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Perception extra-sensorielle à distance : Revue de la série de tests de Pearce-Pratt

Perception extra-sensorielle à distance : Revue de la série de tests de Pearce-Pratt

Aussi étonnant qu’il puisse paraître, voici un des premiers articles signés par J.B. Rhine qui est traduit en français et mis à la disposition du public. Ce manque étonnant avait eu pour conséquences de permettre certaines critiques gratuites sur les travaux de Rhine, sans qu’il soit pris la peine de se reporter aux véritables protocoles et aux publications réelles. Ces expériences ne sont pas exemptes de critiques, mais la pertinence de celles-ci ne s’évalue qu’à la lecture du compte-rendu original.


Publication originale : Rhine, J. B. and Pratt, J. G. (1954). A review of the Pearce-Pratt distance series of ESP tests. Journal of Parapsychology, 18, 165-77.

INTRODUCTION:

Plusieurs raisons nous amènent à présenter les travaux originaux, et ceux qui leur sont postérieurs, menés en 1933-34 au laboratoire de parapsychologie de l’université de Duke et connus sous le nom de « expériences Pearce-Pratt de Perception Extra-Sensorielle (PES) à distance ». L’une des raisons qui a motivé cette revue est le besoin exprimé par plusieurs étudiants de lire une présentation plus complète et détaillée des expériences originales. La première partie de la série, appelée Sous-série A, a été publiée dans la monographie Extrasensory Perception, rédigée en 1934 par J.B. Rhine (6). C’était à l’époque la seule partie aboutie. En 1936, un article de J.B. Rhine dans le Journal of Abnormal and Social Psychology (8) offrait un court compte-rendu de la série entière et de ses résultats, et en 1937 une version condensée de cet article apparaissait dans le premier numéro du Journal of Parapsychology (7).

La présente entreprise a pour autre raison le fait que, presque immédiatement après sa publication, la série de Pearce-Pratt reçut une attention particulière. Elle représentait une avancée méthodologique sur les précédents travaux de parapsychologie, et elle devait être prise en considération, à la fois pour le laboratoire impliqué dans l’expérience et pour ceux tentant d’évaluer et de critiquer les preuves de la perception extrasensorielle. De plus, alors que de nouvelles questions sur ces expériences se posaient, des analyses plus poussées de ces données voyaient le jour. Un compte-rendu de la plupart de ces analyses était effectué au moment de leur finalisation, mais les réunir pour les étudier ensemble serait aujourd’hui une tâche difficile.

Aussi, il est désormais possible d’évaluer l’expérience et ses résultats à la lumière des progrès de ces vingt dernières années, qu’on peut considérer comme la période la plus productive en parapsychologie. Que les auteurs rassemblent pour réexamen la matière factuelle qui s’est accumulée autour de cette série expérimentale unique représente un intérêt pour les étudiants d’hier et d’aujourd’hui.

Il est important de préciser dans quel cadre la recherche s’est déroulée, et en premier lieu les remarques primordiales concernant le personnel. L’expérience n’aurait pas été possible sans l’estime du professeur William McDougall pour ce problème, sa tolérance et son intérêt courageux pour le faire étudier dans de bonnes conditions dans un laboratoire de psychologie. J.B. Rhine était à l’époque professeur assistant au sein du département dirigé par le professeur McDougall ; à cette époque il était généralement compris que la recherche en parapsychologie était approuvée par le département. J.G. Pratt faisait son troisième cycle en psychologie et était assistant de recherche auprès de J.B. Rhine. Pour être tout à fait objectif, il faut préciser que J.G. Pratt n’avait pas alors montré d’intérêt spécifique pour la parapsychologie et avait orienté ses recherches sur d’autres sujets. Ce n’est que plusieurs années plus tard qu’il choisit de se consacrer à la parapsychologie.

Le sujet, Hubert E. Pearce Jr, étudiait à l’école religieuse de Duke. Environ 18 mois plus tôt, il s’était présenté à J.B. Rhine en disant avoir hérité des pouvoirs de clairvoyance de sa mère. Il dépassa le score moyen attribuable au hasard dans pratiquement chaque session de tests de PES par des cartes de Zener. Ces tests étaient effectués dans des conditions très variées avec comme expérimentateurs J.G. Pratt et J.B. Rhine durant une période intermédiaire (Sous-série D). Durant cette période, il prit part à près de 700 tirages de cartes PES standard, avec une moyenne d’environ 32% de réussite, contre 20% attribué à la chance. C’était la première série de tests de cette envergure jamais réalisée, et la performance d’Hubert Pearce était déjà à ce moment considérée comme hautement exceptionnelle.

