne s’y met vraiment), puis faire le lien avec une science de l’action en soi (à construire également), c’est-à-dire élaborer une science des conduites de veille, une authentique science morale, et enfin faire le lien avec la physique du réel. « Je dois donc je peux » disait Kant, et je précise : « même si c’est impossible ». Montaigne s’exprimait encore mieux : « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais difficile qui est le chemin. »

D • Psi et créativité. Ce ne sont pas des domaines distincts : 1° Découvrir, c’est au fond anticiper une observation fortuite ou prédite rationnellement (déduite). Une découverte est une prémonition réussie ; 2° Inventer, c’est au fond changer la forme conceptuelle du savoir, du passé, changer la disposition antérieure des causes de telle sorte que de nouveaux effets soient prévisibles et automatisables. Une invention est un effet rétro-PK qui rend inutile toute tentative ultérieure de le reproduire. Un bon médium réussit souvent à produire du psi, mais le succès n’est jamais assuré et le résultat rarement conforme à l’attente. Il en va de même pour l’artiste et le théoricien scientifique. Par ailleurs, un spirite n’est créatif que dans son propre registre, c’est-à-dire dans les preuves apparentes qu’il donne de la survie. Un médium qui n’est pas déjà spécialisé (scientifique ou artiste de métier par exemple) ne fournit jamais une œuvre valable de ce type. Avec une table tournante, Hugo ne donnait, en faisant parler les grands hommes disparus, que des preuves de son propre génie. Le spirite, lui, veut croire à une communication ; il préfère s’enterrer avec ses morts dans une fiction, opter pour le trouble mental plutôt que sublimer son deuil et réinventer sa vie. Plus généralement : croire à la lettre en une Révélation divine, à la suprématie de la Raison ou à la toute-puissance de la Matière, c’est admettre que le passé ne peut plus être changé et que l’avenir s’écrira malgré nous. Pour créer, il faut se sentir inspiré par plus grand que soi et non se vouloir plus fort qu’autrui, viser un idéal et non un pouvoir. Van Gogh cherchait seulement à faire de la peinture, d’autres cherchent seulement à fourguer leurs tableaux. L’alternative se retrouve dans la recherche parapsychologique. La plupart des chercheurs ne rêvent que de preuves, ne veulent que des réussites expérimentales : ils visent à instrumentaliser le psi, convaincre leurs confrères et séduire le public. Alors que d’autres [10] , à la suite des romantiques allemands, ne veulent voir dans les faits psi qu’un moyen contingent : leur but est de montrer la créativité partout à l’œuvre dans la nature (malgré leurs confrères et le public, qui ne veulent pas de cette magie-là). Il s’agit donc pour eux de repérer le psi à tous les niveaux, sous toutes ses formes, puis de se laisser instrumentaliser par cet ensemble, d’être créatif à propos de créativité, d’exiger de soi un type de médiumnité scientifique inconnu.

E • Une science des histoires. La créativité se manifeste à tous les échelons : individuel, collectif, spécifique, terrestre et même cosmique : il y une histoire complexifiante, où les créations se cumulent. Or personne ne peut nier que sa propre créativité exige un effort personnel. Une approche scientifique de la créativité dans la nature (chez autrui) doit donc exclure aussi bien le hasard que la causalité aveugle ou une finalité transcendantale. La créativité ne peut qu’être immanente. Ce qui revient à dire que la psilogie doit donner une version psycho-somatique, animiste de l’histoire. Trois exemples frappants : le sex ratio après guerre, l’évolution des espèces et l’accélération de l’univers. Trois exemples de bêtise et de lâcheté scientifiques : 1° Depuis qu’il existe des statistiques sur les populations d’après-guerre, on constate systématiquement une nette augmentation des naissances de garçons. Le fait est connu de tous les sociologues. L’homéostasie sociale relève ici de la guérison miraculeuse. Pas un sociologue n’a admis l’effet
PK : c’eût été remettre en cause toute la discipline. Il y avait forcément une explication biologique. Et pas un parapsychologue ne s’est mouillé dans cette affaire ;

