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L’exemple de la parapsychologie en Allemagne

L’exemple de la parapsychologie en Allemagne

Le développement de la parapsychologie est très inégal en Europe. Alors que des chaires ou des départements de parapsychologie sont fondés dans plusieurs pays (Angleterre, Suède, Pays-Bas, etc.), la France n’en est pas encore à ce stade et, pire encore, n’a que de très rares échos des avancées de ses voisins.

L’IMI se propose de consacrer plusieurs articles à la parapsychologie de langue allemande, afin d’explorer les similitudes et les différences dans la réception des questions parapsychologiques. Ce tour d’horizon commence par l’inévitable ville de Freiburg, à quelques pas de la frontière alsacienne, où se développe des instituts de parapsychologie reconnus internationalement. Le psychologue Eberhard Bauer de l’Institut für Grenzgebiete der Psychologie und Psychohygiène (IGPP, Institut pour les zones frontières de la psychologie et l’hygiène mentale, site officiel : http://www.igpp.de) et le psychologue et physicien Walter von Lucadou de la Wissenschaftliche Gesellschaft für Forderung der Parapsychologie (WGFP, Société Scientifique reconnue d’utilité publique pour la Promotion de la Parapsychologie) nous invite à un essai d’inventaire sur l’histoire de la parapsychologie à Freiburg jusqu’en 1987. Cette synthèse historique s’accompagne en plus d’une bibliographie importante.

On peut ensuite se diriger vers un des services actuels de l’IGPP, le conseil et l’information pour les personnes vivant des expériences exceptionnelles. Fruit d’une recherche universitaire menée en collaboration avec l’université Albert Ludwig de Freiburg (1995-2000), ce service occupe désormais un département entier de l’IGPP, étant dirigé par le psychologue Eberhard Bauer et supervisé par la psychiatre Martina Belz-Merk. L’IGPP avait déjà une longue tradition d’accueil et d’écoute des personnes pensant vivre des expériences « paranormales », et cette offre professionnelle et gratuite repose donc sur des fondements solides, reconnus par les ordres des psychologues et des psychiatres allemands.

De telles possibilités de développement n’ont pas toujours été aussi accessibles. Il a fallu des rencontres avec les sceptiques (P. Hoebens, A. Hergovitch, M. Lambeck, etc.) et des réflexions croisées avec des épistémologues (comme P. Feyerabend qui organisa une série de manifestations sur la question de la scientificité de la parapsychologie à l’ETH de Zürich en 1984) pour dépasser la guerre entre « sceptiques » et « parapsychologues ». Et c’est la reconnaissance de la spécificité des problèmes posés par la parapsychologie, telle que nous la livre E. Bauer dans son article sur les Critiques et controverses en parapsychologie de 1984, qui peut aider à faire avancer les débats.

Il ne s’agit pas seulement d’envier la position des institutions allemandes, mais de se rendre compte des possibilités qu’elles ont engendrées. De plus en plus de scientifiques d’un très bon niveau se tournent vers cette parapsychologie qui n’est plus marginalisée, et les réflexions sont poussées à tel point qu’on voit enfin pointer des théories physiques ayant des similarités avec les réflexions parapsychologiques et ouvrant la porte à une compréhension des phénomènes psi, le tout publié dans des grandes revues scientifiques (par exemple, la Weak Quantum Theory de H. Atmanspacher, H. Römer et H. Walach publiée dans Foundation of Physics, 2002, 32, 379-406.) article disponible ici : http://www.igpp.de/english/tda/pdf/wqt.pdf. Dans les grandes revues de neurosciences, de cybernétique ou encore de philosophie, on n’hésite plus à poser les débats de la parapsychologie. Dans ce cadre, nous étudierons le fécond Modèle de l’Information Pragmatique (MPI) développé depuis 30 ans par Walter von Lucadou, lorsqu’il s’applique aux phénomènes de RSPK ou « poltergeists » ( Le Modèle de l’Information Pragmatique et les prédictions de RSPK , par W.v. Lucadou & Frauke Zaradhnik) ou à la parapsychologie en général ( Le psi existe-t-il et pouvons-nous le prouver ? Croyance et incroyance dans la recherche sur la psychokinèse , par Eckhard Etzold). Même si ce modèle est encore incomplet, il apporte quelques éléments nouveaux qui font avancer les recherches théoriques vers une plus grande compatibilité avec les données de la science contemporaine.

La fertilité théorique des allemands a pour racine identifiée le « dialogue Pauli-Jung » (cf. Der Pauli-Jung-Dialog und seine Bedeutung für die moderne Wissenschaft, H. Atmanspacher & H. Primäs, Springer, Heidelberg, 1995). Hans Primäs, un des successeurs du grand théoricien de la physique quantique Wolfgang Pauli, et lui-même professeur à l’École polytechnique fédérale de Zurich (en allemand Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, ETHZ), nous parle de ce dialogue en dépouillant la correspondance des deux penseurs (Synchronicité et Hasard, 1996). On se rend alors compte de la contribution importante de Pauli dans la théorisation de la « synchronicité ». Le physicien et le psychologue des profondeurs se sont alliés pour offrir des idées qui ont beaucoup d’avance sur les modèles physicalistes ayant cours en parapsychologie. Mais c’est tout autant la possibilité d’un tel dialogue qui ouvre la voie à un projet de recherche fécond, dont on peut suivre le développement dans la revue Mind & Matter éditée par l’IGPP.

L’IMI espère ainsi aider les lecteurs à surmonter quelques barrières : celle de la langue comme celle de l’esprit.