La Série à Distance fut la première à séparer par plusieurs bâtiments Hubert Pearce de la carte-cible à identifier. C’était moins une condition strictement nécessaire dans l’exclusion de tout indice visuel qu’une façon d’apporter une marge de sécurité incontestable contre la possibilité de tels indices. Incidemment, l’utilisation de bâtiments différents seyait à un enregistrement indépendant des réponses du sujet et des séquences des cartes tirées. Il devint alors facile de fournir un double des enregistrements et une vérification par un tiers.

Pour ceux d’entre nous qui avaient déjà participé à la longue série de tests précédente d’Hubert Pearce, durant laquelle les conditions de test et d’observation s’étaient graduellement améliorées, ce perfectionnement supplémentaire des conditions expérimentales semblait à peine nécessaire. Les garanties essentielles avaient déjà été apportées. Mais l’esprit, confronté à une hypothèse aussi incroyable que la PES, tend à exagérer la probabilité d’intervention de facteurs comme les signaux visuels, les erreurs dans la prise de notes, leur perte, ou d’autres biais du même genre. Ainsi, une série de précautions qui n’étaient pas d’usage en psychologie expérimentale avaient été rendues nécessaires par le caractère révolutionnaire de l’hypothèse PES. Cette ambiance d’inquiétude critique concernant l’adéquation du protocole doit être prise en compte, car elle fait partie des circonstances réelles dans lesquelles l’expérience fut menée.

Les circonstances menant à l’organisation de la sous-série D donne une idée de l’état d’esprit qui prévalait alors. Les sous-séries A, B et C avaient été conçues sur l’idée de base qu’aucune erreur pouvant favoriser l’hypothèse PES n’était possible – à moins que les deux hommes, J.G Pratt et Hubert Pearce ne conspirent pour produire délibérément des résultats frauduleux. Anticipant prudemment (et avec raison) que certains trouveraient plus facile de suspecter cette complicité plutôt que d’accepter la PES comme établie, le professeur McDougall préconisa à J.B. Rhine de participer à au moins une courte sous-série de tests à distance, afin que la théorie de la complicité doive impliquer nécessairement les trois acteurs de l’expérience. La sous-série D fut conduite sur la base de ce plan, J.B Rhine y officiant activement avec J.G Pratt.

En réalité, le premier objectif de l’expérience était de comparer les résultats de l’effet des distances courte et longue sur les résultats. Ce rôle de la distance représentait la nouveauté essentielle du projet expérimental. Dans la plupart des tests auxquels J.G. Pratt avait participé durant la période antérieure, les cartes-test étaient à moins d’un mètre de lui. Cette première étape fut jugée suffisante pour passer à une distance au moins cent fois plus importante, qui permettrait d’évaluer l’effet de la distance sur toute énergie radiante intervenant possiblement dans l’opération de PES. Cette distance fut encore augmentée plus tard dans l’expérience. Tandis que la série de Pearce-Pratt a été considérée comme la démonstration définitive de l’existence de la PES pour le grand public et plus spécifiquement la critique, elle devint pour le personnel du laboratoire de parapsychologie le premier pas dans l’expérimentation de la nature non physique du psi, hypothèse qui avait été suggérée par des expériences antérieures et par l’étude d’expériences psi spontanées.

PROCEDURE :

Un seul sujet, Hubert Pearce, vit son aptitude à identifier extra-sensoriellement des cartes de Zener testée par l’assistant J.G. Pratt, situé dans un autre bâtiment, parfois distant de 100 mètres, parfois distant de plus de 250 mètres. L’expérience étant destinée à observer la clairvoyance de type PES, J.G. Pratt ne connaissait pas, par conséquent, l’ordre des cartes dans le test.

En dehors de l’organisation de l’expérience, J.B. Rhine participa uniquement à la vérification indépendante des résultats, sauf pour la Série D, dans laquelle il fut témoin de l’opération, avec J.G. Pratt.
Il y eut, en tout, quatre sous-séries, A, B, C et D, totalisant 74 tirages d’un paquet de 25 cartes.
[NdT : on entendra par « tirage » (run), le tirage des 25 cartes constituant un paquet standard de cartes de Zener, une à une et sans remise (ce qu’on appelle un jeu « fermé).]