2° Le fait précédent est une preuve incontestable de lamarckisme. Mais le darwinisme, doctrine officielle dans toutes les universités du monde, prétend, lui, expliquer l’évolution des espèces par une association de hasards (les mutations) et de causalité aveugle (la sélection par le milieu). Ce qui est la manière la plus expéditive d’évacuer son propre objet (le vivant, intentionnel par définition) et de renvoyer la solution aux physiciens. Manière que tous les parapsychologues approuvent. Une mutation causée par un agent externe aveugle étant toujours invalidante, le cumul de mutations favorables dans le temps ou l’espace ne peut pourtant s’expliquer que par la créativité spécifique. Et l’apparition de la vie, que par une créativité de la Terre ;

3° Les physiciens rêvent de ramener l’histoire cosmique à une causalité première aveugle, à une Loi unique. Comment pourraient-ils alors rendre compte de leur propre rêve et de leurs propres efforts ? La découverte récente de l’accélération de l’univers oblige à admettre une intentionnalité propre à la matière la plus élémentaire. Pas un physicien, pas un
parapsychologue n’a osé soutenir cette thèse. Car c’eût été renoncer au principe le plus sacré de la science : celui de causalité aveugle.
En désespoir de cause, les cosmologistes ont supputé l’existence d’une « énergie sombre exotique » censée expliquer de l’extérieur cette accélération. Ce qu’ils découvriront, si jamais ils y parviennent, ne sera rien d’autre que l’énergie des rêves.

9. LA LOGIQUE A UTILISER

a• Signifiants et signifiés

b• La complémentarité

c• L’espace-temps

A • Une signification réelle relie complémentairement un signifiant (un percept A) et un
signifié (un concept non-A). On ne peut donc pas utiliser la logique ordinaire pour qui A et non-A ne peuvent être vrais à la fois. Dans l’imaginaire [cf. circuit psi], le désir peut être qualifié de signifié (de pulsion fantasmée) et l’action de signifiant (d’impulsion formatrice). Je distingue donc schématiquement des signifiants objectifs (l’information) et des signifiés subjectifs (l’intention).

B • « Quand les gens sont de mon avis, disait Oscar Wilde, il me semble que je dois avoir tort. » La formule n’a rien de paradoxal ; elle exprime avec humour l’exigence morale de créativité. Dans le cadre d’une logique complémentariste telle que je l’entends (métaphysique, traitant du Tout), est vraie l’association d’une affirmation et de sa contradictoire. Dans mon modèle du circuit psi, les contradictoires se réfèrent à deux couples : réel/imaginaire et objectif/subjectif. Ce qui complique encore les raisonnements. Mais, dans le cadre de la logique ordinaire, une signification est insurmontablement paradoxale. C’est le cas des coïncidences psi : 1° si la précognition existe, on peut en principe l’empêcher de se produire. Donc elle n’existe pas ; 2° Idem avec le rétro- PK : si je puis tuer mon ancêtre quand il était enfant, je ne peux pas avoir fait ce PK. J’ai déjà donné la réponse philosophique : seul l’actuel est réel, c’est-à-dire stricto sensu seulement moi-même en tant qu’être vivant (mais cela n’a rien à voir avec le solipsisme, comme je l’ai expliqué). Cette base métaphysique entraînera le développement de disciplines totalement nouvelles, qui démoliront toutes les interprétations proposées par les sciences existantes. Les faits psi impliquent, entre autres, que le monde est à la fois mécaniquement déterminé et totalement indéterminé. Le fait est que je peux parfaitement détruire par rétro-PK certains de mes ancêtres : cela s’appelle en génétique une mutation favorable, en art un créateur, en histoire une révolution réussie. Et constater, dans ce cadre métaphysique, que ce n’est pas la précognition qui existe mais la prémonition, que toute percipience psi est un avertissement qui vise à supprimer l’événement néfaste qui l’engendrera, cela revient très exactement à dire que toute agence psi est une tentative de rendre bénéfique le présent en modifiant le passé.

