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Parapsychologie et paranormal

Parapsychologie et paranormal

Le paranormal est omniprésent dans notre société, ne serait-ce que sous sa forme littéraire. Il convient de préciser quelle est la place exacte de la parapsychologie scientifique parmi les différents courants sociaux en rapport avec le paranormal, courants qui sont assez divers, avec des origines et des objectifs différents.


Praticiens / grand public

Pour le grand public, le terme de « parapsychologue » correspond le plus souvent à un praticien de la divination (voyant, astrologue, marabout …), personnage possédant un attrait certain de par sa capacité supposée à exercer ses pouvoirs « magiques » en remédiation aux problèmes de la vie. Des résultats de la parapsychologie scientifique, le public a conservé l’unique idée que les phénomènes psi étaient possibles, il en déduit donc qu’il n’y a pas de raison de ne pas les utiliser, surtout lorsque l’on est dans une situation de grande détresse. Selon des sondages divers publiés dans la presse, de 30 à 60% des français (selon les sources et les années) « croient » à la télépathie, la clairvoyance, ou la précognition. Erik Pigani, dans son livre « Psi : enquête sur les phénomènes paranormaux », a fait apparaître dans ses multiples interviews de personnalités que la plupart d’entre elles pensent que les phénomènes psi existent, mais qu’ils doivent rester un peu aléatoires, incertains, fluctuants, pour préserver la part de mystère de la vie. Si la majorité des scientifiques intéressés pensent que les phénomènes parapsychologiques constituent un domaine légitime de recherche, le grand public, lui, préfère adopter une attitude plus romantique de fascination/admiration/rêve plutôt que de pratiquer le discernement pour « séparer le bon grain de l’ivraie », distinguer la fiction des phénomènes réels.

Sectes

De trop nombreuses personnes, déçues par la société, par leur parcours de vie, ou par l’aspect matérialiste des préoccupations quotidiennes, se laissent embrigader dans des sectes qui promettent un monde meilleur et souvent utilisent généreusement la fascination pour les phénomènes paranormaux pour endoctriner leurs adeptes. Les phénomènes psi n’y sont jamais présentés dans leur aspect factuel, mais intégrés dans les constructions dogmatiques du gourou.

Esotérisme

Ce courant se manifeste principalement par l’appartenance à des sociétés secrètes censées détenir une connaissance « traditionnelle », par un intérêt pour les savoirs occultes, ou par une consommation d’articles spécialisés (ouvrages alchimiques, pierres ou talismans « magiques », objets symboliques etc…). Le ressort de ce courant social est la recherche de pouvoir, l’élitisme, ou bien l’intérêt pour les choses cachées, l’histoire secrète, ou encore le sens du sacré et des rituels traditionnels … La démarche scientifique au sens actuel du terme est absente de ces pratiques « traditionnelles ». Il s’agit plutôt d’une démarche individuelle de « recherche initiatique » fondée sur des connaissances transmises de générations en générations.