La série se déroula entre août 1933 et mars 1934. Les jours de test n’étaient pas consécutifs, bien qu’ils le soient plus ou moins dans une même sous-série. Ils étaient planifiés en fonction de la disponibilité de Hubert Pearce et de J.G. Pratt. La sous-série C débuta en octobre 1933 et 4 tirages y furent ajoutés en mars 1934, la sous-série D les suivant. Toutes les dates sont indiquées dans le tableau 1. La sous-série A fut réalisée avec une distance de 100 mètres, la sous-série B avec 250 mètres, et les sous-séries C et D à nouveau avec 100 mètres. Les 74 tirages regroupent tous les tests effectués avec Hubert Pearce pendant l’expérience dans la situation où le sujet et les cartes cibles étaient situés dans des bâtiments différents. En fait, il s’agit de l’unique expérience à distance et impliquant différents bâtiments faite au laboratoire de Duke à l’époque.

La sous-série A fut élaborée avec un agrément préalable sur sa date de fin. 300 essais furent attribués à Hubert Pearce. Dans la sous-série suivante, la B, seule la distance changea, mais les expérimentateurs furent intéressés par les grandes variations des scores qui apparurent d’un jour à l’autre dans cette série à plus grande distance. Il fut décidé de permettre à Hubert Pearce de poursuivre plus avant afin de constater ce qui se produirait. La sous-série C avait pour but de reproduire la sous-série A, et consistait en 300 essais destinés à découvrir si les scores plus faibles de la sous-série B à plus longue distance résultaient d’une situation plus complexe ou si le talent d’Hubert Pearce avait diminué. La sous-série D, comme dit précédemment, devait permettre de surveiller J.G. Pratt, et sa longueur avait été définie à l’avance (150 essais, soit 6 tirages de 25 cartes).

En pratique, l’expérience s’est déroulée pour toutes les sous-séries de la façon suivante : au moment déterminé, Hubert Pearce rejoignait J.G. Pratt à la salle de recherche au dernier étage du bâtiment des sciences sociales, sur le campus de Duke. Les deux hommes synchronisaient leurs montres et déterminaient l’heure exacte du début de l’expérience, en donnant à Hubert Pearce suffisamment de temps pour traverser la cour et entrer dans un box au fond des rayons de la bibliothèque. J.G. Pratt pouvait voir Hubert Pearce entrer dans la bibliothèque depuis sa fenêtre.

J.G. Pratt prenait alors un paquet de cartes de Zener parmi d’autres toujours disponibles dans la salle. Il mélangeait ce paquet puis le coupait, tout en gardant les cartes face retournée. Il plaçait alors le paquet sur sa droite, sur la table où il était installé. Le livre sur lequel il était convenu avec Hubert Pearce de poser les cartes à chaque tirage reposait, fermé, au centre de cette table. A la minute marquant le départ de l’expérience, J.G. Pratt prenait la première carte du paquet, la plaçait face retournée sur le livre, et l’y laissait pendant une minute. A la seconde minute, J.G. Pratt prenait cette carte de la main gauche, toujours face retournée, et la plaçait sur le côté gauche de la table, tandis qu’il prenait de la main droite la carte suivante et la plaçait sur le livre. A la fin de la deuxième minute, cette carte était placée à gauche, sur la première, tandis que la suivante était placée sur le livre. De cette façon, à la vitesse d’une minute par carte, chacune des 25 cartes du paquet se voyait isolée, une carte à la fois, sur le livre au centre de la table, et constituait la cible ou le stimulus pour cet essai de PES.