C • Les définitions du psi ne sont donc pas paradoxales mais complémentaristes : elles associent déduction logique (causalité aveugle) et induction éthique (finalité propre). Elles nécessitent un raisonnement dialectique à la fois spatial et temporel. Mais comme la complémentarité interdit toute dissymétrie structurelle, il doit y avoirdeuxdimensionsd’espaceet deux de temps. Poincaré a montré la voie, admirablement, en interprétant la profondeur comme un mouvement volontaire. Le schéma du circuit psi réduit l’espace-temps à une dimension orientée ; il symbolise la conversion réciproque du temps et de l’espace. Le réel correspond à des états et à une irréversibilité du temps, qui peut être positif ou négatif. L’imaginaire correspond à des tendances et une irréversibilité de l’espace, qui peut être également positif ou négatif. Ce schéma ne fait que reprendre le formalisme de la relativité restreinte : Le Moi réel (ici et maintenant, actuel) est le pôle de l’immobilité (de l’inertie : v = 0) ; le Moi imaginaire (virtuel) est celui du mouvement (de l’impulsion : v = + – infini) ; entre les deux, l’horizon lumineux (v = + – c) correspondant subjectivement au Soi et objectivement à Autrui. Je ne vous en dirai pas plus. Je veux simplement vous faire comprendre que les raisonnements que j’ai tenus précédemment sont très simplifiés, car je n’avais basé ma démonstration que sur l’inversion temporelle. Rassurez-vous : je continuerai à le faire, cette conférence étant censée une simple introduction à la psilogie !

10. LA TRANSMISSION DE SIGNIFIES

a• Dessins et phrases

b• Information physique

c• L’argument métaphysique

A • Dans une expérience réussie de transmission de dessins manuels effectués spontanément par un tiers et représentant des objets inattendus et complexes, on constate très souvent que le percipient dessine une forme qu’il ne comprend manifestement pas. Comment, m’a-t-on objecté, ce résultat serait-il compatible avec l’hypothèse d’une auto-transmission directe de l’idée ? Ma réponse est simple : le but implicite de l’expérience est de transmettre une forme et non une idée. On ferait sinon une expérience de télépathie. Il y a de même des cas de clairvoyance où un sujet psi semble lire avec difficulté des mots, voire des phrases, qu’il ne comprend manifestement pas ; mais il y a aussi des cas où un sujet parvient à donner, sans du tout faire de mot à mot, le sens général d’un texte dont il ne connaît pas la langue et que personne de vivant n’a encore lu (par exemple une certaine page d’un manuscrit oublié) et d’autres cas encore où un sujet parvient à comprendre une personne qui lui parle une langue inconnue. La vraie difficulté est à mon avis la suivante : de même qu’il y a des niveaux de perception (reconnaissance d’affect, de sensation, de forme, d’objet, de symbole, de mot, de signe logique), de même il y a des niveaux inverses de percipience ; mais les notions de télépathie et de clairvoyance n’y correspondent pas. Je n’irai pas plus loin dans la discussion de tels problèmes, trop spécialisés. Ils renvoient à une notion générale que j’ai précédemment exemplifiée [
11] et qu’on peut se représenter comme une spiralisation du circuit psi dans une seconde dimension. Une chose reste absolument claire et sûre : le sujet psi ne sait pas comment il opère. Il peut réussir sans savoir où et quand se trouve la cible. Il peut même tout ignorer de la cible ! C’est d’abord de cette transmission d’intentions, de « signifiés » que doit rendre compte la psilogie. La remarque s’applique aux processus sensori-moteurs ordinaires : tout le monde sait parfaitement lever la main ou écouter, mais personne ne sait comment on y parvient. Et ce n’est certainement pas la neuropsychologie universitaire qui nous l’expliquera, parfaitement incapable de contester le principe de causalité qui lui a donné naissance et pouvoir.