Spiritisme

Le spiritisme, mouvement lancé en 1848 par les sœurs Fox, consiste à invoquer les « esprits des morts » pour obtenir des manifestations paranormales (bruits, déplacements d’objets, lévitations de tables …) et des messages (par « incorporation » du médium, coups frappés, oui-ja, écriture automatique, ou photographie spirite …). Le spiritisme ne tarda pas à devenir une nouvelle religion, qui professait d’une part la survie de l’âme après la mort de l’enveloppe charnelle, et d’autre part la possibilité pour les décédés de contacter les vivants depuis « l’au-delà », par ex. par l’intermédiaire d’un sujet « médium ». Il expliquait également commodément les phénomènes de « hantise ». Ce qui constituait l’aspect le plus fascinant du spiritisme était que les messages semblaient constituer des « preuves » rationnelles de la croyance, surtout quand ces messages contenaient des informations qui ne pouvaient être connues que du mort lui-même (de la même façon qu’un « miracle » prouve aux fidèles que leur religion ne peut être que « la vraie »). S’il est vrai que le spiritisme a été pour une grande part à l’origine de l’intérêt que les scientifiques ont apporté à la métapsychique, celle-ci s’est progressivement distinguée de l’approche spirite, en refusant de considérer l’hypothèse de la survie comme une hypothèse scientifique (testable) et en préférant axer ses recherches sur les facultés psi du psychisme humain des vivants (clairvoyance, PK etc). Certains chercheurs, comme Rhine, ont préféré laisser l’hypothèse spirite de côté tout en pensant qu’elle reviendrait en avant-plan quand la recherche aurait progressé. D’autre part, les spirites n’ont en général pas d’intérêt pour la recherche scientifique et sont avant tout les pratiquants d’une religion, avec ses rituels, son efficacité psychologique dans le réconfort des personnes endeuillées, etc… L’immense intérêt du spiritisme pour la recherche psi est que cette croyance engendre une formidable richesse de phénomènes : il ne faut pas oublier que par ex. les fameux ectoplasmes sont apparus dans un contexte spirite. Malheureusement, les séances spirites se déroulent dans des conditions difficilement contrôlables, et les parapsychologues, trop empressés de se distinguer de l’approche spirite, ont beaucoup évacué ce contexte, réduisant par là-même l’ampleur des phénomènes. La forme moderne du spiritisme, la TCI, utilise des supports comme la vidéo ou les cassettes audio pour enregistrer les messages. Le spiritisme conserve encore aujourd’hui un énorme pouvoir d’attraction : s’il représente une activité fascinante et ludique pour les jeunes, il permet de donner un réconfort aux personnes ayant subi un deuil. Cependant, toutes les spéculations de la doctrine spirite ne peuvent être considérées que comme pseudo-scientifiques, puisque partant d’un postulat de base peu fondé (information psi en tant que « preuve » de survie, absolue crédibilité des messages des morts).

Médias / sensationnel / cinéma / Science Fiction

Le cinéma, la science-fiction, et surtout les séries télévisées (X-Files, Poltergeist …) s’inspirent des phénomènes psi en en donnant une image très déformée. En général, les phénomènes sont amplifiés et ont des effets agressifs et violents. Les « pouvoirs psi » deviennent des facultés contrôlées, régulières et toujours disponibles. Les scénarios mêlent souvent des histoires de cas parapsychologiques à des « entités » comme des démons, monstres, vampires, extra-terrestres, etc. Les phénomènes psi restent une grande source d’inspiration pour la fiction, littéraire, artistique ou cinématographique, de par leur aspect fascinant et leurs implications métaphysiques possibles. En France, les médias d’information se placent toujours sur le plan du « Y croire ? / Ne pas y croire ? », « Info ou arnaque », etc… et les présentations objectives de travaux scientifiques y sont rares, ou alors perdues dans un galimatias d’interviews de personnages peu crédibles ou d’histoires sensationnelles peu vérifiables. Les médias utilisent souvent les résultats de la parapsychologie scientifique pour construire des sujets « sensationnels » permettant un fort indice d’audience. C’est pourquoi, les personnes désireuses de se faire une opinion objective sur la parapsychologie scientifique ne peuvent accorder foi à des émissions de télévision ou à des journaux grand-public. Pour s’informer, il faut réellement lire les ouvrages ou les articles des chercheurs eux-mêmes, ainsi qu’éventuellement les écrits des « sceptiques ».

Médecines douces / Guérisons

Dans notre société hyper-médicalisée, nombreux sont les individus qui continuent à souffrir sans trouver de réponses auprès des pratiques médicales orthodoxes. Aussi ces êtres se tournent-ils en désespoir de cause vers les thérapeutes alternatifs : acupuncteurs, homéopathes, magnétiseurs, … et autres guérisseurs de tout type. Ces praticiens utilisent en général en façade des « techniques » mais en réalité les guérisons se produisent de façon paranormale, c’est-à-dire inexplicable scientifiquement parlant. Généralement, ces thérapeutes ne cherchent pas à faire valider leur pratique par des scientifiques, et les recherches françaises dans ce domaine sont rares et mal accueillies (voir J.Benveniste avec l’homéopathie). Certains parapsychologues ont cependant réalisé des enquêtes et des expériences dans le domaine des guérisons paranormales et des placebos. Parallèlement, de plus en plus de croyants font des démarches s’inscrivant dans la prière (mouvements charismatiques …) ou les pèlerinages (Lourdes …). Comme il est absolument primordial de préserver la croyance pour obtenir une efficacité thérapeutique, et malgré l’existence d’un Bureau Médical à Lourdes, peu sont motivés pour une étude rationnelle de ce type de guérison dit « miraculeuse ». Aux USA en revanche, la recherche sur les médecines alternatives est en plein développement, avec des fonds publics et privés très importants.