A la bibliothèque, dans son box, Hubert Pearce tentait d’identifier les cartes, minute après minute, et écrivait ses réponses au stylo. A la fin du tirage, il y avait la plupart du temps une pause de cinq minutes avant qu’un nouveau tirage ne commence, exactement de la même façon. Hubert Pearce recopiait ses annonces, en signait une copie, et la plaçait dans une enveloppe scellée et adressée à J.B. Rhine. Au bout de deux tirages, J.G. Pratt copiait l’ordre des cartes des deux paquets. Ce document aussi était recopié, signé et placé dans une enveloppe scellée adressée à J.B. Rhine. Les deux enveloppes scellées étaient remises à J.B. Rhine en main propre, bien souvent avant que J.G. Pratt et Hubert Pearce ne comparent leurs documents et calculent le taux de réussite. Dans les rares occasions où J.G. Pratt et Hubert Pearce se retrouvaient pour comparer leurs documents avant que les enveloppes ne soient remises à J.B. Rhine, les données n’auraient pas pu être changées sans complicité, puisque J.G. Pratt conservait les résultats des documents non placés sous scellé, si bien que toute différence entre eux et les résultats de J.B. Rhine aurait été remarquée. Dans la sous-série D, J.B. Rhine était disponible pour réceptionner les copies pendant que les deux autres participants se retrouvaient tout de suite après chaque session pour faire le bilan.

Ainsi, Hubert Pearce était tenu informé au jour le jour de son taux de réussite, comme il l’avait été lors de ses expériences précédentes. L’habitude de le féliciter avec enthousiasme faisait partie de la procédure. Si, comme c’est rarement arrivé, sa note était faible, l’accent était mis sur sa performance globale, le maintien de sa moyenne générale et son niveau par rapport aux autres sujets de PES. Pendant tout le déroulement de la série, on rappelait au sujet, avec toute la force de persuasion possible, l’importance de l’objectif de réusssite, et combien on attendait de lui une excellente performance.

RESULTATS:

Evaluation générale

S’agissant d’une série de tests conduits fondamentalement dans les mêmes conditions, les quatre sous-séries (totalisant 74 tirages, ou 1850 essais) peuvent être réunies. La moyenne attendue selon le hasard est de 20%, soit 370 succès. Le nombre total de succès réellement enregistrés sur la série est de 558, soit plus de 30%. L’écart-type théorique est au minimum de 17.57 . Ce total de 558 représente 188 succès de plus que le hasard ne le laissait attendre, ce qui donne un ratio critique de 10,70. La probabilité d’obtenir un ratio critique aussi important sur la base d’un échantillonnage aléatoire est de moins de 10^-22. Une correction minime est appliquée au ratio lorsque, comme dans cette expérience, un jeu de cartes équilibré est utilisé ; c’est-à-dire, lorsqu’il y a 5 fois chaque symbole dans chaque paquet de cartes (tirage sans remise). La variance des scores obtenue avec les paquets de cartes Zener 5×5 dépend de la fréquence à laquelle le sujet annonce les différents symboles. La variance la plus importante survient lorsque le sujet annonce toujours exactement cinq fois chaque symbole, et l’écart-type de 17.57 a été obtenu à partir de cette hypothèse (2). Quoiqu’il en soit, le sujet annonce rarement cinq fois chaque symbole dans un tirage, et l’écart-type standard devrait donc être plus petit que celui utilisé ici, ce qui montre que l’estimation de la signification statistique est prudente.

Tableau 1 : Résultats généraux

Comme on peut le voir, chaque sous-série est significative individuellement. Le tableau indique la date, le nombre de tirages, l’écart, l’écart-type, le ratio critique, et la probabilité associée pour chaque sous-série . Un compte-rendu complet de l’ordre des cartes et des annonces a été transmis au fur et à mesure aux personnes qualifiées souhaitant étudier le matériel. Cette pratique se poursuivra.

Résultats d’analyses et d’études postérieures
Depuis le premier compte-rendu, les données de cette série ont été analysées par plusieurs chercheurs du laboratoire de parapsychologie. Certaines analyses soulèvent la question de savoir si l’ordre cible était suffisamment aléatoire pour justifier les postulats sous-jacents aux méthodes statistiques utilisées dans l’évaluation des résultats. L’objectif de certaines autres était de trouver des informations psychologiques plus poussées liées aux questions sur la façon dont la PES fonctionne.
Le compte-rendu suivant répertorie la plupart des analyses, même s’il ne couvre pas la totalité des revues et des discussions.