B • J’ai précédemment associé la notion d’information à celle de communication et la notion d’intention à celle de communion. Entrons dans les détails. Il faut d’abord distinguer deux signifiés du mot information : 1° le courant (celui dont j’ai jusqu’à présent traité) : renseignement qu’on peut émettre ou recevoir, sens d’un signal physique (codé) ; 2° le technique : quantité de renseignements relativement aux possibilités d’un code (en statistique, la notion correspond au degré d’improbabilité ; en thermodynamique, à un accroissement d’ordre, à de l’entropie négative ou « néguentropie »). Cette quantité est indépendante de l’application de ce code, c’est-à-dire de son sens. « La IIIe Guerre mondiale a débuté » et « Ma fille a les yeux bleus » ont des sens très différents mais à peu près la même quantité d’information. Du point de vue quantitatif et physique, l’information est transmise par un signal qui ne peut être instantané. Un signal peut aller plus vite que la vitesse de la lumière, par exemple un spot qui balaierait un écran cosmique géant ; mais il n’apporterait aucune information sur ce qui se passe à l’autre bout de l’écran. D’autre part, pour qu’une information soit transmise, il faut que le signal soit modulé, qu’il y ait du changement. Enfin, ce signal va classiquement du passé vers le futur (principe de causalité aveugle). Mais on peut aussi admettre une transmission qui aille du futur vers le passé (principe de finalité propre). Le physicien Costa de Beauregard a ainsi appliqué la rétrodiction statistique à la physique quanto-relativiste puis à la parapsychologie (l’effet per- ou postPK s’explique par une modification volontaire du passé ; c’est l’effet causal d’un effet rétro- PK). Cette approche est certes meilleure que la béhavioriste : elle implique une cible toujours passée, inconsciente et indéterminée que l’observation déterminerait [cible quantique a donc les mêmes propriétés pour l’agent que (…) »>12]. Mais elle n’explique rien de la réduction de la fonction d’onde avant que des observateurs existent (Costa rejette tout libre arbitre des quantons et suppose l’existence, invérifiable, d’un démiurge). Son modèle n’explique rien non plus du processus proprement mental de la transmission de signifiés : comme je l’ai expliqué précédemment, la transmission est toujours « auto-télépathique » et l’on ne peut assimiler le transfert final d’intentions à un transfert antitemporel d’informations (ce que Costa reconnaît). Enfin, contrairement à l’opinion de ce chercheur, le réel n’est certainement pas déployé de toute éternité : il n’y a de réel que l’actuel, précognition et rétro-PK ne sont jamais que des processus virtuels. Le modèle du circuit psi est néanmoins indexé à la physique moderne. Parce que j’estime qu’une logique complémentariste stricte permettra toujours la conversion symbolique entre objectif et subjectif. En ce sens, je me considère comme un disciple du génial Dirac, prix Nobel en 1933, pour qui l’antimatière observable symbolisait des trous d’antimatière subjective remontant le temps. La physique quanto-relativiste contemporaine est arrivée à un tel degré d’abstraction qu’on ne peut plus distinguer percepts et concepts dans les réalités expérimentales évoquées.

C • Dans une expérience scientifique ordinaire, on se réfère toujours à la veille et il faut un tiers neutre, le chercheur, pour observer. Observer suppose nécessairement l’intervention de signifiants, implique de la communication. La communion, elle, s’appuie sur l’introspection, sur une conviction éthique, sur une décision mentale : il faut croire à une réflexion libre pour arriver à structurer de façon sensée (« organique ») des idées disparates. Cette croyance n’est pourtant pas contingente, elle est liée au fait même d’exister : je suis irréductiblement fait d’un corps et d’un esprit. Ne plus penser, c’est ne plus exister [
13]. Ainsi donc, la transmission anti-causale de signifiés, la notion de communion interne (« propre ») et leurs manifestations objectives ne sont pas de simples conjonctures : elles me sont constitutives. Ce ne sont pas des postulats, mais des certitudes premières, des évidences métaphysiques. La communion n’est pas réductible à la communication : le « psilogue » doit explorer la communion avant de communiquer à son propos. Les
parapsychologues reconnus faisant l’inverse, ils n’informent le psilogue que sur leurs talents de bonimenteur scientifique.

11. EFFET D’EXPÉRIMENTATEUR ET RITUELS

a• Relations avec le psi

b• Relations avec l’éthique

A • Chacun trouve banal d’avoir des intentions libres, mais aucun psycho-physiologiste ne cherche à en montrer les effets psi intracorporels [14]. Les inventions artistiques ou les découvertes scientifiques intéressent la société par leurs résultats, mais aucun historien ne cherche à théoriser les « effets antérieurs » de cette créativité, à faire du principe de finalité propre le fondement de toute science de l’esprit. Qu’est-ce au fond objectivement que le psi, sinon le mécanisme « anti-physique » de la créativité mis à nu ? Les parapsychologues n’en ont seulement pas le soupçon. Ce qu’ils veulent trouver dans le paranormal, c’est, tout comme leur public, une confirmation de leurs propres croyances, de leurs propres désirs, de leurs propres rêves. Ils cherchent des preuves transcendantales (Au-Delà, Hasard, Dieu), des techniques d’omniscience ou d’omnipotence… Les gens prennent le psi pour un moyen et non une fin. Ils s’intéressent aux tableaux, pas du tout à la peinture. Tel parapsychologue croit avoir démontré la valeur d’une méthode rationnelle ; toute la communauté s’emballe, et le public à sa suite, jusqu’à ce que les résultats redeviennent conformes au hasard. On relance alors l’intérêt par une variante. Et ainsi de suite jusqu’à épuisement des rituels possibles. Puis la communauté s’endort. Et au réveil, le cirque recommence, allumé par un autre illuminé. Telle pourrait se résumer la triste histoire de la parapsychologie rhinienne. Le rêve illusoire des expérimentalistes, c’est d’instrumentaliser le psi, d’extraire techniquement l’effet magique des intentions du sujet et des chercheurs. Ce qui est un contresens absolu : tout effet d’expérimentateur est psi, tout effet psi est un effet d’expérimentateur. Et ce qui est parfaitement incompatible avec l’existence : l’omniscience et l’omnipotence ne sont pas des fantasmes simplement solipsistes ou narcissiques mais psychotiques. Mais en cela, hélas, les chercheurs ne font que se conformer à l’idéologie occidentale moderne.