Anomalies (dont OVNIS)

Certaines âmes curieuses ont comme passion le recensement des anomalies scientifiques (phénomènes atmosphériques, animaux légendaires, OVNIs, vampires etc). Ainsi les recherches fortéennes établissent-elles, souvent avec le plus grand sérieux dans les enquêtes et les recoupements d’information, des catalogages de phénomènes divers et variés, aussi étonnants et énigmatiques les uns que les autres. Les cercles ufologiques élaborent des dossiers très détaillés et documentés sur chaque cas signalé d’objet non identifié dans le ciel. Les anomalies peuvent aussi consister en énigmes scientifiques posées depuis longtemps mais non encore résolues (par ex. en astro-physique), qui n’ont aucun caractère intentionnel, ou bien en problèmes posés de façon insoluble pour la méthode scientifique (ex : Dieu). Bien que certains parapsychologues soient aussi anomalistes, ou incluent les OVNIs dans la rubrique « apparitions », la recherche dans ce domaine du « paranormal en général » diffère de la parapsychologie scientifique, qui se restreint à l’étude des phénomènes en rapport avec le psychisme humain, et est plus portée sur la démarche expérimentale et théorique, que sur le simple recensement d’anomalies.

New-Age

L’idéologie du New-Age, fondamentalement optimiste, laisse une place de choix aux facultés parapsychologiques, puisqu’elle annonce une transformation en profondeur de l’être humain, qui passe par l’élargissement de la conscience et la maîtrise de la spiritualité. Les thèmes principaux de ce mouvement socio-culturel sont le millénarisme (nous sommes à l’aube d’un âge d’or), le changement de paradigme scientifique (la science va reconnaître le rôle de l’esprit), la métaphysique de l’unité (Univers global, holisme, hypothèse Gaïa), et la possibilité pour l’homme de se transformer spirituellement (yoga, psychologie transpersonnelle, entraînement au psi …). La pensée du Nouvel-Age s’est développée prodigieusement aux Etats-Unis et a atteint la France au point de saturer les rayons de librairie (on ne peut quasiment plus trouver d’ouvrages de parapsychologie scientifique, alors que les ouvrages consacrés à ces thèmes de développement personnel foisonnent). La position des New-agers par rapport à la science est ambivalente : d’une part il y a rejet du « rationalisme strict » dont le matérialisme est assimilé à la société de consommation, d’autre part il y a fascination quasi-mystique pour les « nouvelles » théories laissant entrevoir (supposément) une intervention de la conscience dans le monde matériel : mécanique quantique, systémique, complexité, théorie du chaos, holographie, etc… Le Nouvel-Age prône une rupture avec le positivisme et le déterminisme actuels pour une réconciliation de la science avec les savoirs traditionnels (bouddhisme, taoïsme, transcendantalisme …). Les New-Agers ne possèdent pas, pour l’immense majorité, de rigueur scientifique, et sont plutôt des croyants pratiquants et pragmatiques. Ils utilisent les résultats de la recherche psi pour étayer leurs thèses de transformation de l’Homme ou de communication universelle entre les êtres. Cependant, il faut savoir que la plupart des théories du psi sont d’inspiration New-Age, et nourrissent en retour cette idéologie par un processus de feed-back, tant l’imprégnation culturelle est aujourd’hui importante. Pour le sociologue, ce mouvement culturel est une réponse aux pertes de valeurs, aux échecs des idéologies, et au matérialisme exacerbé du 19ème et 20ème siècle.

Sociologie

La sociologie, l’anthropologie et en particulier l’ethnologie, s’intéressent aussi au paranormal, si l’on en croit les multiples sondages publiés régulièrement dans la presse sur les croyances de la population, et les nombreux ouvrages sur l’attirance des foules pour les voyantes. Sauf rares exceptions, ces disciplines considèrent en général les phénomènes parapsychologiques comme des croyances illusoires, donc dénuées de toute efficacité réelle. Au mieux, elles déclarent ne pas « prendre parti » et ne pas s’intéresser aux faits psi. Elles cherchent rarement à vérifier les conséquences des actes paranormaux comme par ex. le chamanisme, mais essaient plutôt de comprendre le système culturel de représentations des différents groupes humains concernés. Cette approche « neutre » me semble adéquate à ces disciplines sociales, cependant une recherche de base plus approfondie serait nécessaire : sans préjuger à priori de l’efficacité ou non-efficacité des facultés psi ou des rituels magiques, il faudrait tout de même vérifier avec sérieux, tout au moins dans les enquêtes ethnologiques, les résultats des pratiques psi. Exemple : la pluie tombe-t-elle après une cérémonie de Danse de la Pluie ? Cela permettrait, entre autres, de fournir une base solide à la réflexion des parapsychologues, qui eux, se chargent de découvrir « comment ça marche ».