Tests des postulats sous-jacents aux méthodes statistiques
Greenwood et Stuart (3) effectuèrent une vérification par un recoupement dans lequel les réponses du sujet étaient appariées arbitrairement avec les cartes tirées deux tirages plus tard : ainsi, les réponses du premier tirage étaient mises en relation avec la séquence des cartes du troisième tirage, les réponses du deuxième tour avec les cartes du quatrième, etc. Pour ajuster la taille de la série de recoupement à celle de la série expérimentale, les réponses des deux derniers tirages ont été associées respectivement aux cartes des deux premiers tirages. Les 74 tirages de recoupement ont donné 387 succès, soit un écart de 17 au-dessus de la moyenne attendue par le hasard, ce qui est inférieur à un écart-type . La variance empirique de la distribution du recoupement est de 4.772, ce qui est proche de la valeur attendue compte-tenu de la taille de l’échantillon.

Greenwood (2) obtint également la variance des séries par une méthode prenant en compte la fréquence réelle à laquelle le sujet annonçait les différents symboles durant chaque tirage. La variance moyenne par tirage avec cette méthode est de 4.116, ce qui est légèrement supérieur :

 à la variance théorique de 4 pour l’hypothèse binomiale qui s’applique à un jeu de cartes « ouvert » ou à ordre aléatoire des cartes et

 à la valeur de 4.167 pour un appariement basé sur la comparaison entre deux jeux de cartes « fermés » adéquatement mélangés.

Ces quatre variances ont des valeurs tellement proches que la conclusion est la même, quelle que soit celle qui est utilisée pour calculer le ratio critique. Stuart (10) a calculé la variance empirique pour les scores des tirages et trouvé 12,83. Le grand éventail de scores, de 0 à 13, ainsi que leur tendance à se situer en-dessous du hasard dans plusieurs tirages de la sous-série B, contribuèrent à donner une variance empirique importante. Mais même ainsi, la série de Pearce-Pratt reste hautement significative lorsqu’elle est évaluée par l’écart type empirique (CR= 6.10, P<10-8). Analyses des effets PES secondaires

Russell (9), a analysé les données de cette expérience sous l’angle du « déplacement ». Il a comparé chaque réponse avec les cibles du tirage se trouvant à toutes les places permises par la position de la réponse. Dans la terminologie habituelle, cela signifie que pour le déplacement vers l’arrière, il vérifiait les données décalées de -1 à -24 places et pour un déplacement vers l’avant il vérifiait les décalages de +1 à +24 places. Aucun indice de déplacement n’apparut.

Pratt (5) inclut la série de Pearce-Pratt au sein d’un ensemble d’expériences ayant obtenu des résultats hautement significatifs, afin d’étudier si les bonnes réponses étaient groupées ou au contraire disséminées comme dans une suite aléatoire. Il n’y a aucune indication de regroupement des bonnes réponses dans la série de Pearce-Pratt, ni dans aucune autre des données de PES ou de PK analysées.

Cette expérience faisait également partie de celles recensées par Pratt (4) dans son analyse des données de PES pour déterminer si le sujet a interrompu ou changé sa séquence de réponse habituelle après une bonne réponse. La série de Pearce-Pratt ne montre pas de changement dans les réponses ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas de différence entre la fréquence avec laquelle le sujet donnant une bonne réponse utilisera ensuite préférentiellement l’un des 5 symboles, et la fréquence de choix des symboles suite à une mauvaise réponse.

Par ailleurs, sans donner le détail des chiffres, nous pouvons signaler ici qu’il n’y a pas eu d’indice détectable par un test X² du fait que le sujet interrompait sa séquence habituelle d’association de symboles au moment de faire une bonne réponse. C’est un point qui mérite d’être examiné dans des séries plus longues avec des sujets de haut niveau, où un effet faible serait plus susceptible d’être révélé par les mesures statistiques appliquées. S’il est avéré qu’un sujet obtient des résultats bien au-dessus du hasard sans dévier de ses préférences de séquences habituelles, quelles qu’elles soient, alors cela pourrait fournir un indice primordial concernant la façon dont les impressions extra-sensorielles parviennent à l’expression consciente.
Dans une autre analyse de la série, Cadoret et Pratt (1) ont étudié les mauvaises réponses des essais du sujet, pour trouver une trace d’associations régulières erronées entre réponses et symboles-cible. Aucun indice de régularité dans les échecs de la Série de Pearce-Pratt n’a été trouvé, bien que la conclusion d’autres expériences montre qu’une cohérence dans les échecs constitue un authentique effet secondaire.