B • Que le psi soit irréductible à une science causale est une évidence que les expérimentalistes sont trop bêtes pour comprendre. Qu’il y ait dans le monde occidental 7 % de la population qui ne veut admettre la possibilité d’aucun phénomène psi est un fait tout aussi incontestable : on le retrouve dans tous les sondages d’opinion. Ce que les uns et les autres refusent, c’est la nature morale du psi, la dimension éthique de la créativité. La créativité n’est pas une option mais une nécessité existentielle. Pour seulement vivre, il faut évidemment s’engager personnellement, s’investir totalement. Personne ne peut le faire à votre place. Pour donner un sens à sa vie, il faut passer à l’échelon supérieur, il faut se trouver. Et ce n’est qu’ensuite qu’on peut prétendre à l’exercice d’une science morale. Quel que soit l’échelon visé, il faut se positionner contre. Etablir un programme anti-causal, anti-rationnel,
anti-passé. Tout en sachant parfaitement que sa réalisation restera à notre échelle. La créativité est l’objet même de la psilogie. Ce qui impose au chercheur non seulement d’être lui-même créatif en science (c’est la moindre des choses), mais aussi de parler de sa démarche intérieure et de rendre compte des limites extérieures de toute création. Créer, c’est viser systématiquement « l’effet d’expérimentateur », c’est-à-dire l’écart par rapport au résultat attendu. « Créer, disait Einstein, c’est penser à côté. » Vous connaissez peut-être la célèbre expérience dans laquelle un psychologue avait longuement informé un professeur de collège, en début d’année, des différents QI de ses nouveaux élèves. A la fin de l’année, les QI n’avaient pas changé. Le hic – c’est le mot adéquat – est que le psychologue avait menti et volontairement inversé tous les QI au départ ! La communauté des psychologues en a ri mais n’en a tiré aucun enseignement : « Simple effet d’expérimentateur… » J’ai souvent entendu des physiciens ironiser sur les sciences humaines, jamais surprises par leurs résultats expérimentaux et toujours capables de se constituer en chapelles antagonistes sur un thème quelconque. Comment, déclarent-ils, ces disciplines pourraient-elles devenir des sciences fondamentales quand leurs méthodes sont seulement des rituels d’auto-persuasion ? Personnellement, je n’y vois pas un vice, à la condition expresse que le chercheur reconnaisse la nature purement morale de ses méthodes. Quel freudien, quel darwiniste, quel marxiste, quel parapsychologue reconnaît qu’il pratique des rituels et non une science causale ? Aucun. Le résultat est qu’ils pratiquent tous, sous couvert de science, la même religion du mensonge. Mais la parapsy a quelque chose de spécial, qui fait d’elle la plus petite des sciences universitaires et la plus vaste église scientiste du monde : c’est en effet la seule discipline dont les théologiens peuvent dire absolument n’importe quoi puisque le psi se présente toujours habillé, que la mode n’a pas de limite et qu’il y en a donc pour tous les publics. La parapsy actuelle ne repose pas sur l’existence du psi mais sur la bêtise et la lâcheté humaines. On pourrait la définir comme l’ensemble des relations affectivo-commerciales entre croyants au paranormal, tout travail éthique sur soi étant exclu par principe.

Conclusion

L’obstacle majeur à l’essor de la psilogie, ce sont les parapsychologues. Aucun ne veut reconnaître la dimension éthique du psi. Aucun ne veut admettre la normalité du psi. Aucun ne veut renoncer au principe de causalité aveugle. Comment pourrait-on traiter de la créativité si l’on n’est pas soi-même créatif ? Ce n’est pas autrui qu’il faut convaincre de l’existence du psi, c’est soi-même qu’il faut transformer en médium involontaire d’une science inconnue.