Scepticisme

Les sceptiques constituent un groupe non négligeable dans la dynamique du paranormal, non par son importance numérique (la quasi totalité des publications aux USA ont été faites par une quinzaine d’individus), mais par la virulence de ses attaques contre les « croyants au paranormal » (dits « pro-psi »). Certains illusionnistes ou professeurs d’université se sont fait une spécialité de « dénonciateurs d’impostures paranormales » et vivent d’ailleurs de cela. Dans le camp des sceptiques, on trouve toutes sortes d’individus, des plus fanatiques « anti-psi » aux modérés prudents qui appliquent un « doute systématique » en examinant les faits avec attention et sérieux. Certaines critiques sceptiques détaillées des expériences psi ont été très utiles pour faire évoluer et perfectionner les protocoles. Il est souhaitable maintenant que les expérimentateurs fassent participer des sceptiques à leurs études. Les principales organisations sceptiques sont le CSICOP (USA) et pour la France : le cercle Zététique et l’AFIS. Ils sont très documentés et comptent des scientifiques parmi leurs membres. Néanmoins, la plupart des sceptiques obéissent à des préjugés implicites ou explicites qui ne sauraient être modifiés, quels que soient les faits auxquels ils peuvent être confrontés. Ces principes de base sont les suivants :

 Le psi n’existe pas parce qu’il est impossible, il violerait toutes les lois scientifiques, donc ce n’est pas un objet d’étude légitime.

 Devant un fait semblant paranormal, l’attitude souhaitable est d’imposer toute explication alternative ramenant le problème à un phénomène connu, même s’il est extrêmement improbable (ex : tremblement de terre pour expliquer un poltergeist etc.). Remarquons ici que les sceptiques, qui se disent souvent rationalistes, ne prônent pas l’examen attentif, critique, et sans a-priori des faits, mais une étude orientée des phénomènes de façon à prouver obligatoirement qu’ils ne sont pas paranormaux.

 Il n’y a pas l’ombre d’une preuve expérimentale que le psi existe (la totalité des centaines de recherches psi effectuées depuis plus de soixante-dix ans est balayée par les sceptiques sous prétexte de fraudes, d’erreurs, ou d’illusions des expérimentateurs).

 La parapsychologie n’a pas d’expérience reproductible, comme par ex. une expérience de physique peut l’être.

 Il suffit de montrer que le résultat positif d’une expérience peut être obtenu par des moyens d’illusionnisme ou frauduleux pour conclure que toutes les expériences de ce type sont nulles et non avenues (même si les conditions de la « reproduction frauduleuse » ne sont pas du tout les mêmes que les conditions de laboratoire).

 le terme « paranormal » n’est pas synonyme d’inexpliqué mais de surnaturel, magique, occulte, irrationnel, etc… Il faut donc combattre le possible retour vers une mentalité magique et obscurantiste.

Evidemment ces assertions sont combattues par les pro-psi, mais les réponses ne seront pas explicitées ici. En règle générale, les sceptiques ne font eux-mêmes aucune expérimentation (puisqu’ils considèrent que le psi est impossible) et se contentent de critiquer les expériences des parapsychologues. Il faut reconnaître que l’histoire de la parapsychologie est parsemée d’épisodes de fraudes réalisées par des médiums, mais en général ces fraudes ont été découvertes par les seuls parapsychologues, grâce aux moyens de contrôle rigoureux qu’ils avaient mis en place. De plus, les vrais critiques épistémologiques de fond sont faites par les parapsychologues eux-mêmes, du moins par ceux qui s’interrogent sur leurs propres pratiques. D’un point de vue socio-anthropologique, le scepticisme s’apparente à un groupe de pression, utilisant largement les ressources des médias et n’hésitant pas au besoin à pratiquer la désinformation.