Somme toute, les résultats des analyses des effets secondaires effectuées sur les données de Pearce-Pratt s’accumulent pour suggérer fortement qu’Hubert E. Pearce est parvenu à atteindre son objectif ; à savoir, diriger pour chaque essai sa PES vers la cible – la carte qui était sur le livre au moment choisi. Une seule exception à cette règle : la tendance qu’avait le sujet à avoir un score inférieur au hasard dans certains tirages de la sous-série B. Un nombre étonnant de scores faibles apparaît dans cette sous-série, trop pour être attribués aux fluctuations aléatoires, bien que les scores supérieurs au hasard prédominent malgré tout de telle façon que le score général des 44 tirages de la sous-série B soit de façon significative au-dessus du hasard.

Discussion

Même revus vingt ans après, les résultats des séries Pearce-Pratt apparaissent toujours n’autoriser d’autre interprétation que celle de la PES. A chaque fois qu’on a ré-examiné les résultats nettement au-dessus du hasard de cette série, cela n’a fait que confirmer que la significativité statistique des résultats ne peut être remise en question. De plus, aucune interprétation sensorielle défendable n’a été proposée pour expliquer les données. Aucun argument raisonnable ne vient soutenir l’hypothèse de l’erreur d’enregistrement, et les études additionnelles de la distribution des cartes dans la série n’ont montré aucun motif particulier qui pourrait conduire à modifier les conclusions. Même l’hypothèse de la complicité devrait impliquer les trois participants dans une conspiration intentionnelle. Enfin, les scores furent assez régulièrement élevés tout au long des séries pour que le sens commun – même sans l’appui des mathématiques – nous assure que la série n’a pas été obtenue par simple chance.

Par conséquent, si, comme le sondage de Warner le montre (11), ces résultats ajoutés à ceux des autres études sur la perception extrasensorielle, n’ont pas réussi à constituer un argument convaincant quant à la PES pour la majorité des membres de l’American Psychological Association qui ont répondu au questionnaire de Warner, on peut dire de façon sûre que le problème n’est pas une question de preuve scientifique. La série a contribué à tout ce qu’une expérimentation peut faire pour établir l’hypothèse PES. Le reste n’est qu’une question de réceptivité de la part des professionnels.

Les conclusions sont limitées, c’est un fait. Un seul sujet a participé, si bien qu’aucune généralisation ne peut en découler par rapport à d’autres sujets. Seul un court intervalle de temps de la vie du sujet particulier Hubert E. Pearce est concerné, et à partir de cette étude il n’est pas possible de tirer des conclusions générales qui déborderaient ces limites. Cette étude ne saurait révéler ce qui a permis à Pearce d’obtenir un tel taux de réussite ou permettre de prédire sous quelles conditions il pourrait renouveler cette performance. La Série de Pearce-Pratt n’a jamais eu la moindre de ces prétentions. Il était suffisant de dire que dans ces circonstances, avec leurs limites, et à ce moment-là, une performance notable s’est produite qui ne pouvait être attribuée qu’à une intervention de perception extrasensorielle, quelle qu’elle soit et qu’elle qu’en soit l’explication. Atteindre sans équivoque ce degré de fiabilité suffisait à constituer un tournant dans la réflexion et les expériences du laboratoire concerné. A partir de ce moment, un nouveau problème, un autre niveau dans la recherche de la PES était mis en marche.

La Série de Pearce-Pratt, tout en essayant d’améliorer les conditions de test, avait introduit une comparaison entre les distances. Sur les 30 tirages effectués à 100 mètres de distance dans les sous-séries A, C et D, la moyenne était de 8.8 réussites par tirage. La moyenne pour l’ensemble des 690 essais d’Hubert E. Pearce effectués depuis le début de la série était de 7.9 réussites pour 25 essais. La comparaison des résultats montrait donc que le facteur de distance ne saurait être une condition limitante. Au moins dans cette expérience, on ne pouvait pas dire que le score du sujet avait été diminué par l’introduction d’une distance de l’ordre de 100 mètres.
Avec la distance supérieure, 250 mètres, introduite dans la sous-série B, la moyenne des 44 tirage était de 6.7 réussites sur 25. Sur la base des moyennes, cela pourrait conduire à s’interroger sur l’effet possible d’une plus grande distance.