Pourquoi les parapsychologues et le public s’entêtent-ils dans les mêmes erreurs ? Parce qu’ils tiennent plus à ces erreurs qu’à la vérité, à une culture du paranormal qu’à une science du psi. Il y a chez eux un intérêt trouble pour le mystère, qu’ils veulent entretenir et non supprimer. Ce qui entraîne évidemment le refus de faire de l’imaginaire et de l’éthique des sciences. Ces gens ne veulent pas sortir du magique et de la transcendance, ils veulent rester dans l’illusion rassurante que le psi n’a rien à voir avec leurs croyances personnelles ou les conforte, alors qu’il illustre le principe de finalité lucide, propre à toute existence. Les miracles du Christ prouvent qu’il était un sujet psi, pas qu’il était le fils de Dieu. Et le génie ne peut apparaître comme un miracle divin ou naturel qu’à ceux qui ont renoncé à se trouver. Une science du psi, complémentariste de nature, est incompatible avec une croyance moniste ou dualiste. Pour faire de la psilogie, il faut renoncer à croire en un Dieu créateur, en la Matière ou au Hasard. A ma connaissance, aucun parapsychologue ne veut s’y risquer : que resterait-il sinon l’angoisse d’une responsabilité sans limite ?

Un dernier point, très général aussi mais d’actualité, est que la science ne peut se laver les mains de ses conséquences sociales. Non seulement la psilogie, pour exister, ne peut se passer de sciences de l’esprit (du sujet, de l’imaginaire, de l’éthique…), mais la catastrophe planétaire que provoquent conjointement les techno-sciences et les pseudo-sciences humaines exige en plus une action militante en faveur du développement prioritaire d’authentiques sciences de la finalité propre. Ce n’est plus une question académique, mais de vie ou de mort pour l’humanité. Au train où nous allons, c’est fichu.

[1] Exemple type : les mouvements oculaires rapides (REM en anglais) au cours du rêve, rapportés par le sujet à des perceptions visuelles. Jouvet, le grand spécialiste français du rêve, a signalé d’autres violations psycho-physiologiques du principe de causalité.

[2] Cas des « états crépusculaires », où les sensations internes sont prises par le sujet pour des preuves d’actions externes. Le Dr Larcher, ancien secrétaire général de votre association, a plusieurs fois souligné l’inversion sensori-motrice des processus psi.

[3] l’un réel et l’autre imaginaire, correspondant à la distinction anatomo-physiologique classique entre systèmes parasympathique (repos) et orthosympathique (mobilisation).

[4] L’hypothèse crypto-psychologique des univers parallèles ne présente aucun intérêt : elle n’est pas physiquement testable.

[5] Paquet de 5×5 cartes, chacune étant illustrée d’une forme géométrique élémentaire différente.

[6] Dit à l’envers : le syndrome d’envoûtement (sous des formes très diverses) est une réalité psychiatrique courante.

[7] Le cas a été observé plusieurs fois et rigoureusement chez des médiums à ectoplasmes. C’est aussi le processus des guérisons miraculeuses (résorption de tumeurs ou restauration de lésions).

[8] Au mieux, Lévi-Strauss a décrit (très brillamment d’ailleurs et contre la psychanalyse) l’efficacité des rituels sur les maladies somatiques.

[9] Ses résultats thérapeutiques sont strictement conformes au hasard, comme le prouve une célèbre étude américaine réalisée avec l’aval de la société psychanalytique. La raison en est simple : la psychothérapie est une question de personnes, pas de méthodes.

[10] Actuellement, au moins un : moi-même.

[11] Histoire, communication/communion, auto-/hétéro-, conscient/inconscient…

[12] Cette cible quantique a donc les mêmes propriétés pour l’agent que la cible cérébrale de Libet, elle-même constituée d’ondes/particules élémentaires (ou « quantons »).

[13] Contrairement à un préjugé tenace, on ne cesse de penser en dormant.

[14] Libet a découvert malgré lui l’effet cérébral reproductible dont j’ai parlé. Et la communauté des chercheurs institutionnels (y compris philosophes, psychologues, psychiatres et psychanalystes) a tout fait pour réduire ce phénomène sacrilège à de la causalité aveugle, « inconsciente ».