Un examen plus approfondi de la répartition chronologique des scores dans la note 1 dissuade de ce type d’interprétation. Cette répartition suggère plutôt qu’un autre facteur aurait permis d’augmenter ou de diminuer les notes dans une même journée de travail. Quel que soit ce facteur, il ne relevait pas de la simple distance entre le sujet et le paquet de cartes. C’est du moins le raisonnement qui était tenu à l’époque, et à défaut d’en apporter la preuve, les résultats expérimentaux sous-entendent que la distance de cet ordre n’était pas un facteur lié de façon essentielle à l’opération de PES. Puisque les distances étaient comparativement courtes, les résultats suggèrent l’importance de refaire des tests en utilisant de plus grandes distances. Et la suggestion d’absence de lien entre la PES et la distance a logiquement amené la question de la relation entre la PES et le temps. Ainsi, cette expérience a beaucoup contribué à accélérer la recherche expérimentale sur la prémonition, qui avait débuté avec le même sujet, Hubert E. Pearce.

Rétrospectivement, rien n’est plus remarquable que le changement dans l’importance des différentes caractéristiques d’une recherche expérimentale comme celle-ci. Durant les décennies qui ont suivi, toute la valeur de la série Pearce-Pratt a principalement résidé dans les caractéristiques des conditions expérimentales qu’elle avait utilisées. Sa principale contribution à la compréhension de la nature de la PES – en particulier son rapport à la distance – fut à peine remarquée, et il pourrait s’écouler encore du temps avant qu’elle ne le soit. Elle a cependant bien atteint son objectif d’attirer l’attention des personnes directement concernées sur les problèmes découlant de l’acceptation de résultats montrant que la distance n’a aucun effet .

Mais aujourd’hui, les expérimentateurs confrontés à des problèmes de terrain plus urgents se remémorant cette série, retiendront surtout le score exceptionnellement élevé et constant de cet individu spécial, Hubert E. Pearce. Il était devenu évident dans les expériences antérieures que l’enthousiasme et l’ambition d’Hubert E. Pearce augmentaient crescendo, et que son taux de succès suivait en général la courbe de sa motivation.

Comme indiqué précédemment, il dépassa son score précédent lorsque fut introduite la distance dans les conditions expérimentales des premières sous-séries. C’est comme s’il s’agissait d’un défi personnel, comme un sommet à atteindre, ce qui était effectivement le cas. Dans l’atmosphère intellectuelle dans laquelle il baignait, la conquête de la distance représentait une tâche suprême. On remarque également le changement saisissant des scores qui suivit l’augmentation à 250 mètres de la distance.

Quelques mois après la fin de la série, Hubert E. Pearce perdit soudainement sa capacité à obtenir un score significatif aux tests de cartes Zener, quelles qu’en soient les conditions et même dans les tests avec lesquels il avait travaillé de façon régulière et brillante pendant deux ans. Cette série particulière peut être pertinente sur le problème principal en parapsychologie aujourd’hui, celui de l’acquisition du contrôle de la performance psi.

REFERENCES

1. CADORET, R., AND PRATT, J. G. The consistent missing effect in ESP. J. Parapsychol., 1950, 14, 244-56.

2. GREENWOOD, J. A. Variance of the ESP call series. J. Parapsychol., 1938, 2, 60-65.

3. GREENWOOD, J. A., AND STUART, C. E. Mathematical techniques used in ESP research. J. Parapsychol., 1937, 1, 206-26.

4. PRATT, J. G. Change of call in ESP tests. J. Parapsychol., 1949, 13, 225-46.

5. Trial-by-trial grouping of success and failure in psi tests. J. Parapsychol., 947, 11, 254-68.

6. RHINE, J. B. Extrasensory Perception. Boston : Boston Society for Psychic Research, 1934.

7. Some basic experiments in extrasensory perception -a background. J. Parapsychol., 1937, 1, 70-80.

8. Some selected experiments in extrasensory perception. J. abnorm. soc. Psychol., 1936, 31, 216-28.

9. Russell, W. Examination of PES records for displacement ef fects. J. Parapsychol., 1943, 7, 104-17.

10. STUART, C. E. In reply to the Willoughby « critique. » J. abnorm. soc. Psychol., 1935, 30, 384-88.

11. WARNER, L. A second survey of psychological opinion on PES. J. Parapsychol., 1952, 16, 284-95.

Laboratoire de parapsychologie de l’Université de Duke, Durham, Caroline du Nord